Fribourg: Une résistante française Grand Officier de l’Ordre National du Mérite
Fribourg, 11 septembre 2000 (APIC) Les amis de la France à Fribourg la connaissent bien: Marguerite Plancherel, Fribourgeoise d’adoption et Suissesse de cœur, sert en effet l’amitié franco-suisse dans notre pays depuis cinquante ans. C’est pour récompenser cette fidélité ainsi que le courage et le patriotisme de cette résistante alsacienne qui a passé plusieurs années dans les geôles nazies comme condamnée à mort, que Mme Plancherel a reçu lundi soir, au Collège du Sud à Bulle, les insignes de Grand Officier de l’Ordre National du Mérite.
Cette prestigieuse distinction française, dont Mme Plancherel est l’une des rares femmes récipiendaires, lui a été remise au cours d’une cérémonie officielle en présence, notamment, du tout nouvel ambassadeur de France à Berne, Régis de Belenet, et du conseiller d’Etat Augustin Macheret, représentant le gouvernement fribourgeois. C’est à l’issue de sa conférence intitulée « Vers la médecine du XXIe siècle » (*) que le professeur Jean Bernard, de l’Académie Française, a remis au nom du président de la République française Jacques Chirac les insignes de Grand Officier à une lauréate émue aux larmes. L’auditoire et les bâtiments du Collège du Sud avaient été décorés pour la circonstance par la ville de Bulle. Un geste de soutien à la traditionnelle ouverture du Collège du Sud à l’amitié franco-suisse.
Ancienne déportée, condamnée à mort le 3 mai 1943 à l’âge de 22 ans par un tribunal militaire allemand pour fait de résistance, Mme Plancherel avait déjà reçu la Légion d’Honneur des mains du Général Leclerc en 1946 et la croix de Commandeur à titre militaire en 1987, ainsi que plusieurs médailles de la Résistance française. L’annonce de cette nouvelle distinction a été pour elle une surprise totale: « Je ne m’y attendais pas; c’était la volonté du président Chirac et du général Douin, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur, qui, comme ancien élève de St-Jean, a beaucoup d’amitié pour Fribourg. C’est mon engagement pour développer les liens d’amitié entre la Suisse et la France qui est ainsi récompensé. »
« L’extraordinaire courage et le patriotisme exemplaire d’une Alsacienne »
Dans sa lettre à la lauréate, Jacques Chirac dit honorer « l’extraordinaire courage et le patriotisme exemplaire d’une Alsacienne à qui son action dans la Résistance a valu d’être déportée pendant trois ans ». Cette distinction récompense aussi le dévouement à l’égard des camarades de captivité et les services éminents rendus à la France. Depuis 29 ans, Mme Plancherel préside en effet la Société d’entraide de la Légion d’Honneur pour les cantons de Fribourg et de Neuchâtel. Mais elle s’est également distinguée, comme paroissienne du Christ-Roi, pour avoir été pendant des années la cheville ouvrière des Conférences de carême où des personnalités françaises de renom comme le Père Riquet ou Régine Perrenoud étaient invitées comme orateurs. « L’honneur qui me revient, je le partage avec Fribourg et la paroisse du Christ-Roi, ainsi qu’avec le Collège du Sud, pour leur esprit d’ouverture envers la France « .
Parmi les condamnées à mort de la prison de Berlin-Charlottenburg
« Je suis Alsacienne, et donc Française. Lors de la débâcle des armées françaises, en juin 40, je suis tout de suite entrée dans la Résistance. J’ai été arrêtée le 14 juillet 1942 pour actes de résistance en Alsace », témoigne Marguerite Plancherel. Elle passe alors 33 mois de captivité dans 20 forteresses nazies en Allemagne, au camp de Wiedensbrück, au milieu des spectres vivants qu’étaient les condamnés à mort de la prison de Berlin-Charlottenburg.
« J’ai survécu grâce à la prière »
Mise au secret, souffrant du froid, de la faim et de la solitude, elle nous confie avoir survécu grâce à la prière, « première loi de notre action de chrétien « . « Dans mon enfance, souligne-t-elle, j’avais appris à prier et à méditer, j’avais appris à aimer Dieu « . C’est cette foi chevillée au corps qui lui permettra de survivre physiquement et moralement, quand, condamnée à mort, elle sera enchaînée, menottes aux poignets, durant sept longs mois, du 4 mai au 3 décembre 1943. Elle assistera maintes fois au départ de ses compagnes de cellule vers la mort, emmenées pour être fusillées ou décapitées à Plotzensee. Prisonnière « nuit et brouillard « , elle bénéficiera d’un sursis d’exécution. N’étant pas graciée, son exécution dépendait du bon vouloir des Allemands. Elle sera finalement libérée par les Alliés le 13 avril 1945.
Atteinte dans sa santé par les dures conditions de détention, elle passera sa convalescence en Suisse. C’est là qu’elle fondera une famille en se mariant avec le docteur Bernard Plancherel, qui deviendra patron du service de médecine interne de l’Hôpital cantonal. « Si j’ai pu servir depuis cinquante ans l’amitié franco-suisse, c’est grâce à l’aide, à la générosité et au dévouement de mon mari, ainsi qu’à la disponibilité de mes enfants Catherine et Dominique », insiste-t-elle.
En remerciant les participants à la cérémonie, Marguerite Plancherel a rappelé, en particulier à l’adresse des jeunes du Collège du Sud, que les souffrances et des deuils de la deuxième guerre mondiale sont le prix de la paix que nous vivons. (apic/Jacques Berset)
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