Pourquoi les dominicaines vendent leur couvent d’Ilanz

Une communauté de religieuses dominicaines vit depuis 160 ans à Ilanz, dans les Grisons. Mais alors que la relève manque et que les coûts d’entretien ne sont plus tenables, le couvent cherche un investisseur et de nouvelles utilisations du site.

Wolfgang Holz, kath.ch / traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

En ce mois de novembre, les nuages s’accrochent aux pentes des montagnes de la Surselva, déjà enneigées. Une légère bruine s’abat sur le couvent d’Ilanz. De l’extérieur, on voit que certains des vastes bâtiments sont déjà quelque peu vétustes.

La communauté connue sous le nom de ‘Ilanzer Dominikanerinnen’ a été fondée en 1865 dans la localité grisonne par le prêtre Johann Fidel Depuoz. Le couvent actuel a été construit au début des années 1970 par l’architecte zurichois Walter Moser qui s’est inspiré de Le Corbusier. Le complexe est classé monument historique.

Dans la maison d’hôtes, très fréquentée, et dans les nombreuses salles de séminaire, on ressent que le couvent d’Ilanz est toujours au diapason de son temps et répond aux besoins de nombreux visiteurs en leur offrant tranquillité et espace de réflexion.

Mais le lieu connaît une autre réalité, confie à kath.ch la prieure générale du couvent et présidente du conseil de fondation, Sœur Annemarie Müller. « Le couvent ne pourra plus à l’avenir financer son entretien de manière durable avec ses propres revenus », déclare la religieuse de 61 ans, entrée à Ilanz il y a 36 ans. Les revenus de la maison d’hôtes servent surtout à maintenir l’entreprise en vie.

Important déficit annuel

En d’autres termes: la communauté de dominicaines, qui compte actuellement 61 sœurs – dont l’âge moyen est de 86 ans – doit chaque année puiser entre 1,5 et 2 millions de francs dans le patrimoine du couvent pour couvrir les frais d’exploitation et les coûts du personnel. Une partie de ces fonds provient des biens immobiliers du couvent.

Le couvent est une grande entreprise qui emploie actuellement environ 80 collaborateurs (56 postes à temps plein) dans les domaines des services de santé, de la gestion des installations, de la restauration, de l’hôtellerie et de l’administration. Les revenus générés assurent aussi la prise en charge des quelque 30 sœurs qui vivent dans la maison de retraite du monastère.

Volets fermés

Dans le bâtiment en forme de U du foyer des sœurs, juste au-dessus de la maison de retraite, on remarque de nombreux volets fermés: des chambres qui ne sont plus occupées depuis longtemps, car il n’y a plus de jeunes sœurs.

Sœur Annemarie est très claire: « Depuis que je suis au monastère, il y a eu quelques novices, mais aucune sœur n’a prononcé de vœux perpétuels. » Dans 30 ans, le monastère pourrait donc se retrouver déserté. Pour éviter ce scénario et donner un avenir au couvent, le conseil de fondation a décidé de lancer un nouveau projet sous le slogan « Se faire plus petit pour grandir ». Ce projet vise à vendre les biens immobiliers du monastère afin que la communauté des sœurs puisse retrouver une stabilité financière.

Complexe résidentiel, commercial et de rencontre

« L’objectif est de transformer l’ensemble monastique classé monument historique en un complexe résidentiel, commercial et de rencontre polyvalent, avec un ‘nouveau monastère’ intégré pour la communauté de sœurs qui se réduit, dans les cinq à dix prochaines années », explique la présidente du conseil de fondation.

Le concept du projet repose sur la garantie que les sœurs pourront continuer à vivre dans les murs du couvent. Cela semble réaliste, car à la fin de l’année scolaire 2027/2028, l’école de commerce, qui est logée depuis des années dans le monastère, déménagera dans de nouveaux locaux à Ilanz. Cette nouvelle donne pourrait offrir à la communauté un nouveau lieu de vie, à une échelle bien plus réduite. « Par ailleurs, l’église du couvent continuera à être utilisée pour les offices et les concerts », souligne Sœur Annemarie.

Investisseurs recherchés

Mais y a-t-il déjà un acheteur potentiel? Sœur Annemarie reconnaît en souriant que le projet n’en est qu’à ses débuts. « Mais je suis convaincue qu’il existe en Suisse des entreprises et des sociétés qui pourraient être intéressées. » La finalité résidentielle pourrait notamment attirer les investisseurs, au regard de la magnifique vue panoramique sur la vallée du Rhin et les flancs des montagnes de la Surselva. En revanche, il est exclu que des appartements de luxe ou des résidences secondaires soient construits sur le site du couvent.

Mais que se passera-t-il si la vente ne se fait pas? « Nous aurons au moins la certitude de savoir dans quelle direction nous pouvons aller », explique la prieure générale. Cela nous porterait vers d’autres possibilités de développement, comme la location du complexe.

Mais sœur Annemarie est plutôt optimiste: « Les nombreuses personnes qui viennent chez nous et qui y trouvent la paix et le ressourcement soulignent à quel point notre maison est attrayante. » (cath.ch/kath/wh/rz)

Rédaction

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