Eclairage
L’opium du peuple
En dix ans, le paysage politique indien a fondamentalement changé. Le BJP (Bharatiya Janata Party, le « parti du peuple indien », de tendance nationaliste hindoue) a gravi presque tous les échelons du pouvoir, faisant mentir les pères fondateurs d’une Inde multiconfessionnelle mais laïque.
La disparition de l’URSS, principal allié de l’Inde et premier partenaire commercial, a laissé le pays bien seul face à la mondialisation. L’effondrement du Congrès, le parti des fondateurs usé par 50 ans de pouvoir, a ouvert la porte à deux tendances aussi dangereuses que puissantes: le nationalisme hindou et le communalisme.
En passant d’une économie très dirigiste à une réalité marquée par la mondialisation, l’Inde a plongé des millions d’habitants dans l’inconnu. Pas étonnant dans ces conditions que le discours identitaire sur l’âme hindoue brandi par le BJP et ses brahmanes fanatisés ait rencontré un vif succès électoral auprès des laissés-pour-compte du développement. Ceux-ci se réfugient dans le seul domaine qu’ils connaissent et possèdent encore à peu de frais, leur croyance religieuse.
Dans le même temps et c’est là le paradoxe le plus choquant, le BJP, derrière la façade modérée qu’incarne son premier ministre Atul Bihari Vajpayee, conjugue sans aucun scrupule nationalisme et affairisme effréné. Dans les Etats de l’Union gagnés par le BJP, les réformes entreprises ne sont que de façade. On crée de beaux jardins au centre ville mais on coupe allègrement dans les programmes sociaux et scolaires.
Les leaders hindous parlent plus de privatisation de l’électricité et des services que de religion. On repeint les temples en rose grâce aux collectes des fidèles et cela bien que la pratique religieuse chute dans les mégapoles contrairement au monde rural. Mais on se garde bien de favoriser l’érection de nouvelles écoles et dispensaires. C’est sur ce plan que l’affrontement entre chrétiens et hindous extrêmes se joue. (apic/claude chuard/be)
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