APIC – Dossier
Mgr Milandou dénonce « la barbarie d’une jeunesse armée sans foi ni loi, qui pille, vole et tue »
Brazzaville, 2 février 1999 (APIC) La famine et les épidémies – tuberculose, malaria, diarrhées – font de plus en plus de ravages parmi les 170’000 réfugiés qui ont fui les combats au Congo-Brazzaville. Alors que les livraisons de nourriture du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ont pu reprendre vendredi en direction de Brazzaville, où plus de 50’000 personnes vivent assiégées en raison des bombardements et des pillages qui ont détruit une bonne partie de la ville, l’évêque de Kinkala, Mgr Anatole Milandou, dénonce « la barbarie d’une jeunesse armée sans foi ni loi, qui pille, vole et tue ».
Certains n’hésitent plus à parler d’un « petit génocide » qui se perpètre dans l’indifférence générale et pointent un doigt accusateur sur le président autoproclamé Denis Sassou Nguesso et ses puissants alliés. Dans un article intitulé « Le pétrole, les pauvres et l’Eglise », l’agence d’information vaticane FIDES commente: « Du côté de Sassou Nguesso, il y a la France de Chirac et la Compagnie pétrolière Elf Aquitaine, tous deux ses amis très fidèles. Il y a aussi les mercenaires cubains et les soldats angolais. L’intervention de l’Angola avait été décidée en 1997 pour lui donner la victoire. Aujourd’hui, les Angolais sont engagés chez eux contre l’UNITA et dans l’ex-Zaïre aux côtés du président Kabila. L’ancien Premier ministre Bernard Kolélas a choisi précisément ce moment pour déchaîner la lutte armée. Il n’a pas beaucoup d’alliés, mais une certitude: au Congo, celui qui commande est celui qui contrôle l’extraction du pétrole. Pour cette raison, on combat dans le Pool. Mais, dans le même temps, les violences, les victimes, les réfugiés et les destructions pleuvent sur la population ».
Des dizaines de milliers de personnes errent dans les forêts, sans soins ni nourriture
Réfugié depuis octobre dernier dans la capitale Brazzaville, Mgr Milandou est évêque de Kinkala, chef-lieu de la région du Pool, où se trouvent les gisements de pétrole, pour le contrôle desquels se battent les factions qui tentent de prendre le pouvoir. Son témoignage est accablant: « Plus d’un quart de la population du sud de Brazzaville erre depuis plus d’un mois dans les forêts de la région du Pool. Avec la population locale, on estime que le nombre des réfugiés oubliés, sans assistance et sans nourriture, s’élève au moins à 150.000. Ceux qui parviennent à retourner à Brazzaville parlent de nombreux morts de faim ou suite aux maladies ».
Le PAM confirme que la malnutrition et les épidémies ont atteint des niveaux critiques dans la plupart des 15 quartiers de la ville où se sont réfugiés à la fin 1998 quelque 50’000 déplacés originaires du Pool et des régions du sud de Brazzaville.
Pharmacies pillées, dispensaires et hôpitaux hors d’état de fonctionner, médecins en fuite
« Mes gens sont au bord de la famine », lance l’évêque de Kinkala, qui s’est enfui « face à la folie et à la barbarie » des bandes armées. Après les combats dans le sud de Brazzaville, les gens se sont réfugiés en masse dans le Pool, une région du pays déjà dépouillée de tout, témoigne Mgr Anatole Milandou. « Ces nouvelles présences me causent une grande souffrance: de quoi se nourrissent-ils et comment se soignent-ils ? »
Et de préciser que toutes les pharmacies ont été pillées, les dispensaires et les hôpitaux ne fonctionnent plus. Le personnel médical est en fuite. Les champs ne sont plus cultivés pour des raisons de sécurité, ce qui met en cause l’autosuffisance alimentaire qui est déjà précaire dans la région. Il suffit de penser que plus de la moitié de la production agricole utilisée à Brazzaville provenait du Pool. La population est touchée par des pillages systématiques et par la destruction des biens.
Un drame humanitaire se prépare dans le Pool
Un drame humanitaire se prépare dans le Pool, mais il ne se limite plus à cette région. « A présent, on peut parler de tragédie également dans les quartiers sud de Brazzaville – Bacongo et Makélékélé, de la ville de Nkayi, dans la région de Buenza, et d’autres localités comme Sibiti, dans la région de Lékoumou. » Dans son diocèse, qu’il a été a contraint de quitter il y a plus de trois mois avec presque tous les prêtres, religieux et religieuses, Mgr Milandou confie à l’agence FIDES qu’il y règne « la folie et la barbarie d’une jeunesse armée sans foi ni loi, qui pille, vole et tue. »
L’évêché, les paroisses, les maisons religieuses ont été pillées. Un prêtre polonais a été tué dans sa paroisse de Loulombo, deux prêtres ont été blessés, un séminariste a été tué. « Dans le pays règne seulement la violence. Depuis le début du mois de décembre, je n’ai plus de nouvelles directes du diocèse. Il ne m’est pas permis d’y rentrer. Je ne sais ce que nous trouverons à notre retour. » (apic/fs/pana/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse