Mexique: Flot d’émigrés clandestins arrêtés à la frontière américaine

APIC – Dossier

856’000 sans-papiers arrêtés entre octobre 1999 et mars 2000

Mexique,

(APIC) Près d’un million de sans-papiers mexicains ont été arrêtés à la frontière du Mexique et des Etats-Unis entre octobre et mars 2000. Le nombre de clandestins qui fuient la misère et l’absence d’emploi au Mexique pour un prétendu eldorado est en constante progression: 10% de plus par rapport à la même époque entre 98 et 99. Pour beaucoup, le rêve s’arrête avec la mort. Sur les 3000 km de frontières communes entre les deux pays, plus de 1500 morts ont été officiellement dénombrés depuis 1993. Notre dossier, avec DIAL, le bulletin de diffusion de l’information sur l’Amérique latine.

Plus de 856’000 sans-papiers ont en effet été arrêtes entre octobre 1999 et mars 2000 à la frontière du Mexique et des Etats-Unis. Près d’un millions de Mexicains, en six mois, sur une population globale de quelque 95 millions d’habitants. Des chiffres indiquent que sur 100 mexicains, 8 espèrent émigrer aux Etats-Unis. Selon Arturo Solis, directeur du Centre d’études des frontières, les candidats à un passage clandestin sont de plus en plus nombreux, puisqu’il note une augmentation d’environ 10% par rapport à la même période, entre 1998 et 1999.

Arturo Solis fait cependant remarquer que les chiffres selon qu’ils sont donnés par le Service d’immigration et de naturalisation des Etats-Unis (SIN), ou de l’Institut national de migration du Mexique (INM). L’institution mexicaine indique qu’au cours des cinq premiers mois de l’année, 587’000 nationaux ont été renvoyés des frontières. Ces faits, indique-t-il, indiquent que la migration n’a pas été contrôlée par les autorités, et que les sans-papiers courent des risques plus grands en raison des instruments de surveillance et des interventions renforcées en différents points de la frontière.

Prévention ou répression?

Des informations apportées par des consulats mexicains ayant juridiction à Brownsville, Eagle Pass et Del Rio, indiquent que, comme pour la Californie et l’Arizona, dans la partie est de la frontière nord, du Texas Brownsville, la mise en route de l’opération « Rio grande ». il y a 3 ans par les autorités des Etats-Unis, a provoqué une augmentation du nombre de morts de sans-papiers – jusqu’à 100% dans certains cas et dans certaines contrées – et la détention, dans certains autres régions, d’au moins 60’000 Mexicains au cours des quatre premiers mois de cette année. Ces mêmes consulats coïncident pour dire le déplacement du flux migratoire est chaque fois plus dangereux. Au total, d’octobre 1998 à septembre 1999, près de 1’537’000 personnes ont été arrêtés, selon les données du SIN.

En Amérique latine, il existe de fortes disparités économiques et les conditions de vie n’ont cessé de régresser. Au Mexique, le nombre de pauvres est estimé à 50 millions dont 26 millions dans une situation de précarité extrême. La misère et les conditions de vie difficiles seraient donc l’un des facteurs les plus importants de cette ruée de millions de mexicains vers les Etats-Unis à la recherche d’un mieux-être. Mais le départ est souvent signe de risque pour la majorité car le chemin est semé d’embûches et d’illusions.

Un obstacle nommé « Rio Grande »

Un rapport du Centre d’études des frontières l’indique: sur la seule frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, dans l’Etat de Tamaulipas, dans le Texas, on a enregistré 872 morts depuis 1993. La plupart sont morts au moment ils s’apprêtaient à travers le Rio Grande. En plus de « l’obstacle naturel » que représente ce Rio, la patrouille des frontières a renforcé son opération dite « Río Bravo ». Cette patrouille intervient essentiellement à Brownsville (Texas), où tous les 100 mètres sont placés des agents de surveillance. Ces derniers utilisent des armes à fortes puissances, des équipements de détection et d’espionnage ainsi que l’éclairage des zones de passage traditionnelles. Corollaire: les candidats à la migration clandestine sont ainsi obligés de s’éloigner, pour aller tenter leur chance du côtés de régions moins surveillées, mais combien plus inhospitalières.

Dans son rapport, le même Centre soutient que dans le secteur de Mc allen, on compte 1’139 agents de surveillance, ce qui représente 50% de plus qu’il y a deux ans. A Brownsville, on est passé de 60 à 300 agents. Le résultat ne s’est pas fait attendre puisque le flux migratoire a baissé de 35% dans le premier cas et de 27% dans le second. Ces chiffres manifestent sans doute l’importance que le gouvernement des Etats-Unis accorde à la surveillance pour freiner les migrants à la frontière sud. Alors même que 4 sans papiers sur 10 seulement passent par cet endroit, 85% de « toute la force de combat à l’encontre des migrants se concentre dans cette zone ».

Pour surveiller cette région, la patrouille des frontières dispose d’un équipement militaire sophistiqué, qui inclut des armes de type offensif: des lentilles infrarouges sont utilisés pour détecter les migrants grâce à la chaleur de leur corps, des hélicoptères armés et des équipements d’espionnage sont eux utilisés comme des détecteurs. Les patrouilles disposent en outre d’avions légers, de ballons aérostatique, des caméras de télévision, des chiens entraînés pour la détection des personnes, sans parler des puissants projecteurs pour illuminer en force de vastes tronçons de frontières…

Trois fois plus ces 20 dernières années

Le Centre précise encore qu’en 1996, les Etats-Unis avaient indiqué la présence de 5 millions de migrants sans-papiers, dont 40% se trouvaient en Californie. Ceux-ci représentaient ensemble 1,9% de tous les habitants de Californie. Certaines sources laissent entendre que la population des migrants s’élève aujourd’hui à 7,7 millions. Ce qui signifie qu’elle a triplé au cours des deux dernières décennies.

D’après le rapport du Ceprodhac, le nombre d’immigrants mexicains a augmenté annuellement de 150’000 personnes à partir de 1988 pour atteindre 8 millions en décembre 1999. En d’autres termes, ce chiffre représente ni plus ni moins 8% de la population totale du Mexique.

785 morts depuis 1998 à la frontière d’Arizona

Le danger entre la frontière de l’Arizona et le Sonora, au Mexique, est encore plus présent, tout au long des 591 km qui séparent les deux Etats. Une opération appelée « Salvaguarda » a été montée par les Etats-Unis pour décourager les clandestins dans l’Etat de l’Arizona. Le secrétariat des relations extérieures à Mexico affirme que de 1998 à nos jours, 785 mexicains sont morts, alors que 2258 autres se sont retrouvés en situation de « péril » pour avoir tenté le passage après la mise en vigueur de cette opération.

Le nombre de candidats à « une autre vie » aux Etats-Unis à avoir trouvé la mort depuis la mise en place de « Salvaguarda, en 98, a terriblement augmenté. Selon des chiffres fournis par l’organisation « California Rural Legal Assistance » et de la secrétaire de la Commission des Affaires des frontières, Rosa Albina Garavito, quelque 500 clandestins mexicains ont trouvé la mort le long de la frontière avec la Californie entre 1994 et l’année de la mise en place de l’opération. Albina Garavita dénonce aussi l’augmentation des violations des droits de l’homme sur les migrants.

Selon le consul mexicain en Arizona, Rodríguez Hernández ces mois prochains sont considérés comme « les plus dangereux ». Le nombre des sans-papiers qui tentent de franchir la frontière augmente, et ils sont obligés de passer par des zones plus risquées à cause du renforcement des actions du SIN ». Ce qui oblige là aussi les migrants à s’orienter vers des zones de plus en plus éloignés des lieux traditionnels: Tijuana, San Isiro, El Paso, Ciudad, Juárez. De nouveaux réseaux se développent dans la zone désertique de l’Arizona, Naco et Douglas. « Dans ces régions où la terre est inhospitalière – plus de 500 km de désert – , les sans-papiers doivent marcher plusieurs jours pour atteindre un village et cela sous un soleil très dur », indique le consul.

« Los pistoleros » reprennent du service

Dans la région de Nogales, depuis janvier 2000, plus de 40 clandestins sont morts par accidents, hypothermie, arrêt respiratoire, coma diabétique, infarctus, violence et assassinat a indiqué le consul. Des campagnes ont été entreprises pour dissuader d’éventuels candidats et leurs familles. Cette information vise aussi à démontrer le caractère illusoire de la protection des passeurs qui n’hésitent pas à abandonner les clandestins face au danger. Un danger qui a aujourd’hui pour nom « pistoleros », les nouveaux « cow boys » du sud des Etats-Unis, bien armés et qui « reprennent du service ». Ils n’hésitent pas à dissuader à leur manière « los latinos » de ne pas « fouler le sol de leur pays ». (apic/dial/pr)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/apic-dossier-72/