Le rendez-vous des aventuriers de toutes sortes

Cameroun: Ces êtres vivants qui hantent les cimetières de Douala

Douala, 27 décembre 2000 (APIC) Les cimetières camerounais en général et ceux de Douala en particulier sont devenus de véritables nids pour aventuriers de toutes sortes. Fous, fumeurs de chanvre indien, trafiquants de drogue et d’ossements humains, enfants de la rue et personnes en quête de gain par des pratiques douteuses s’y donnent fréquemment rendez-vous. Enquête sur ces drôles de personnes qui hantent des lieux plus très sacrés.

Autrefois, les cimetières suscitaient méfiance, crainte et respect pour le repos des morts. Aujourd’hui, ces endroits ne font plus peur à certaines personnes, qui troublent le repos éternels des disparus.

Le responsable du cimetière de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul de Douala, Etienne Minlend, entretient de fréquentes relations avec cette nouvelle sorte de « résidents », qu’il côtoie pratiquement chaque jour. Parmi eux, Salomon n’habite plus au cimetière mais s’y rend encore fréquemment, histoire de ne pas se débarrasser trop vite de ses vieilles habitudes. Allure bizarre, démarche imposante et air hagard, il traîne ses 65 ans et ses quelque 70 kilos à l’aide d’une canne. Salomon fréquente le cimetière depuis plus de 20 ans. Originaire de Edéa, à 60 kilomètres de Douala, il a abandonné sa famille sans raison apparente pour s’installer parmi les tombes. Il montre ce qui lui a servi de case durant son séjour permanent dans le cimetière de la cathédrale. Il se servait de cartons comme lit et avait pris possession d’une tombe bien aménagée. Des bougies assuraient son éclairage. Quelques ustensiles de cuisine et du matériel de toilette traînent encore, attestent de sa présence encore récente … ou de ses actuels passages occasionnels.

Lorsqu’on lui demande ce qui l’avait poussé à s’installer dans ce cimetière, Salomon ne répond pas. Il élude la question et parle de tout autre chose. « Il fait semblant d’être fou, mais il ne l’est pas », glisse Etienne Minlend, qui le connaît assez pour comprendre ses réactions. Il le soupçonne d’ailleurs de s’adonner au trafic d’ossements humains. « A son arrivée à Douala, il était encore normal. Mais maintenant, je pense qu’il est devenu fou », avance un autre passant, qui semble bien connaître ce personnage atypique. Salomon a été finalement chassé du cimetière par la famille du défunt, qui voulait refaire la tombe. Aujourd’hui il passe la nuit dans une école primaire mais n’a jamais cessé de revenir dans son ancienne « tanière », même à des heures très tardives.

Des incantations bizarres en pleine nuit

Les cimetières de Douala sont également hantés par des personnes en quête de gain, qui exhument les corps afin de s’adonner au trafic d’ossements humains, ou d’autres tout autant inquiétants qui se livrent à des rituels bizarres. « Un jour, j’ai vu deux jeunes femmes garer une grosse Mercedes à l’esplanade de la cathédrale et pénétrer dans le cimetière. Elles ont allumé deux bougies et ont étalé deux pagnes sur le sol. Elles se sont mises à genoux et ont commencé à réciter des incantations. J’ai regardé ma montre: il était 23 heures », raconte Simon, un gosse de la rue, qui vivait dans le cimetière il y a encore quelques mois. « Lorsqu’elles m’ont aperçu, j’ai fait semblant d’être fou. Elles m’ont jeté quelques billets de banque et ont pris la clé des champs », ajoute Simon.

Ce gosse de la rue a été récupéré par une religieuse responsable d’un orphelinat à Douala. Cette nouvelle situation a permis d’assurer une meilleure sécurité à l’enfant. Trop d’événements troubles se passent en effet dans ce lieu habituellement destiné au repos éternel. Ce n’est pas le responsable du cimetière, Etienne Minlend, qui affirmera le contraire, lui qui a été parfois témoin d’événements macabres. « Une nuit, j’ai vu un responsable de morgue se garer devant le cimetière et y entrer en compagnie d’une jeunes fille. Quelques instants plus tard, j’entend des cris d’appel au secours et j’accours. La jeunes fille affirmait que ce monsieur lui avait demandé de faire l’amour sur une tombe », révèle le gardien du cimetière.

Il y a un autre motif pour lequel il est déconseillé de s’aventurer dans les cimetières de Douala. Ces derniers sont devenus de véritables repaires pour les malfrats, qui y dictent leur loi. Après avoir agressé des personnes, ils foncent en direction des tombes pour décourager ceux qui veulent se mettre à leur poursuite. C’est également dans ces lieux lugubres qu’ils se donnent rendez-vous pour partager le butin, tout en fumant du chanvre.

Abandonnés, livrés a leur propre sort, les cimetières de Douala ne sont plus entretenus par la municipalité, en raison du manque de moyens financiers. Il appartient à chaque famille de s’occuper des tombes de leurs disparus, ce qui accentue le danger de les voir se dégrader, au grand bonheur des malfrats et des « résidents non-officiels ». (apic/mbt/bb)

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