Le chemin spirituel, historique et touristique de la Sainte Famille en Égypte

Une quarantaine de lieux de dévotion, de miracles, sur un parcours de pèlerinage de 3500 kilomètres: le voyage de la Sainte Famille en Égypte est sans conteste le cœur de la foi et de l’identité des coptes, fiers d’appartenir à une terre choisie par Dieu. Le gouvernement l’a bien compris.

Durant deux ans, voire plus selon les traditions coptes, Marie, Joseph et leur fils Jésus séjournèrent en Égypte pour échapper aux persécutions ordonnées par le roi Hérode de Judée contre tous les enfants de moins de deux ans. Ils traversèrent le Sinaï, parcoururent le delta du Nil, le Caire et la Moyenne Égypte jusqu’à Assiout. À la mort de Hérode, ils purent enfin retourner chez eux, ou plus précisément en Galilée, à Nazareth, car «ayant appris qu’Archélaüs régnait sur la Judée à la place d’Hérode, son père, il craignit de s’y rendre [dans le pays d’Israël]».

Ce périple, brièvement conté par l’évangéliste Matthieu (2,13-15; 19-23), est commémoré lors de la fête de la Sainte Famille célébrée dans le calendrier liturgique romain le premier dimanche qui suit Noël. Pour les coptes orthodoxes, qui suivent le Synaxaire, un calendrier liturgique élaboré à partir du XIIIe siècle, cette fête est fixée au 1er juin, jour où la Sainte Famille est censée avoir pénétré sur le territoire égyptien.

Un patrimoine spirituel

Cet événement exceptionnel constitue l’un des piliers de la foi et donc de l’identité des coptes, les chrétiens d’Égypte. Il souligne que, ce faisant, la prophétie d’Osée a été accompli: «D’Égypte, j’ai appelé mon fils» (Os 11,1), démontrant la continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Ces paroles ornent d’ailleurs de nombreuses églises égyptiennes.

L’Église copte orthodoxe a été fondée au Ier siècle. Le christianisme s’est répandu très vite: au IIe siècle déjà, plus de la moitié du peuple égyptien était chrétien, les trois quart au IIIe siècle et 99% au IVe. Aujourd’hui ils forment environ 10% de la population du pays.

Depuis deux millénaires, les coptes perpétuent oralement le récit du voyage de la Sainte Famille. Des sources écrites coptes soutiennent aussi sa véracité, ainsi que celle des étapes qui l’ont constitué.

Des traces écrites et archéologiques

Le plus ancien papyrus qui l’évoque date du début du IIe siècle. Ils se font plus nombreux à partir du IVe siècle. Les écrits attribués à Théophile, évêque d’Alexandrie entre 385 et 412, mentionnent explicitement plusieurs sites visités par Jésus, Marie et Joseph. Dans le même temps, des récits de pèlerins occidentaux évoquent la vénération de certains lieux associés au passage de la Sainte Famille.

Sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin, fit en effet construire au IVe siècle des basiliques sur les lieux de la fuite en Égypte. Après les Lieux Saints en Palestine, les pèlerinages se poursuivaient en «Terre sanctifiée», en Égypte, comme l’indique le guide écrit par la pèlerine Égérie au Ve siècle.

Chaque lieu visité par la Sainte Famille conserve ses propres récits miraculeux, depuis des puits ayant servi à la désaltérer, aux grottes l’ayant abritée, en passant par les nombreux monuments et églises construits en mémoire de son passage.

Là où passe la famille, sont bâtis des églises ou monastères

Parcours de la Sainte Famille en Égypte | © patriarcat copte

Le parcours part de Farama, la porte d’entrée en Égypte depuis Gaza, non loin de Rafah. Les archéologues y ont découvert des églises bâties entre le IVe et le VIIe siècle. Elles témoignent, par leur taille, d’un culte d’une ampleur inexplicable, si ce n’est en référence au voyage de la Sainte Famille.

Jésus, Marie et Joseph se rendent ensuite dans le Delta, passant par Tell Basta, qui deviendra un siège épiscopal dès le IIIe siècle. Ils remontent ensuite à Burullus, où le monastère Sainte-Damienne a été édifié à la fin du IIIe siècle. L’empreinte du talon de l’enfant Jésus frappant le sol pour y faire jaillir une source serait restée marquée sur la pierre, appelée Bikka Issous (talon de Jésus), conservée à Sakha.

Parmi les autres lieux d’importance de pèlerinage, se détachent le Vieux-Caire, avec la crypte de l’église Saint-Serge qui enserre la grotte où vécurent les fugitifs, ainsi que le monastère marial de Jabal al Tayr, la «colline aux oiseaux», dans le diocèse copte orthodoxe de Samalut, dans la province de Minya.

Des lieux mariaux très visités

C’est l’un des sanctuaires les plus populaires et les plus fréquentés par les chrétiens coptes, mais il attire aussi de nombreux musulmans en pèlerinage. Son église a été fondée vers 328 après J.-C. par la reine Hélène. Le lieu de culte original, taillé dans la roche, n’accueille des célébrations liturgiques que trois fois par an, à l’occasion de trois solennités du calendrier liturgique copte.

Le «Chemin de la Sainte Famille» se termine sur le Mont Qosquôm, à côté d’Assiout. La famille y aurait séjourné 185 jours consécutifs dans une grotte. C’est là que Joseph aurait appris la mort d’Hérode et décidé de retourner chez lui avec Jésus et Marie.

Le monastère de Moharraq, grand séminaire copte de Moyenne Égypte, et l’église de la Vierge Marie attirent chaque année des dizaines de milliers de pèlerins. La tradition copte considère que l’église du monastère fut, vers 390, la première en Égypte à avoir été dédiée à la Vierge Marie. La dédicace de l’église à la Vierge Marie aurait été précédée d’une apparition de Notre-Dame à l’archevêque Théophile d’Alexandrie (345-412).

Un chemin religieux, aux vertus politiques

En l’an 2000, pour célébrer le bimillénaire de la venue du Christ dans leur pays, le gouvernement égyptien et le patriarcat copte ont officialisé ensemble le «Chemin de la Sainte Famille».

La restauration des sites archéologiques et des travaux d’amélioration du chemin ont été menés, le but étant d’obtenir la reconnaissance du «Chemin de la Sainte Famille» par l’UNESCO, dans la liste du Patrimoine mondial de l’humanité, au même titre que les «Chemins de Saint-Jacques de Compostelle». En 2021, un premier tronçon officiel a été balisé sur 350 kilomètres et inauguré par le ministère du tourisme égyptien.

Quartier copte du Caire | © flickr/davidgermain/CC BY-NC-ND 2.0

La reconnaissance et la célébration par l’État de la fuite en Égypte de la Sainte Famille a aussi été apprécié par la communauté copte comme un geste politique visant à renforcer la cohésion nationale et à valoriser la présence ancestrale des chrétiens dans le pays.

Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, à la tête du pays depuis 2014, est souvent présenté comme un défenseur de la minorité chrétienne face aux islamistes. Il a inauguré en janvier 2019, à l’occasion du Noël copte, la cathédrale de la Nativité du Christ, un gigantesque bâtiment situé à 45 km du Caire, aux côtés du pape copte orthodoxe Tawadros II. Il a aussi nommé un copte, le juge Boulos Fahmy, comme président de la Haute Cour constitutionnelle d’Égypte, en février 2022. (cath.ch/arch/lb)

Des festivités reconnues par l’UNESCO
Si le «Chemin de la Sainte Famille» n’a pas encore obtenu la reconnaissance de l’UNESCO, c’est le cas, par contre,  des festivités associées au voyage de la Sainte Famille en Égypte. Elles ont été inscrites en 2022 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, qui a ainsi consacré leur valeur culturelle et spirituelle universelle.
Les célébrations annuelles rassemblent des milliers de fidèles dans des rituels riches en traditions ancestrales: chants, processions, spécialités culinaires traditionnelles, performances artistiques… LB

Lucienne Bittar

Portail catholique suisse

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