«L’esprit de Taizé, c’est la confiance en l’autre»

Jasmin, Louise et Claire se rendront à Paris en fin d’année pour la 48e rencontre européenne de Taizé. Les trois jeunes catholiques romandes savent qu’elles y trouveront une ferveur et une bienveillance qui nourriront leur foi et leur espérance pour le reste de l’année.

«Lorsque je suis arrivée à Taizé, j’ai tout de suite été marquée par la bonne ambiance, cela a été une révélation, j’ai eu l’impression d’être dans une grande famille», assure Jasmin à cath.ch.

La Genevoise de 22 ans s’est rendue à Taizé dans le cadre de son parcours de confirmation. Elle avait entendu que des marches étaient proposées depuis la cité du bout du lac jusqu’au petit village de Bourgogne. Elle a fait depuis lors quatre fois ce trajet à pied.

Une petite communauté devenue grande

La localité a donné son nom à une communauté et à une aventure de foi qui dure depuis plus de 80 ans. En 1944, le pasteur protestant suisse Roger Schutz a fondé la communauté monastique de Taizé, qui avec l’arrivée de catholiques, est devenue œcuménique. Par sa dimension internationale et fraternelle, Taizé attirera, dans les décennies suivantes, des centaines de milliers de jeunes chrétiens.

« Cela m’a apporté de la paix, de la joie, et une intense sensation d’unité »

La communauté reçoit aujourd’hui environ 50’000 visiteurs par an, venant du monde entier et de toutes confessions, voire religions et sensibilités, depuis 1966, soit plus de 3 millions de personnes en près de 50 ans. Les visiteurs sont logés dans des chalets et des tentes et peuvent participer à de nombreuses activités, telles que des groupes de réflexion, de chant, de musique, d’étude biblique ou de prière.

Depuis 1978, Taizé organise pour le Nouvel An des rencontres de cinq jours dans une ville d’Europe sous le nom de «Pèlerinage de Confiance sur la Terre». Des dizaines de milliers de jeunes y assistent et sont hébergés dans les familles ou les centres communautaires.

Un petit saut dans l’inconnu

«Chouette, ça va être la même chose qu’à Taizé, mais en plus grand!», s’est dit Jasmin en entendant parler de ces rencontres européennes. Et elle n’a pas été déçue. «Cela m’a apporté de la paix, de la joie, et une intense sensation d’unité.» Elle y a fait des rencontres qui lui ont permis d’élargir grandement sa compréhension du monde. Elle a notamment lié une forte amitié avec un frère de Taizé sénégalais.

Une prière de Taizé, à Echallens | © Bernard Litzler

Du 28 décembre au 1er janvier prochains, l’étudiante en sciences politiques vivra donc à Paris sa cinquième rencontre européenne. Bien qu’elle se réjouisse, elle admet qu’il s’agit toujours «d’un petit saut dans l’inconnu». Ce qui est également une chance, car «il faut faire confiance à l’autre, à la vie, croire que Dieu nous guide.» Jusqu’ici, l’accueil, notamment dans les familles, «a toujours été extraordinaire. On crée toujours des liens très forts, même si on ne reste que cinq jours. J’ai vu des familles d’accueil pleurer à notre départ.»

Une expérience de cohésion

À 23 ans, Louise n’en est pas non plus à sa première rencontre européenne. Cette double nationale suisse-liechtensteinoise habitant Lausanne a connu Taizé grâce à sa maman qui a beaucoup fréquenté la communauté. «Elle aussi a fait des rencontres européennes lorsqu’elle était jeune. Elle m’a emmenée sur place à Taizé et ça m’a beaucoup plu. J’y suis allée ensuite avec ma sœur plusieurs fois.» L’étudiante en soutien à la petite-enfance est proche de la communauté en Suisse. Elle participe chaque semaine notamment aux prières de Taizé à Lausanne. Elle fait également partie de deux micro-chorales.

« Tout se fait de toute façon dans une atmosphère très bon enfant, et avec beaucoup de simplicité »

Ce qui lui plaît dans les rencontres européennes est la «cohésion entre les personnes» qu’elle y ressent à chaque fois. Si elle y va parfois avec un groupe déjà constitué, elle aime également faire des nouvelles rencontres sur place, de personnes d’autres pays, mais aussi d’autres cantons. «Je m’entends très bien avec les Genevois», s’amuse-t-elle.

L’accueil en famille, une «expérience géniale»

Louise y apprécie aussi les groupes de partage, qui se font dans des langues différentes. «Il y a un petit temps de prière et après on reçoit un texte sur lequel on discute une heure ou une heure et demie. À cause de la barrière des langues, l’intercompréhension est parfois compliquée, mais c’est en même temps très rigolo et cela nous permet d’entrer en contact avec des personnes d’autres cultures. Tout se fait de toute façon dans une atmosphère très bon enfant, et avec beaucoup de simplicité.»

« Tout le monde se mélange sans jugement »

Pour elle aussi le logement en famille a toujours été «une expérience géniale», notamment pour «voir comment, d’un pays à l’autre, les traditions sont différentes.» À Madrid, elle était logée avec un groupe par une dame qui vivait seule. Quand ils rentraient à l’appartement, vers 22h ou 23h, un repas les attendait. «Alors qu’elle travaillait toute la journée, elle s’était fatiguée, le soir, à nous préparer à manger, parce que pour elle c’était impensable de ne pas nourrir les gens qu’elle accueillait.»

La force de l’émotion

Pour Louise, l’aspect œcuménique est spécialement enrichissant. Elle-même est issue d’un mariage mixte protestant-catholique. «Les participants à ces rencontres sont principalement des catholiques et des protestants, mais il y a parfois des musulmans, des hindous, des bouddhistes… c’est très intéressant de recontrer des personnes en dehors de la foi chrétienne. Tout le monde se mélange sans jugement, et tout le monde prie ensemble, ce qui produit des moments très forts émotionnellement.»

Frère Matthew, prieur de Taizé, à la cathédrale de Lausanne, en novembre 2025 | © Geneviève de Simone

La Lausannoise décrit des temps de prière où certains peuvent être submergés par leurs émotions. «La prière de groupe fait remonter beaucoup de choses à la surface, aussi ce qu’il y a de plus sombre. Mais au final, c’est toujours positif, parce que cela permet de ne pas le garder en soi. Et cela se passe dans un lieu où l’on est entourés, où l’on se sent en sécurité.»

Une paix profonde

Pour Claire, une Vaudoise de 25 ans, les rencontres de Taizé sont une occasion de ressourcement. «Elles me permettent de prendre le temps, d’écouter le silence dans lequel Dieu fait souvent son apparition (…) C’est le temps dans l’année que je m’accorde pour recharger mes batteries, prendre confiance en moi et en ce monde. Repartir avec de nouvelles résolutions et surtout avec de nouvelles connaissances.»

« Taizé nous offre un moment de ressourcement où l’accueil de tout le monde, dans sa différence ou non, est central »

Son premier voyage à Taizé lui a été offert par sa marraine comme cadeau de confirmation. Elle avait beaucoup entendu parler de la communauté avant de la découvrir à l’âge de 16 ans. Sa première prière à Taizé l’a particulièrement marquée. «Je me rappelle être sortie de l’église et avoir ressenti une paix profonde comme je n’en avais jamais expérimentée. Je me suis alors dit: ‘peut-être que la vie ne sera pas toujours simple, mais Dieu sera toujours là, il me guidera et m’apportera la paix’. » 

Des pèlerinages bien nommés

Elle a poursuivi cette découverte avec les rencontres européennes, d’abord à Bâle, puis à Madrid, à Wroclaw, et dans d’autres villes d’Europe. Elle se rappelle particulièrement de Ljubljana, en Slovénie. «Je suis arrivée avec une amie en paroisse, nous avons rencontré deux frères et sœurs qui nous ont accompagnées chez eux. Ils nous ont montré l’appartement et nous ont laissé les clés. Nous ne nous connaissions pas depuis 15 minutes qu’ils nous faisaient déjà confiance pour occuper leur appartement. »

Des expériences qui ont renforcé, chez Claire, l’espoir en l’homme. Pour elle, les «Pèlerinages de Confiance sur la Terre» sont ainsi bien nommés. « Dans notre monde qui pousse encore et toujours à la division, Taizé nous offre un moment de ressourcement où l’accueil de tout le monde, dans sa différence ou non, est central. L’esprit de Taizé c’est aussi cela, des rencontres et la confiance en l’autre.» (cath.ch/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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