La confiscation du pouvoir politique par les armes

Région des Grands Lacs: Pax Christi Wallonie-Bruxelles dénonce les causes du conflit

Bruxelles, 30 juillet 1999 (APIC) Dans un appel adressé à toutes les parties en cause, pour « ensemble, oser faire la paix », le mouvement catholique belge pour la paix « Pax Christi Wallonie-Bruxelles » cerne les causes du conflit qui met la région africaine des Grands Lacs à feu et à sang.

Principale constatation: la confiscation du pouvoir politique par les armes, une constante depuis l’accès de ces pays à l’indépendance il y a quarante ans.

L’Afrique centrale déstabilisée

Depuis plusieurs années, rappelle Pax Christi, la région des Grands Lacs est un foyer de violence. « Des conflits meurtriers qui persistent au Burundi et au Rwanda se sont répercutés au Congo (Zaïre). Aujourd’hui, toute l’Afrique centrale est déstabilisée. La peur règne. Des gens sont régulièrement massacrés. Des milliers de personnes sont chassées ou dépossédées de leurs biens et installées dans des camps à l’intérieur des pays respectifs. D’autres personnes sont obligées de fuir et doivent chercher refuge et sécurité à l’extérieur des frontières nationales. »

Par rapport à cette situation, l’initiative de Pax Christi poursuit un double objectif:

– « appuyer tous ceux qui œuvrent pour mettre fin à la violence dans la région des Grands Lacs, pour y faire respecter la vie humaine, pour y faire régner la justice pour tous, l’Etat de droit, la démocratie, le développement; bref pour redonner l’espoir d’un avenir meilleur à l’ensemble de la population »;

– « rappeler à la communauté internationale que la tragédie qui prévaut en ce moment dans la région des Balkans ne doit pas faire oublier des situations inhumaines similaires devenues chroniques dans d’autres régions du monde, notamment en Afrique (Angola, Algérie, Burundi, Congo Kinshasa, Congo Brazzaville, Liberia, Rwanda, Sierra Leone, Soudan…) ».

Diabolisation de l’autre, désinformation, ethnisme, corruption, impunité…

Dans ce document de six pages, « Pax Christi » considère que les conflits internes aux Etats des Grands Lacs « ont des similitudes qui sont à la base de leur internationalisation ». Et de mettre en évidence trois causes principales des conflits armés.

– Première cause: « La confiscation du pouvoir politique ». Depuis quarante ans, dans nombre de pays africains devenus indépendants, le pouvoir a été pris et s’est maintenu par les armes. Dès lors, « la lutte pour le pouvoir entre ceux qui le convoitent et ceux qui tiennent à le garder s’inscrit comme cause première des conflits armés en Afrique ». Cette lutte pour le pouvoir use de tous les moyens, poursuit le mouvement catholique: ethnisme, corruption, embrigadement de la jeunesse, arrestations arbitraires, assassinats, massacres, impunité, diabolisation de l’autre, désinformation et mensonge.

En outre, « la plupart des libertés fondamentales sont bafouées. Ni le système judiciaire, ni le Parlement ne contrôlent ceux qui exercent un pouvoir dictatorial à la tête de l’Etat ». Or, poussée à bout, la confiscation du pouvoir politique conduit à l’élimination de tout un groupe ethnique, « c’est-à-dire au génocide ».

– Deuxième origine des conflits armés: « la question des réfugiés ». En effet, explique Pax Christi, les réfugiés, contraints à fuir les menaces de mort ou d’emprisonnement, « subissent de graves dénis de justice, endurent de grandes souffrances et connaissent souvent des périodes de profond désespoir. Certains s’organisent alors hors des frontières, mènent des actions de déstabilisation du régime en place et préparent leur retour les armes à la main ». Il y a là une , « bombe à retardement »… qu’aucun pays de la région n’a réussi à désamorcer, constate le mouvement pour la paix.

– Troisième explication à la persistance des conflits: un « mauvais arbitrage par la communauté internationale », dont Pax Christi dénonce la « double attitude ». « Tantôt, elle tolère ou soutient des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Tantôt, elle se donne bonne conscience en remplaçant ces régimes devenus gênants pour ses intérêts géostratégiques par des aventuriers plus facilement corruptibles. » Résultat: des mouvements se forment en quête de « libération », mais sans assise populaire; ils « recourent aux exactions de toutes sortes, sèment la terreur et un désarroi plus profond » et « deviennent à leur tour des régimes oppresseurs ».

Recommandations pour l’action

L’analyse des causes des conflits dans la région des Grands Lacs débouche sur quatre pages de recommandations visant des actions concrètes de la part de différents acteurs, tant en Afrique que dans les autres continents. Pax Christi encourage d’abord les citoyens des pays de la région des Grands Lacs à « militer ensemble » pour que progressent la paix, la justice, la démocratie et le développement et à résister ensemble aux manipulations ethniques ou politiques des conflits.

Aux parties en conflit, le mouvement recommande évidemment de déposer les armes et de « renoncer définitivement à la logique de guerre ». Mais ceci suppose la conjonction de multiples efforts: que les dirigeants actuels s’ouvrent au débat démocratique, qu’ils mettent fin à l’impunité et désarment les milices; que les forces armées régulières ou rebelles se fassent protectrices de la population au lieu de se livrer à des exactions voire à des massacres. L’appel s’étend aux politiques et aux forces vives de la société civile: que tous recherchent ensemble un modèle de société porteur d’espoir d’un avenir meilleur, basé sur un Etat de droit, garantissant une justice pour tous et respectueux des valeurs humaines.

Huit recommandations à la communauté internationale

Huit recommandations générales sont ensuite adressées à la communauté internationale:

– « mettre à la disposition de l’ONU et de l’OUA les moyens nécessaires notamment pour désarmer les belligérants, garantir la paix et la sécurité durables;

– « imposer un embargo sur la vente et sur la circulation des armes vers et dans les pays en conflit;

– « condamner et combattre toute violation des frontières internationalement reconnues;

– « participer activement au jugement équitable des responsables des crimes contre l’humanité;

– « lier l’aide et la coopération à l’instauration ou au renforcement d’un Etat de droit;

– « protéger et soutenir ceux qui militent véritablement pour la paix, la cohabitation pacifique, l’état de droit, la démocratie;

– « arrêter les prédateurs des patrimoines nationaux et aider à la restitution de ceux-ci;

– « soutenir efficacement les initiatives génératrices d’un développement durable et profitable à l’ensemble de la population ».

L’OUA devrait s’impliquer davantage, la dette morale de l’Union Européenne

A l’OUA, l’Organisation de l’Unité Africaine, « Pax Christi » demande de « s’impliquer davantage » dans la prévention et dans la résolution des conflits en Afrique. Quant à l’Union Européenne, elle a, aux yeux du mouvement, « une dette morale et matérielle envers les pays africains »: raison de plus pour « ne pas rester sur la touche » et pour « prendre des initiatives publiques et contrôlables pour aider les pays et les peuples concernés à se réconcilier, à se remettre debout, à construire de nouvelles solidarités et un nouveau partenariat ». Le mouvement catholique compte sur le gouvernement et sur le peuple belges pour être, au sein de l’Union Européenne, des « messagers de la paix » auprès de « tous les partenaires internationaux ».

Le texte complet de la déclaration est disponible au Secrétariat de Pax Christi Wallonie-Bruxelles. Il se termine par une invitation adressée « à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté » pour relayer ce message de paix « auprès des décideurs politiques, auprès des autorités religieuses et militaires, auprès des associations civiles et humanitaires, auprès des médias ». (apic/cip/be)

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