Insertion économique – intégration sociale

Neuchâtel: Forum romand de Caritas

Neuchâtel 7 février (APIC) Le travail salarié reste en Suisse le principal mode d’intégration sociale. Face à une crise fondamentale de l’emploi, il importe de repenser le rapport entre insertion économique et place dans la société. Pour en débattre quelques 150 travailleurs sociaux, étudiants et chercheurs ont participé vendredi 5 février à Neuchâtel au Forum romand de Caritas.

Organisé à l’initiative de Caritas en collaboration avec l’Institut de sociologie de l’Université de Neuchâtel, le Forum romand vise à faire le lien entre la réflexion théorique et la pratique de terrain.

Face aux bouleversements du monde du travail liés à la mondialisation des échanges, un sentiment d’impuissance s’est largement répandu, constate Beat Bürgenmeier, doyen de la Faculté des sciences économiques et sociale de l’Université de Genève. La société entière est amenée à s’interroger sur sa cohésion. Au lieu de cela elle aurait plutôt tendance àà se diviser en deux camps opposés. Les uns exigent une réduction du travail et une répartition plus équitable des ressources, les autres pensent s’en sortir uniquement grâce à une plus grande flexibilité et à l’augmentation de l’effort productif. Le problème est que lien entre croissance économique et emploi s’est aujourd’hui distendu. Le chômage augmente en même temps que la productivité du travail. Le chômage est devenu un phénomène banal auquel on s’est habitué comme à une fatalité. Cette banalisation risque cependant de renforcer l’idée que les chômeurs n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes et que la société n’a pas à se sentir concerné par les exclus.

Or il se trouve qu’aujourd’hui la moitié des chômeurs en fin de droits ne retrouvent pas d’emploi et que l’autre moitié doit se contenter d’un travail mal rémunéré ne permettant pas de vivre décemment. Pour le professeur genevois, le marché du travail ne peut être abordé sous un angle exclusivement économique. Il est soumis à une dimension morale crucial pour sa réorganisation future. Les gains de productivité doivent servir à renforcer la cohésion sociale au lieu de l’affaiblir. Une augmentation des salaires réels, une diminution du temps de travail, la généralisation des congés-formations, devraient permettre d’améliorer la motivation et de créer un climat plus ouvert et plus innovateur.

Dépasser l’optique du marché

Il s’agit de dépasser l’optique d’une simple économie de marché pour accepter une vision plus globale. Moins de la moitié de la population suisse exerce aujourd’hui un travail rémunéré. Cette part va en diminuant alors que celle des retraités et des personnes en formation augmente. 13% de la population exerce un emploi non rémunéré dans le cadre social, sportif ou culturel. Reconnaître que ce « tiers-secteur » complète utilement l’économie de marché c’est montrer que la solidarité et la coopération ont une place et participent à l’intégration sociale.

Aux yeux de B. Bürgenmeier, l’éthique économique, tellement à la mode aujourd’hui, risque en fait de devenir un supermarché de concepts de marketing. Mais trois critères éthiques devraient orienter toute réflexion économique. Le principe fondamental des droits civiques veut que les droits et les devoirs soient répartis équitablement entre les membres de la société. Le deuxième principe qui postule le droit à la différence est le fondement même de la non-discrimination. Or parmi les violations les plus évidentes de ce principe se trouvent les pratiques salariales discriminatoires entre les hommes et les femmes. Le droit à l’information constitue le troisième principe. Il implique un accès libre à l’éducation et à la formation. Le droit de participation des salariés à la vie de l’entreprise en découle également.

25% de jeunes chômeurs en France

25% des 20-24 ans au chômage, une exclusion sociale grandissante dont la violence dans les banlieues n’est que le symptôme: le tableau dressé pour la France par Christian Baudelot, directeur du Département des sciences sociales de l’Ecole normale supérieure de Paris, ne laisse pas d’inquiéter. La solution préconisée en France de la prolongation de la scolarité n’a pas répondue aux objectifs fixés. La part des diplômés chez les chômeurs ne cesse d’augmenter (18%). En outre par un effet de cascade, des personnes qualifiées sont contraintes d’occuper des emplois peu qualifiés ne laissant plus aucune place aux jeunes sans formation (36% de chômeurs). Cette situation extrême spécifiquement française n’existe certes pas en Suisse, mais les mécanismes sont comparables. Car le chômage n’est pas seulement la perte de revenus (compensée par diverses aides) mais surtout la perte d’intégration sociale, la perte de repères.

Les travailleurs immigrés: les plus exposés au chômage

Les travailleurs immigrés en Suisse sont parmi les plus touchés par le chômage et les plus menacés par l’exclusion, a rappelé François Hainard, doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de Neuchâtel. Un grand nombre d’étrangers ont peu de qualifications professionnelles et disposent d’une culture générale limitée. En période de crise il sont donc les plus exposés. Ainsi en 1997 le taux moyen de chômage était de 5,7% mais de 10,7% pour les étrangers.

Glenda Gonzales et Catherine Fellmann, de l’Espace femmes pour la formation et l’emploi à Bienne, ont abordé la réalité du terrain. Il s’agit de revoir la conception des programmes en faveur des chômeurs, en visant moins à aider de manière temporaire et plus à investir dans de nouveaux postes de travail. (apic/mp)

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