France: Le comité d’éthique tolère l’euthanasie pour la contrôler

Un « compromis impossible », dit Mgr Billé

Une exception qui est « un moindre mal », estime le Père Bruguès

Paris, 6 mars 2000 (APIC)Le débat en France sur l’euthanasie est de plus en plus vif. Le Comité consultatif national d’éthique dit tolérer l’euthanasie pour la contrôler. Pour les 12 « sages », rassemblés en groupe de travail constitué il y a trois ans déjà, l’exception d’euthanasie qu’ils préconisent est destinée à décourager cette pratique. Une conception que ne partage pas Mgr Louis-Marie Billé, archevêque de Lyon et président de la Conférence des évêques de France. Pour lui, il s’agit là d’un « compromis impossible ». Un avis tranché, par rapport à celui plus nuancé du Père Bruguès.

Représentant de l’Eglise catholique au sein du Comité consultatif national d’éthique, Jean-Louis Bruguès, dominicain, professeur de théologie morale à l’Université de Fribourg, rappelle le parcours de ce groupe de travail, dans un entretien accordé à « La Croix ». Le quotidien catholique français consacre sur le sujet un important dossier.

Le professeur de théologie, brosse d’emblée l’historique de la mise sur pied de ce comité d’éthique. Il rappelle que l’euthanasie n’est pas conforme à la doctrine catholique. Mais son avis diverge de Mgr Billé sur la question de l’exception, voie prônée par le Comité, qui est, dit-il « un moindre mal ».

« Le groupe a auditionné plusieurs personnes extérieures. Son avant-projet a été présenté à la section technique du Comité. C’est à ce moment-là, poursuit le professeur Bruguès, que j’ai pris connaissance de ce travail. Fin janvier, le Comité s’est réuni en session plénière pour revoir le texte et l’amender. Il a été définitivement adopté en février. Etant en Egypte, je n’ai malheureusement pas pu participer à cette dernière séance… »

Pour moi, relève le théologien moral, il était essentiel de poser le problème de manière plus large que l’euthanasie. Et de faire remarquer que « les techniques modernes ont dépossédé l’homme de sa mort ». Aujourd’hui, dit-il, 70% des gens meurent dans les hôpitaux… Les problèmes éthiques posés par l’euthanasie d’un point de vue chrétien? C’est d’abord, observe-t-il, celui du droit dont peut se prévaloir la personne à disposer de son corps et de sa vie. Du point de vue chrétien, la vie est un don de Dieu. Elle est confiée à l’homme qui n’en est pas le propriétaire mais seulement le gestionnaire. Dans cette optique, se suicider, c’est se comporter comme le détenteur du sens de l’existence, se comporter comme Dieu. Voilà pourquoi cette attitude est condamnée par l’Eglise depuis le IVe siècle.

« Je n’aurais pas admis que les ’exceptions d’euthanasie’ soient présentées comme une troisième voie qui aurait permis de trancher entre les deux positions opposées, celle du respect de la vie et celle du droit à mourir dans la dignité. L’euthanasie, c’est clair, n’est pas conforme à la morale catholique, et sur le plan des principes, il va de soi que je dise non à l’exception d’euthanasie ». Mais, ajoute le professeur Bruguès, l’euthanasie est un mal qui existe. « L’avis du Comité cherche à le circonscrire. C’est l’avis d’une éthique séculière pour une société sécularisée. Partant de là, comme membre du Comité d’éthique, je ne peux pas ne pas entendre la question posée: quel est, vis-à-vis de cette pratique, le moindre mal? Autrement dit, comment donner des garanties aux personnes solidairement impliquées dans l’acte d’euthanasie: le malade, le médecin, l’équipe hospitalière, la famille… Il nous a semblé que ’l’exception d’euthanasie’ était ce ’moindre mal’ ».

Autre avis dans le dossier de « La Croix », celui du docteur Danielle Lecomte, responsable du service mobile de soins palliatifs à l’hôpital Broussais, responsable de la future équipe de l’hôpital européen Georges-Pompidou. Elle estime notamment qu’on ne peut impliquer un tiers dans la décision de sa propre mort.. Selon elle la médecine palliative, « c’est la médecine de l’impuissance: elle accepte l’inéluctabilité de la mort et tente simplement d’améliorer la qualité du temps qui reste à vivre ».

Personnellement, relève-t-elle encore, « je ne pourrais plus continuer à exercer ce métier s’il était admis que je suis autorisée à donner la mort ». L’euthanasie « est et doit rester un acte transgressif ».

L’impossible compromis

Quant à Mgr Billé, il se réjouit certes de l’accord sur l’accompagnement des malades en fin de vie, des soins palliatifs et de la réprobation de « l’acharnement thérapeutique ». Mais l’évêque se montre intraitable à propos de l’euthanasie. Mgr Billé trouve en effet que le compromis proposé par le comité d’éthique modifierait profondément les règles juridiques actuelles et ouvrirait la voie à une acceptation sociale de l’euthanasie.

« Tu ne tueras pas est un commandement de Dieu mais aussi le fondement de toute vie sociale respectueuse d’autrui », continue l’évêque. Pour lui, il ne faudrait pas affaiblir la force d’un tel repère. Le droit d’une société ne peut sans se ruiner lui-même, faire place à toute forme d’arrangement. Une exception juridiquement reconnue conduirait rapidement à l’oubli progressif d’un principe jugé cependant fondateur.

« Les évêques de France », dit Mgr Billé, savent qu’il existe pour des malades en fin de vie des situations éprouvantes qui appellent à la solidarité humaine et à une véritable compassion qui ne craint pas la souffrance née de la proximité avec l’épreuve d’autrui. C’est la reconnaissance jusqu’au bout de la grandeur et de la dignité de la personne, et non pas sa mise à mort délibérée, fût-ce sur sa propre demande, qui permet d’inscrire la mort au sein de la vie elle-même et de ne pas exclure d’un monde humanisé les derniers instants d’une existence ». (apic/cr/mk/pr)

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