Sénégal: Reprise de la pratique ancestrale de l’ablation du clitoris chez les petites filles

Les « exciseuses » n’ont pas trouvé à se reconvertir

Dakar, 13 novembre 2000 (APIC) Terrible retournement de situation pour les partisans de la lutte contre l’excision au Sénégal: dans de nombreuses localités de l’intérieur du pays, les femmes exciseuses ont repris du service, faute d’avoir pu se reconvertir dans d’autres activités.

Les parents et les femmes qui perpètrent l’excision s’étaient engagés, lors de manifestations publiques, à renoncer à cette pratique ancestrale, vieille de plus de 2’000 ans, suivant en cela les recommandations de plusieurs Organisations Non Gouvernementales (ONG), des institutions internationales spécialisées dans la défense des droits de l’enfant et du gouvernement sénégalais.

Le gouvernement sénégalais a interdit l’année dernière, l’ablation du clitoris chez les petites filles, après l’adoption, par le parlement, d’une loi faisant de cette pratique une atteinte à l’intégrité physique de la femme. Cependant, selon la presse sénégalaise, aussi bien dans le proche département de Mbour (80 km au sud de Dakar) que dans les régions sud-est et nord, on remet de plus en plus en cause l’interdiction de cette mutilation. Les femmes qui pratiquent traditionnellement l’excision reprochent aux ONG et à leurs partenaires de la campagne de n’avoir pas respecté leur engagement. « On nous a fait miroiter monts et merveilles: financement de projets générateurs d’argent, recyclage dans le corps médical », déclarent-elles dans le quotidien l’Aurore. « Ces promesses n’ont pas été tenues. Nous n’avons rien vu. On s’est fait rouler dans la farine », ont-elles poursuivi.

Excisions clandestines à Malicounda

Dans le célèbre village de Malicounda d’où est parti, il y a deux ans, le mouvement contre l’excision, la population a repris cette pratique. Officiellement et en public, les femmes de la localité disent avoir renoncé à faire mutiler leurs filles. Mais, dans les faits, elles continuent à la faire dans la clandestinitéé. « il ne faut pas se faire d’illusion, l’excision était pratiquée ici avant la déclaration de renonciation, elle le sera encore après celle-ci », a déclaré un responsable d’association de jeunes de la localité. « C’est un secret de polichinelle: les filles sont toujours excisées en catimini », a déclaré l’infirmier du village de Malicounda au quotidien l’Aurore.

Un autre infirmier de l’hôpital de Mbour, chef lieu du département de Malicounda, a indiqué qu’il y a eu une pause dans la pratique du phénomène, au lendemain de la cérémonie publique organisée par les ONG (Organisations Non Gouvernementales) et les institutions internationales engagées dans la bataille. Il a aussi cité en exemple le cas d’une fillette acheminée en urgence à l’hôpital par ses parents après une excision qui a provoqué une hémorragie.

Dans la région de Kolda au sud-est, les exciseuses font toujours de la résistance. Une enquête effectuée dans le département, a démontré que malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation sur le danger e la mutilation des organes génitaux féminins, la pratique était toujours courante.

Revers cuisant pour les partisans de l’abolition de l’excision

Les partisans de l’éradication totale de l’excision au Sénégal ont essuyé un revers cuisant la semaine dernière dans la région de Saint-Louis, au nord du pays. Lors d’une rencontre dans la localité de Aéré Lao, avec des populations de 81 villages peulhs toucouleurs du département de Podor, ils ont dû retirer le thème de l’excision de l’ordre du jour. Devant le ministre de la Santé, le représentant de la population a déclaré à l’assistance. « Nous sommes réunis ici pour promouvoir la santé des femmes et des jeunes filles, pas pour autre chose. »

Dans la zone peulhs, l’ablation du clitoris est une tradition vivace. En janvier de l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi interdisant contre l’excision, le chef musulman El hadji Thierno Mountaga Tall, très influent dans la région nord du Sénégal, a appelé les députés à refuser le texte de loi. Il n’a pas été suivi et l’assemblée nationale a accepté de criminaliser l’excision au Sénégal. Le vieux marabout et ses fidèles demeurent cependant intraitables et refusent l’idée d’abandonner l’excision.

Mise en cause des motivations des ONG

La presse sénégalaise s’interroge sur les motivations des nombreuses associations et ONG impliquées dans la lutte contre l’excision et critique la précipitation qui a conduit à l’adoption d’une loi l’interdisant dans le pays. « On feint d’ignorer que la pratique de l’excision au Sénégal est séculaire et qu’il faut d’abord opter pour l’information, la sensibilisation des populations sur les méfaits (si méfaits il y a) de cette pratique », a écrit cette semaine « Le Cafard Libéré », l’une des meilleures publications au Sénégal, en commentant l’incident de Aéré Lao. Selon ce bi-hebdomadaire,  » on a voulu faire plaisir à des organisations étrangères qui ne comprennent rien à notre culture et qui veulent, coûte que coûte, nous imposer leur façon de voir les choses ». (apic/ibc/mjp)

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