Les conditions de la « guerre juste » soulèvent de graves questions
Rome, 21 avril 1999 (APIC) « Rien n’est perdu avec la paix. Tout peut l’être avec la guerre ». Ce fut la première réaction du Saint Siège, le 24 mars dernier, lorsque les premiers chasseurs alliés décollèrent de la base aérienne de Aviano, en Italie, en direction de la République Fédérale Yougoslave (RFY). C’est sans aucun doute le Saint-Siège qui a fait les déclarations les plus dures contre l’intervention armée de l’OTAN.
Et pourtant, en 1991, le pape avait demandé une ingérence humanitaire pour mettre fin à la répression et au nettoyage ethnique en Croatie puis en Bosnie-Herzégovine. Que s’est-il passé? Le pape a-t-il changé d’opinion? Selon les déclarations faites récemment au quotidien italien « Avvenire » par le nonce apostolique à Belgrade, Mgr Santos Abril, la ligne du Saint-Siège a toujours été la même dans ce conflit. « Le pape a toujours insisté sur la nécessité de garantir les droits de tous les peuples de l’ex-Yougoslavie, et il le répète aujourd’hui en pensant à toutes les populations qui font partie de l’actuelle Fédération yougoslave. L’attitude du pape n’a pas changé. C’est la situation qui a changé. Il suffit de se souvenir de la cohérence des interventions du Saint-Siège contre les sanctions internationales imposées à la Yougoslavie, ou à l’Irak, à Cuba, à la Libye. La préoccupation humanitaire est une constante dans la diplomatie vaticane ».
Et alors? Si le pape avait demandé une ingérence humanitaire, pourquoi critique-t-il maintenant l’intervention de l’OTAN? « Ingérence ne signifie pas intervention armée », répond Mgr Santos Abril. Sa réponse soulève tous les problèmes moraux qui se cachent derrière une guerre.
Le numéro 2308 du Catéchisme de l’Eglise catholique explique que toute guerre est mauvaise en soi, même si les gouvernements ont droit à la légitime défense en cas d’agression. Le numéro 2309 donne les conditions nécessaires pour que l’on puisse parler de « guerre juste », terme que les moralistes utilisent pour signifier la légitime défense. Le catéchisme note avant tout que « le dommage infligé par l’agresseur au pays ou à la communauté des nations doit être durable, grave et certain ». Cette condition était parfaitement remplie par la sauvage politique nationaliste de Slobodan Milosevic.
Des maux plus graves que le « mal à éliminer »
En second lieu, il faut que « tous les autres moyens de mettre fin au dommage se soient révélés impraticables ou inefficaces ». En ce sens, si Mgr Abril reconnaît que de nombreuses tentatives de négociations ont été faites avec Milosevic, il estime « qu’il y avait encore des possibilités d’intervention politique avant d’arriver aux bombardements ».
La troisième condition est que « soient réunies les conditions sérieuses de succès ». Cette condition semblait remplie par l’imposante force militaire de l’OTAN. Il est encore trop tôt pour faire un bilan des opérations, mais les faits montrent pour le moment que les attaques ont servi àà garantir les intérêts de Milosevic: l’opposition interne a été minée par les attaques contre les civils, et les infrastructures du pays, et, pire encore, le Kosovo s’est vidé brutalement, comme le souhaitaient les autorités serbes.
Pour terminer, la morale catholique exige que « l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer », et le catéchisme ajoute: « La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition ». C’est précisément ce qui discrédite cette intervention armée. Comment peut-on parler de défense des réfugiés kosovars si les armes qui devaient les défendre finissent par provoquer leur mort, dans un fossé, sur le chemin de l’exil ? Comment peut-on justifier une action humanitaire qui qualifie les massacres de civils serbes de simple erreur de guerre?
Mais il reste encore une question importante sans réponse. Pourquoi l’Occident ne s’est-il pas mobilisé avant de commencer les attaques, pour aider et accuellir les réfugiés, comme des personnes humaines, avec la même énergie que maintenant? Ce qui se passe maintenant au Kosovo était parfaitement prévisible. (apic/zenit/pr)
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