Le ton utilisé par les 4 historiens jeudi tranche quelque peu avec celui que « Le Monde », le quotidien français, prête aux chercheurs. Dans son édition du 26 octobre, le journal annonce en effet un rapport « accablant » d’historiens juifs et catholiques sur l’attitude de l’Eglise pendant la Shoah. Selon le quotidien français, les membres de la Commission internationale d’historiens juifs et catholiques, instituée il y a tout juste un an par le Vatican, se déclarent peu satisfaits de l’attitude du Vatican et se disent surpris de la « faiblesse du travail » historique effectué par les jésuites.
C’est le 19 octobre 1999 que le Vatican avait annoncé l’institution d’une équipe d’historiens, trois Juifs et trois catholiques, chargée de passer à la loupe les « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale », à savoir les onze volumes de l’édition anglaise de ces documents (douze volumes dans l’édition française), publiés par quatre historiens jésuites de 1965 à 1981 à la demande du pape Paul VI et censés représenter l’intégralité des archives du Vatican sur le sujet.
La décision de la publication du matériel d’archives avait été prise par le pape Paul VI, en 1964, en plein concile Vatican II. Le travail a été confié en 1964 par Paul VI à quatre Jésuites, Robert Graham, Angelo Martini, Burkhart Schneider et le Père Pierre Blet, historien, professeur émérite de l’Université pontificale grégorienne, le seul qui soit encore en vie.
Interrogé par « Le Monde », Bernard Suchecky, de l’Université libre de Bruxelles, l’un des six historiens de l’équipe, note que le Vatican a proposé à ces derniers « une démarche radicalement inverse de celle que pratique tout historien ». Alors que ce dernier va d’abord aux archives et publie ce qui ne l’a pas été, explique-t-il, « il nous a été demandé au contraire de nous en tenir à l’examen des seules sources documentaires déjà publiées ».
Etonnement
L’historien belge souligne au passage la qualité de la collaboration entre les six historiens juifs et catholiques: « Je crois pouvoir dire que tout s’est passé sans tenir compte de nos appartenances respectives, et il m’est arrivé plus d’une fois de juger des collègues catholiques plus critiques que moi-même ou certains de mes collègues juifs ».
Ce qui a le plus surpris B. Suchecky dans l’attitude de Pie XII est la priorité donnée à l’Allemagne et aux catholiques allemands, au détriment, par exemple, des catholiques polonais. Il s’en explique: « Sans doute l’Eglise allemande est-elle la plus exposée en Europe, à l’exception des Eglises sous le joug du communisme, mais l’importance stratégique que le pape accorde au catholicisme allemand étonne. Elle est nourrie par la vision qu’il a d’un communisme avec lequel il faut en finir, du nazisme qui est une épreuve qu’il croit passagère et du retour à une Allemagne conservatrice forte et disciplinée, au sein d’une coalition mondiale contre le bolchevisme. Cette vision dure pratiquement jusqu’à l’entrée en guerre de l’Union Soviétique aux côtés des alliés ». (apic/cip/pr)
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