Marie-Dominique Minassian – Eglise du Sacré-Cœur, Lausanne
Voilà l’image qui nous est offerte pour nous réjouir en ce troisième dimanche de l’Avent : Jean-Baptiste au fond de sa cellule, en proie au doute… Il envoie ses disciples chercher des réponses auprès de Jésus. Et la réponse de Jésus est nette : « Dites-lui ce que vous entendez et voyez » !
La « revanche de Dieu », c’est la vie retrouvée, c’est la joie
Écouter et voir… Jésus renvoie les disciples de Jean-Baptiste. Ce sont eux qui vont lui redonner espoir en lui rapportant ces signes des temps qui font écho à la prophétie d’Isaïe. La « revanche de Dieu », c’est le salut des pauvres de tous poils. La revanche de Dieu, c’est la vie retrouvée, c’est la joie. Jean-Baptiste était perdu, enferré en lui-même dans la nuit de sa foi, en butte avec son impuissance et son échec apparent, perdu dans ses questions, sans horizon. Il était perdu et il est retrouvé. Jésus lui redonne le sens de ce qu’il était venu vivre et annoncer. Il réveille son identité. Il est bien celui qui était chargé de préparer les chemins du Seigneur. Et Jésus est bien celui qui devait venir, celui qui redonne la vie. La longue patience de tant et tant de générations trouve en lui son point d’orgue. Un nouveau monde est inauguré. Le Royaume s’est immiscé sur la terre. Un bout de ciel est venu mettre un terme à l’errance des croyants. Jésus est bien celui qui était attendu. Toutes les prisons s’ouvrent par lui désormais.
Ecouter et voir… être les témoins des merveilles accomplies par le Seigneur
Écouter et voir… C’est ce qui peut nous arriver de mieux, ici, aujourd’hui. Être les témoins des merveilles accomplies par le Seigneur. Maurice Zundel l’avait bien dit : « Si nous étions conscients du don de Dieu, toute notre vie serait un pèlerinage vers l’Ami qui demeure en nous. Car Jésus n’est chez lui qu’à l’intérieur des autres ». Nous voilà donc projetés dans le voyage immobile, intérieur et extérieur, qui nous relie les uns aux autres. Jean-Baptiste était relié aux autres par la mission confiée un jour de Visitation. Dans le ventre d’Elisabeth, il avait tressailli de joie. Dieu l’avait visité et il était le vis-à-vis intra-utérin de celui qui venait dans le monde : Jésus, « Dieu sauve ». Marie et Elisabeth en faisaient l’expérience dans leurs propres entrailles. Dieu est à l’œuvre. Il fait fi de nos stérilités et de nos impossibilités. Il crée la vie, la multiplie. Et la trace de son passage, c’est la hâte, comme Marie après l’Annonciation, d’aller voir les merveilles qu’il accomplit aussi chez l’autre. Le pèlerinage de Marie ne s’est pas terminé chez Elisabeth, il s’est poursuivi à Nazareth, à Cana, à Jérusalem, … pour écouter et voir les merveilles de Dieu.
Dieu nous envoie écouter et voir chez les exilés, les stigmatisés, invisibles…
Et puis, il y a eu cette journée terrible accomplissant la prophétie du vieillard Syméon. Ce glaive planté dans son cœur au moment où la lance perce celui de son fils. Ce cœur d’où jailliront le sang et l’eau, le don de Dieu pour irriguer toute la terre et abreuver tous les assoiffés de justice. Marie est là, au pied de la croix. Elle ne peut pas le savoir ni le vivre comme cela, d’emblée, mais c’est le jour de la revanche de Dieu. C’est le jour de sa victoire éclatante sur le meurtre de l’innocent, c’est sa revanche sur la souffrance de tant et tant de femmes et d’hommes de tous les temps. Cette vie donnée, en pure grâce, à nous tous, c’est le témoignage de l’Ami venu demeurer chez nous un jour du temps, et pour chaque jour de tous les temps. Il est cette présence éternelle qui ne se dédit pas aux jours de malheurs. Il fait Dieu aujourd’hui. La vie refleurit. C’est ce que Jésus fait dire à Jean-Baptiste par ses disciples. C’est le motif de notre joie pascale, c’est la mort dépassée pour entrer dans le sillage et l’élan du Fils de Dieu qui éternise tout sur son passage. Aucune de nos prisons n’aura raison de cette espérance qui réside au cœur des pauvres. Allons écouter là où Dieu fait revivre les humiliés, les blessés de la vie. Il nous envoie écouter et voir chez les effacés, les exilés, les déplacés, les stigmatisés, les invisibles et les inaudibles, et puis redire ses merveilles à qui veut entrer dès aujourd’hui dans le paradis avec tous ces larrons de nos vies. Dieu ne fait pas acception des personnes. Le Royaume est pour tous.
Cet enfant « désarmé et désarmant » vient ressusciter nos envies d’aimer malgré tout
C’est l’heure de ta grâce, Seigneur. Ce temps de l’Avent nous parle d’une naissance. La tienne, la nôtre et celle de tous ces autres qui, s’ils connaissaient ton visage, ce don que tu nous fais de ta vie, s’empresseraient d’entamer ce pèlerinage vers toi, l’Ami, qui n’en finit pas de venir demeurer en nous, et qui nous presse de te découvrir, Dieu caché, dans le cœur de tous ces autres que tu aimes. Tu nous presses de devenir des contemplatifs les uns des autres. Mais pour l’heure, c’est de nuit qu’il nous faut ressourcer nos yeux et nos oreilles, attentifs à la lumière qui va poindre, à l’étoile qui mènera à la crèche. C’est un enfant qu’il nous sera donné de découvrir. C’est lui qui vient remettre nos existences au diapason de l’amour. Cet enfant, si fragile, « désarmé et désarmant », vient ressusciter nos envies d’aimer, quand même, malgré tout. La paix et la joie sortiront vainqueur du combat qu’il va mener. Alors, n’ayons pas peur, approchons-nous de lui. Entamons le pèlerinage essentiel pour la joie et la vie du monde…
3e Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 33, 1-10 ; Psaume 145 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-11