France: Christian Delorme, engagé depuis 30 ans contre l’exclusion des Maghrébins

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« Savoir entrer dans le paysage du cœur de l’autre ».

Jean-Claude Noyé, correspondant APIC à Paris

Paris, 21 juillet 2000 (APIC) Prêtre du Prado du diocèse de Lyon, Christian Delorme se bat depuis trente ans contre le racisme et l’exclusion des Maghrébins. Très engagé dans le dialogue interreligieux, il a noué de solides liens avec les représentants de la communauté musulmane. Il dit comment sa foi chrétienne s’est renouvelée au contact de l’islam. Portrait.

Y-a-t-il un problème avec les jeunes Maghrébins dans quelque banlieue, comme en avril dernier à Lille ? Lors qu’on pose cette question, les journalistes se tournent fréquemment vers Christian Delorme. Ce dernier est médiateur religieux auprès de la communauté musulmane dans le diocèse de Lyon. Derrière le médiatique « curé des Minguettes » se cache un vrai homme de coeur, attentif aux plus démunis. Membre, depuis 1995, du Haut Conseil pour l’intégration, il a parcouru un long chemin avec les travailleurs maghrébins et leurs enfants au côté desquels il a toujours vécu dans les quartiers populaires de Lyon. Pour eux, il a fait une grève de la faim de vingt-neuf jours, en 1981. Pour eux encore, il a lancé la fameuse Marche des « beurs » pour l’égalité, en 1983.

Avec son ami Rachid Benzine, il publie en 1998 (1) « Chrétiens et musulmans, nous avons tant de chose à nous dire », puis la même année, « Les Banlieues de Dieu » (2). « Cette religion, confie-t-il d’emblée, n’a jamais bousculé les fondements de ma foi. Mais je suis impressionné par trois dimensions. D’une part, la grande confiance que les musulmans ont en Dieu. Ils sont convaincus que Dieu leur veut du bien, que Lui seul connaît le sens des épreuves subies par les hommes. Ensuite leur sens de la prière. Un musulman pieux n’hésite pas à interrompre ses activités pour honorer cinq fois par jour son rendez-vous avec Dieu grâce à la prière rituelle. Enfin, leur sens de l’hospitalité., perçue comme une exigence pratique du croyant. Celui qui frappe à la porte est reçu comme un envoyé de Dieu. »

Rencontre de témoins

Christian Delorme est un homme marqué par la rencontre interpellante de Martin Luther King, de frère Roger de Taizé ou de Gandhi, l’apôtre de la non-violence. Il est nourri tant de la Baghavad Gîta que du Coran et des Evangiles. De son long tutoiement avec les fidèles d’Allah, cet homme haut de taille est sympathique. Avec son franc sourire et sa mine enjouée il retient une conviction centrale : « Qu’ils aient telle foi ou telle autre, les hommes qui prient Dieu de manière sincère ne peuvent être séparés de Lui ».

Une conviction qui l’incite à découvrir chez les autres la trace de l’Esprit Saint, comme chez ce Marocain de la banlieue parisienne, d’une piété et d’une sérénité peu communes : « Un saint! « . Le partage de vie, affirme Christian Delorme, avec les musulmans a aussi affiné sa foi chrétienne: « Ce partage m’a incité à rechercher davantage dans le message chrétien ce qui est abandon dans les bras de Dieu, à intégrer profondément l’idée que nous venons de Dieu et que nous retournons à Lui. »

La figure d’Abraham

Autre redécouverte: la figure d’Abraham, père des trois religions monothéistes, et de son fils aîné Ismaël, prophète considéré par les Arabes comme leur ancêtre : « Nous, chrétiens, nous sommes autant ses héritiers que les héritiers d’Israël. La catéchèse devrait davantage le prendre en considération. » L’islam violent ? Il balaye l’objection d’un revers de main : « Je sais d’expérience que la grande majorité des musulmans sont tolérants et respectueux des gens du Livre. ! » Et de rebondir sur cette belle définition du dialogue interreligieux : « Par-delà les frontières dogmatiques, entrer dans le paysage du coeur de l’autre ».

En septembre, Christian Delorme assumera des responsabilités pastorales dans un nouveau quartier, le quartier de Gerland. Fidèle à Lyon. Fidèle au Christ dans sa proximité avec les musulmans des quartiers populaires. (apic/jcn/ba)

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