Les 80 ans de Jean Paul II
Entouré de plus de 3’000 prêtres
Rome, 16 mai 2000 (APIC) C’est entouré de plus de 3’000 prêtres venus du monde entier pour célébrer leur journée jubilaire à Rome que Jean Paul II fêtera ses 80 ans jeudi 18 mai. La cérémonie sera rehaussée par un concert donné en honneur du pape par le « London Symphony Orchestra », qui exécutera la « Création » de Joseph Haydn.
Le pape a en effet invité les prêtres du monde entier, sur le thème « Redécouvrons le don et le mystère que nous avons reçu », à participer le jour de son anniversaire à une messe solennelle sur la place Saint-Pierre, suivie d’un repas au Vatican. Homme de prière à forte sensibilité pastorale, le 263ème successeur de saint Pierre aime à se retrouver ainsi, prêtre parmi les prêtres.
L’identité et la vocation du prêtre au cœur de la sensibilité pastorale du pape
Jean Paul II avait d’ailleurs déjà marqué le 50ème anniversaire de son ordination sacerdotale par un grand rassemblement de prêtres, le 10 novembre 1996, en invitant ceux qui fêtaient eux aussi leurs cinquante ans de sacerdoce cette année-là. 1’600 prêtres et près de 90 évêques avaient accepté l’invitation. A cette occasion, le pape avait écrit un texte personnel sur sa vocation sacerdotale et sur l’identité du prêtre, publié sous le titre « Ma vocation, don et mystère », duquel a été tiré cette année le thème du jubilé des prêtres.
Dans cet ouvrage biographique, Jean Paul II revient sur les moments de sa vie qui lui ont permis de mûrir progressivement sa vocation de prêtre. Il raconte ainsi son enfance à Wadowice, près de Cracovie, où il est né le 18 mai 1920. Une vie rythmée par l’appel des cloches de l’église, où il servait la messe depuis l’âge de six ans. Lorsqu’il fait sa première communion le 25 mai 1929, sa mère Emilia vient de mourir. Karol Wojtyla est donc élevé essentiellement par son père, officier à la retraite, qui lui apprend l’importance de la prière. L’enfant le surprenait fréquemment agenouillé pendant la nuit.
L’importance de la prière et de la méditation
Des années plus tard, Jean Paul II devait reprendre la même habitude. Ainsi, le 27 janvier 1999, à Saint-Louis, aux Etats-Unis, après son voyage au Mexique, l’archevêque américain Justin Francis Rigali le surprend à cinq heures du matin dans la chapelle de sa résidence, en train de prier le chemin de croix. Tout en étant un camarade sociable, le jeune Karol Wojtyla aimait donc passer des heures en méditation ou en contemplation, dehors ou agenouillé dans l’église ou dans la chapelle du couvent des carmes de Wadowice. Cela ne l’empêchait pas d’être un élève brillant, d’aimer le théâtre, et d’être passionné autant de sport que de littérature.
Arrivé à Cracovie avec son père en août 1938 pour entreprendre des études de philologie polonaise à l’Université Jagellon, le jeune homme fait la connaissance d’un tailleur du nom de Jan Tyranowski, très engagé dans sa paroisse, auprès duquel il découvre les écrits de Jean de la Croix et Thérèse d’Avila. Son attirance pour les grands saints du Carmel fait qu’il envisage plus tard de devenir lui-même carme. Ayant interrompu ses études en novembre 1939 à cause de l’invasion de la Pologne par les Allemands, il devient ouvrier dans une carrière de pierre à l’automne 1940, pour éviter d’être envoyé aux travaux forcés. Il poursuit néanmoins le théâtre, qui est alors pour lui, avec les discussions philosophiques et les soirées poétiques clandestines, une manière de résister par la culture aux envahisseurs allemands. « La prière, affirmait-il, est la seule arme qui compte ».
En 1941 son père vient de mourir , il travaille toujours, mais s’adonne aussi intensément à la lecture, ce qui lui fait découvrir le « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge », de Saint Louis-Marie Grignon de Monfort.
Séminariste clandestin à Cracovie
C’est à l’automne 1942, alors qu’il travaille pour l’usine Solvay, que Karol Wojtyla s’oriente définitivement vers le sacerdoce. Il entre au séminaire clandestin de Cracovie, sous la direction de l’archevêque Adam Stefan Sapieha, tout en continuant un temps à travailler comme ouvrier à Solvay. En septembre 1944, il rejoint les caves de l’archevêché pour y continuer en secret sa formation, malgré les risques de déportation.
Ordonné prêtre le 1er novembre 1946 dans la chapelle privée de l’archevêché, il est envoyé à Rome pour y poursuivre ses études et quitte la Pologne pour la première fois. Son expérience romaine devait lui permettre de tisser des liens avec des membres de l’Eglise du monde entier, de découvrir plusieurs pays d’Europe et de perfectionner sa pratique des langues étrangères. Il se plonge par ailleurs dans la théologie de Saint Thomas d’Aquin, et prépare une thèse sur Saint Jean de la Croix, qu’il présente en juin 1948, avant de repartir pour la Pologne.
Curé de paroisse dans la campagne polonaise
Nommé dans une paroisse de campagne, à Niegowic, à une trentaine de kilomètres de Cracovie, l’abbé Wojtyla visite en voiture à cheval ses paroissiens et les écoles dont il est l’aumônier. Un an plus tard, devenu vicaire d’une paroisse du centre de Cracovie, il organise son ministère en insistant sur la vie de prière, la beauté de la liturgie, l’encadrement des jeunes à travers le sport et le théâtre, et la formation intellectuelle des adultes par laquelle il veut lutter contre l’influence communiste. En même temps, il écrit beaucoup, et publie des poèmes sous un pseudonyme.
L’écriture, le théâtre et le sport avec les jeunes
Encouragé à reprendre des études en 1951, il prépare cette fois un doctorat sur les possibilités de fonder la morale catholique sur le système phénoménologique de Max Scheler. Déchargé de toute fonction pastorale officielle, il n’en continue pas moins à célébrer la messe à l’église Notre-Dame, en plein cœur de Cracovie sur la place du marché, entouré de jeunes, à six heures du matin. Devenu professeur titulaire d’éthique et de théologie morale à Lublin et à Cracovie en 1954, il fait avec ses étudiants des excursions à pied dans les montagnes, et des randonnées en vélo ou en kayak. Il en profite pour leur parler de Dieu, et célèbre la messe sur des autels de fortune.
C’est précisément au cours d’un camp de jeunes qu’il apprend en juillet 1958 qu’il est nommé évêque auxiliaire de Cracovie. Sa devise désormais célèbre – elle est brandie par des foules de jeunes du monde entier lors des visites du pape – sera : « Totus Tuus » – tout à toi, Marie -, empruntée à Saint Louis-Marie Grignon de Monfort. Dans cette nouvelle charge, il se montre particulièrement attentif à la formation des séminaristes. Il fréquente également des intellectuels et des scientifiques, et écrit des essais de théologie et de morale, en plus d’une pièce de théâtre sur l’amour humain et le sacrement du mariage, intitulée « La Boutique de l’orfèvre ».
L’archevêque de Cracovie se fait connaître au Concile Vatican II
En juin 1962, la mort de l’archevêque de Cracovie le conduit à prendre en charge l’archidiocèse pour une période d’intérim, jusqu’à ce qu’il en soit lui-même nommé archevêque en janvier 1964 par Paul VI. Au cours du Concile Vatican II, il intervient à plusieurs reprises sur les questions de la liberté religieuse et de l’apostolat des laïcs, et participe à l’élaboration la constitution pastorale « Gaudium et Spes », sur l’Eglise dans le monde moderne. Nommé cardinal par Paul VI le 26 juin 1967, Mgr Wojtyla continue à venir régulièrement à Rome pour participer aux synodes romains, tandis qu’il voyage à l’étranger, et notamment aux Etats-Unis, invité dans des universités ou dans le cadre de congrès eucharistiques.
Elu pape le 16 octobre 1978
Devenu pape le 16 octobre 1978, Jean Paul II s’efforce de poursuivre son activité pastorale au sein de son ministère pontifical. Le 3 décembre 1978, il commence à visiter les paroisses de son nouveau diocèse, et en l’an 2000, 291 d’entre elles, sur un total de 328 paroisses en fonction à Rome, ont ainsi reçu sa visite. S’adressant régulièrement aux séminaristes, il en ordonne prêtres une trentaine tous les ans, toujours pour le diocèse de Rome, la dernière célébration étant celle du 14 mai 2000. Il publie en mars 1992 une exhortation apostolique « Pastores dabo vobis » Je vous donnerai des pasteurs , sur la formation des prêtres.
Au début de chaque année, il ordonne par ailleurs des évêques – déjà 290 au total – dans la basilique Saint-Pierre le jour de l’Epiphanie, et baptise une dizaine d’enfants le dimanche suivant dans la chapelle Sixtine. Enfin, la nuit de Pâques, ce sont cette fois des adultes qu’il baptise et confirme. Il le fait encore le soir du 22 avril 2000 sur la place Saint-Pierre. La veille, il était descendu comme chaque année dans la basilique pour y confesser une dizaine de personnes.
Jean Paul II choisit d’autre part le Jeudi saint pour écrire tous les ans une lettre adressée aux prêtres du monde entier, contenant à la fois des réflexions bibliques et théologiques sur leur ministère, et des réflexions tirées de sa propre expérience. « Mettons-nous en quelque manière ’à l’école’ de l’Eucharistie, écrit-il dans celle de l’année 2000. « Nombreux sont les prêtres qui, au cours des siècles, ont trouvé en elle le réconfort promis par Jésus le soir de la dernière Cène, le secret pour vaincre leur solitude, le soutien pour supporter leurs souffrances, l’aliment pour reprendre le chemin après chaque découragement, l’énergie intérieure pour confirmer leur choix de la fidélité ».
Les faiblesses humaines de Pierre
Dans ce texte, qu’il a signé le 23 mars 2000 au Cénacle de Jérusalem, pendant son voyage en Terre Sainte, Jean Paul II évoque particulièrement le reniement de Pierre le soir de la passion du Christ, en soulignant la « faiblesse humaine » de l’apôtre. Le pape est revenu sur ce thème à plusieurs reprises les mois précédents, rappelant notamment les phrases de l’Evangile dans lesquelles le Christ disait à Pierre : « Quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais, mais quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ».
« Ce sont des paroles qui me touchent de près en tant que successeur de Pierre, écrit le pape dans sa « Lettre aux personnes âgées » publiée le 26 octobre 1999. Elles me font éprouver avec force le besoin de tendre les mains vers celles du Christ, par obéissance à son commandement : suis-moi ». « C’est dans la force de la puissance du Christ que Pierre peut soutenir ses frères malgré sa faiblesse personnelle », affirme-t-il un peu plus tard en adressant ses vœux de Noël à la Curie romaine le 21 décembre 1999.
Une forte dévotion mariale et la foi dans la protection de la Vierge Marie
La sérénité actuelle de Jean Paul II, malgré ses 80 ans et ses handicaps physiques évidents, ont sans doute quelque chose à voir avec sa prière et la confiance qu’il a toujours démontrée envers la Vierge, spécialement après l’attentat qu’il a subi le 13 mai 1981, et pour lequel il a considéré avoir bénéficié d’une protection spéciale de sa part. Les explications données le 13 mai dernier par le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, à l’issue de la messe célébrée à Fatima par le pape pour la béatification de Francisco et Jacintha Marto, ont éclairé cette vision.
Le cardinal a en effet annoncé, devant 600’000 personnes retenant leur souffle, la publication prochaine de la troisième partie du message de la Vierge révélé en 1917, en en expliquant d’ores et déjà l’essentiel : les enfants avaient entrevu un « évêque vêtu de blanc » qu’ils avaient reconnu comme étant le pape, « marchant péniblement vers la croix parmi les cadavres des personnes martyrisées (…), tombant à terre comme mort, sous les coups d’une arme à feu ». La connaissance de ce message par Jean Paul II depuis 1981 a dû encore encourager sa prière à la Vierge. « On progresse davantage, en peu de temps de dépendance et de soumission à Marie, qu’en s’appuyant seulement sur soi-même pendant des années entières d’initiatives personnelles », affirme-t-il le 13 mai 2000.
Jean Paul Il prie chaque matin près de deux heures dans sa chapelle privée
D’après son entourage, Jean Paul II consacre aujourd’hui à la prière encore plus de temps qu’au début de son pontificat. Il se lève le matin entre 5 heures et 5 heures et quart, et prie en silence pendant près de deux heures dans sa chapelle privée, avant d’y célébrer la messe vers 7 h 30 en présence d’une trentaine de personnes. Le sacerdoce est « le mystère qui m’accompagne et me pénètre depuis cinquante ans », expliquait-il dans « Don et mystère » en 1996.
Le 18 mai 2000, Jean Paul II totalisera 21 ans, sept mois et deux jours de pontificat à la tête de plus d’un milliard de catholiques, ce qui fait de lui aujourd’hui le neuvième pape quant à la longueur de son pontificat. Le pape polonais est le premier non Italien de l’ère moderne. « Malgré la peine et la misère qui la marquent, le don de la vie est trop beau et trop précieux pour que nous puissions nous en lasser », écrivait-il dans sa « Lettre aux personnes âgées ». « Malgré les limitations qui surviennent avec l’âge, je conserve le goût de la vie, j’en rends grâce au Seigneur. Il est beau de pouvoir se dépenser jusqu’à la fin pour la cause du Royaume de Dieu ». (apic/imedia/cic/be)
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