Regard sur l’histoire: Le Kulturkampf du Jura
Delémont, 9 mai 1999 (APIC) Le Kulturkampf du Jura (1873-1878), qui a laissé un souvenir douloureux et a parfois été mêlé à celui d’autres conflits confessionnels et politiques, est en réalité l’expression régionale d’un conflit qui a secoué tout le XIXe siècle et se poursuit aujourd’hui. Tel est le bilan de la relecture oecuménique osée pour la première fois par les Commissions de formation continue catholique et protestante, qui ont réuni du 16 au 21 avril à Delémont une vingtaine de prêtres, pasteurs et assistants pastoraux (laïcs catholiques) de Suisse romande.
Une telle approche oecuménique du Kulturkampf du Jura constituait une première, si l’on excepte la rédaction du livre Histoire du Christianisme en Suisse, paru en 1995. Il fallait oser! Car des blessures sont encore vives et l’amalgame avec d’autres conflits, confessionnels et politiques, s’était durci dans la mémoire collective. Les participants ont été guidés par des spécialistes de l’histoire, les professeurs V. Conzemius (catholique romain de Lucerne), U. von Arx (catholique-chrétien de Berne), R. Dellsperger (réformé de Berne) et les experts jurassiens Fr. Kohler (Delémont) et Fr. Noirjean (Porrentruy).
Le courant de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle a suscité chez de nombreux hommes d’Etat catholiques, libéraux (1830), puis radicaux (1848), l’idéal de la liberté individuelle, de la démocratie, de la suprématie de l’Etat et le refus de juridictions étrangères (ultramontanisme). Cette culture du « progrès » s’opposait aux traditions de sociétés compactes, hiérarchisées, ouvertes à des pressions étrangères.
Une fois réglé le conflit suisse du Sonderbund (1847-1848), les gouvernements cantonaux radicaux, en majorité catholiques, du vaste diocèse de Bâle ont mûri le projet d’une Eglise nationale. Au XIXe siècle, la papauté vivait en état de faiblesse après les turbulences napoléoniennes, les remous de l’unification de l’Italie et la prise de Rome en 1870. Le pape publia en 1864 le Syllabus contre « le progrès, le libéralisme, la culture moderne » et, à la fin du Concile de Vatican I (1870), l’infaillibilité papale.
Une question encore d’actualité
La confrontation éclata alors. De part et d’autre, les esprits éétaient échauffés. Les gouvernements radicaux prenaient des mesures exceptionnelles: fermeture de couvents et de séminaires, destitution de l’évêque Eugène Lachat à Soleure, bannissement des prêtres dans la partie catholique du Jura. On assista également à la fondation de l’Eglise catholique-chrétienne, formée de ceux qui refusaient les conclusions du Concile de Vatican I. L’action policière du gouvernement bernois se brisa sur la résistance solidaire des paroisses, sans embarras idéologiques.
Du côté protestant, les mêmes conflits se jouèrent à l’intérieur de l’Eglise, presque sans éclats extérieurs. La Loi bernoise de 1874 instituait l’autonomie des paroisses, ce qui paralysa l’action du Synode protestant pendant plus d’un demi-siècle. Foi et Modernité: la question n’est pas résolue. Elle se pose à nouveau et elle accompagnera les Eglises au siècle prochain.
Le rapprochement oecuménique, selon la conclusion du professeur Lukas Vischer (Genève), offre aujourd’hui la chance de partager l’histoire, de lire le regards des uns et des autres sur le passé, de réviser des jugements, de réconcilier des mémoires. La session de formation continue des pasteurs et prêtres à Delémont en a pris conscience. (apic/spp/pr)
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