Congo: Après les rebelles pro-Rwanda, Kabila s’est prend à son tour aux évêques

Cardinal Etsou: « une humiliation constante pour l’Eglise »

Kinshasa, 28 août 2000 (APIC) Après les rebelles pro-Rwanda du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), c’est au tour du président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent-Désiré Kabila, de s’en prendre aux évêques catholiques de RDC. Dans le collimateur: Mgr Nestor Ngoy Katahwa, évêque de Manono, dans la province du Shaba (ancien Katanga), arrêté et retenu contre son gré à Kinshasa, sous l’accusation de sympathie pour les rebelles du RCD-Goma.

Les autorités de Kinshasa empêchent en effet l’évêque de Manono de rentrer dans son diocèse au sud-est du pays occupé par les rebelles soutenus par le Rwanda. Mgr Nestor Ngoy Katahwa est en effet contraint de rester à Kinshasa depuis le 29 juillet. Arrêté durant son séjour à Kinshasa où il se trouvait pour des raisons pastorales, il a été interrogé et retenu pendant 24 heures. Il a été relâché le 30 juillet, mais avec l’obligation de rester à Kinshasa et de ne pas s’éloigner de la ville.

L’évêque de Manono est accusé par les autorités de Kinshasa d’avoir favorisé l’entrée des rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) dans le territoire de son diocèse.

« Coupable » d’être le cousin d’Emile Ilunga, le chef du RCD-Goma

Manono est la ville d’origine du président Kabila. D’après les autorités, Mgr Ngoy est aussi « coupable » d’être le cousin d’Emile Ilunga, le chef du RCD-Goma, cette faction rebelle qui, avec l’appui rwandais, s’oppose au président Kabila. « Ici, être cousin de quelqu’un peut vouloir dire que l’on a des ancêtres communs, mais aussi que l’on est originaires de la même tribu ou du même village, explique une source diplomatique locale, et l’accusation faite à l’évêque est ridicule ».

« Ces arrestations sont une humiliation constante pour l’Eglise », lance pour sa part le cardinal Frédéric Etsou-Nzabi-Bamungwabi, archevêque de Kinshasa et président de la Conférence épiscopale du Congo. Le cardinal Etsou a annoncé que, le 4 septembre prochain, il se rendrait dans une région contrôlée par les rebelles, pour aller voir un autre évêque empêché de retourner dans son diocèse, Mgr Emmanuel Kataliko, archevêque de Bukavu, déporté à Butembo par les hommes du RCD-Goma d’Emile Ilunga.

A propos des accusations lancées contre les évêques tant par le gouvernement de Kinshasa que par les rebelles, le cardinal Etsou a déclaré à l’agence vaticane FIDES: « Les évêques ne font pas de politique, et ils ne peuvent pas décider qui peut entrer ou sortir du territoire d’un diocèse. Ils peuvent accueillir, comme personnes dans le besoin, tous ceux qui se présentent en leur demandant de l’aide, sans tenir compte de leur appartenance politique. »

Les arrestations d’évêques, une fâcheuse habitude dans la région des Grands Lacs

Les arrestations et les agressions contre les évêques sont une fâcheuse habitude au Congo, mais aussi au Rwanda, car il s’agit de faire taire une fois pour toutes les voix gênantes. L’archevêque de Kinshasa rappelle en effet que ce n’est pas une première dans le pays: « Mgr Théophile Kaboy Ruboneka, évêque de Kasongo, diocèse situé dans l’est du pays, Mgr Joseph Kesenge Wandangakongu, évêque émérite du diocèse de Molegbe, situé dans le nord du pays, à la frontière avec la République Centrafricaine, ont été arrêtés puis relâchés. Et tout le monde sait que, depuis le mois de février dernier, Mgr Kataliko est retenu en exil à Butembo par les rebelles, et qu’il ne peut plus rentrer pour diriger l’archidiocèse de Bukavu ».

Certains évêques sont des témoins gênants pour les pouvoirs en place

Pour le cardinal Etsou, ce ne sont pas seulement les autorités de Kinshasa qui s’en prennent aux évêques, mais aussi les rebelles opposés au président Kabila et leurs alliés rwandais et ougandais. Ainsi au Rwanda voisin, Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, a été longtemps vilipendé comme « génocidaire » par le gouvernement et les médias rwandais et a été récemment libéré après un an de prison. Accusé de complicité dans le génocide de 1994, il a été entièrement innocenté.

« Ces arrestations, déclare le cardinal Etsou, sont une humiliation continuelle pour l’Eglise, parce que tous les fronts qui se combattent veulent nous empêcher de faire notre devoir, alors qu’ils ne font pas leur propre devoir de chefs d’Etat, qui consiste à mettre la paix entre les pays et à travailler pour le bien-être de la population… Il est déplaisant de constater cette attitude des chefs d’Etat de la région, qui persécutent l’Eglise, et nous continuons à nous demander pourquoi. Nous ne ressentons aucune haine pour personne: nous demandons seulement à nos chefs africains de bien diriger les pays qui leur sont confiés, de garantir la paix, et d’en finir avec les guerres. Mais si l’Eglise demande ces choses, elle est immédiatement attaquée ».

Le cardinal Etsou en zone contrôlée par les rebelles le 4 septembre

Le cardinal Frédéric Etsou a annoncé qu’il irait le 4 septembre prochain trouver Mgr Kataliko à Butembo, en pleine zone contrôlée par les rebelles. « Il est grave, déclare Mgr Etsou, d’empêcher un évêque de retourner au milieu de ses fidèles et c’est injuste. Nous continuons à demander à toutes les autorités rebelles de le laisser rentrer. » Lundi prochain, il se rendra à Butembo pour chercher un moyen d’amener les autorités à laisser libre Mgr Kataliko. Rappelons que Mgr Kataliko, a été élu vice-président de la Conférence épiscopale du Congo lors de sa dernière Assemblée plénière. (apic/fides/be)

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