Jacques Berset, Agence APIC
Rencontre avec Paul Xu Baikang,
intellectuel catholique chinois
(Shanghai/Apic) Agé de 67 ans, professeur à l’Institut des Langues
étrangères de Shanghai, Paul Xu Baikang, vice-président de l’Association
des Intellectuels catholiques de Shanghai et Directeur de l’Ecole catholique « Paul Xu », vient d’une famille convertie au catholicisme il y a onze
générations. Il a un ancêtre très connu, qui a été premier ministre sous la
dynastie des Ming, le célèbre Paul Xu Guangqi, converti par le jésuite Matteo Ricci et baptisé en 1603. Il explique à l’Agence APIC en quoi consiste
le travail de l’association qu’il dirige, l’Association des Intellectuels
catholiques de Shanghai, fondée il y a trois ans.
L’Association des Intellectuels catholiques de Shangai a pour objectif
de rassembler les efforts des catholiques intellectuels, de travailler pour
autrui, pour la société, pour les autres. Voilà notre but : être utiles à
la société en tant que chrétiens. Nos activités sont approuvées par le
diocèse de Shanghai. Concrètement, nous avons trois secteurs d’activités.
D’abord, le secteur éducatif, ensuite le secteur médical et troisièmement,
le secteur des ingénieurs, des scientifiques.
APIC : Ainsi, chacun s’engage dans la société à partir de sa profession
pour le bien du peuple chinois. Vous participez aux « quatre modernisations »
de la Chine. Et vos activités sont déjà nombreuses, vous avez notamment une
école de langues…
Paul Xu : Actuellement, à cause des locaux réduits, nous ne pouvons que
recruter une centaine d’élèves. Pour le premier semestre, nous avions 91
élèves, et pour le deuxième semestre, 89, et pour le troisième semestre,
93. Nous enseignons pour le moment le français et l’allemand.
APIC : Vous êtes vous-même professeur à l’Université, vous travaillez la
journée. Votre école du soir a donc été fondée sur des bases privées. Les
élèves payent des taxes de cours.
Paul Xu : Oui, très peu. C’est plutôt dérisoire.
APIC : Et les élèves viennent-ils des familles catholiques de Shanghai ?
Paul Xu : Pas tout à fait. La plupart ne sont pas catholiques. Nous sommes
ouverts au public. Comme moi, les autres professeurs travaillent la journée
dans les Universités. Et le soir ils travaillent avec moi. Les uns sont
chrétiens les autres non. Il n’y a aucune discrimination, ni au niveau des
élèves, ni au niveau des professeurs.
APIC : Le financement de cette école est assuré en partie par l’Eglise ?
Paul Xu : Au début oui, le diocèse nous a accordé une somme dérisoire pour
l’installation, parce que c’était nécessaire. Et à partir de cette année,
nous espérons que cette association pourra s’autofinancer.
APIC : Vous agissez encore dans le secteur médical et sanitaire, vous offrez des soins gratuits ?
Paul Xu : Nous donnons des soins aux malades chrétiens et aux autres. Cela
est ouvert également au public. L’an dernier, nous avons soigné 800 personnes. Nous faisons également des tournées médicales dans les villages. Misereor nous a offert beaucoup d’appareils médicaux.
APIC : Est-il difficile dans la Chine d’aujourd’hui d’être un intellectuel
catholique ? Vous êtes docteur en Sorbonne, auparavant vous avez été diplômé de l’Université « l’Aurore », qui était dirigée par les jésuites à
Shangai avant l’arrivée au pouvoir des communistes. A cette époque, vous
étiez en France, vous êtes rentré en Chine en 1950. Pourquoi avoir choisi
de rentrer au pays dans ces circonstances ?
Paul Xu : Je dois dire la vérité, je n’ai pas fini mon doctorat. Parce que
je voulais rentrer pour participer à l’édification de notre pays. Après la
chute du Guomintang, j’espérais travailler mieux en abandonnant mes études
en France et je suis revenu en Chine.
APIC : N’était-ce pas une période qui commençait à devenir difficile pour
les catholiques ?
Paul Xu : A ce moment-là , il n’y avait pas de différences, il y avait des
églises, des prêtres. J’ai eu une vie religieuse normale.
APIC : Et ensuite la situation s’est détériorée ?
Paul Xu : Oui, c’est vrai. Au début des années cinquante, dans les années
53-54, cela a commencé.
APIC : Les catholiques étaient-ils considérés comme des mauvais citoyens,
des mauvais patriotes ?
Paul Xu : Pas comme cela. Il faut distinguer les catholiques qui s’opposaient à l’Etat, à la politique de l’Etat surtout. Ils ont pris des mesures
de non-collaboration.
APIC : Ont-ils reçu des instructions pour ne pas collaborer avec le nouveau
régime ?
Paul Xu : Cela je n’en sais rien, car je n’y ai pas participé. Moi en tant
que catholique, je travaillais durant cette période comme d’ordinaire,
j’allais souvent à l’église. Et je n’ai pas rencontré de difficultés à ce
moment-là. Je n’ai participé à aucune organisation à cette époque, ni à
l’organisation des prêtres français ou des prêtres étrangers, ni à aucune
autre organisation.
APIC : Vous vous avez donc passé cette période difficile sans trop de
difficultés. Les difficultés pour les intellectuels comme vous, sont arrivées à la Révolution culturelle.
Paul Xu : Nous n’avons pas pu y échapper. A ce moment-là, j’étais à l’Institut des Langues étrangères et j’ai éprouvé tous les événements. Il y
avait vraiment alors persécution. Comme je suis originaire d’une famille
intellectuelle – mon père était médecin et mon grand-père aussi – j’étais
une cible pour les Gardes Rouges, bien que nous n’étions pas une famille de
propriétaires fonciers ni de commerçants… Cela c’est vrai, les Gardes
Rouges n’aimaient pas les intellectuels. J’ai été envoyé à la campagne,
pour travailler manuellement durant un an. Puis j’ai dû aller travailler
comme tourneur dans une usine, avant de retourner à l’école pour réviser le
dictionnaire français-chinois durant près de six ans. En fait, je n’avais
pas trop de travail intellectuel, je devais aussi faire le ménage, les nettoyages…
APIC : Et le fait d’être catholique, à part le fait d’être un intellectuel,
était-ce plus difficile encore ?
Paul Xu : Cela dépend; en tout cas pas pour moi. Je ne peux pas dire que
j’étais un catholique fervent, mais à ce moment-là j’étais un simple catholique qui allait souvent à l’église, voilà tout. Je ne faisais rien de mal!
A la chute de la « Bande des Quatre », j’ai été réhabilité et j’enseigne le
français à l’Université, je vis normalement maintenant.
APIC : La Révolution culturelle, ce n’est pour vous qu’un épisode tragique
qui ne risque plus de se produire ?
Paul Xu : Non, il n’y a plus de séquestrations ni d’emprisonnements maintenant. La situation, je la vois meilleure, bien meilleure. D’autre part,
grâce à nos activités – que nous entreprenons pour glorifier Dieu et parce
que nous aimons notre patrie – les non-chrétiens ont une autre idée des
catholiques. Ils voient la différence ! (apic/be)
(Les photos des reportages sur la Chine sont disponibles à l’Agence CIRIC,
tél. 021/27 52 50, à Lausanne, ou chez Jean-Claude Gadmer/CIRIC, tél. 022
34 52 01, à Genève).
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