Rome: Cérémonie sans précédent pour la «demande de pardon de l’Eglise»

«Mea culpa» historique pour les fautes d’hier et d’aujourd’hui

Rome, 12 mars 2000 (APIC) Le pape Jean Paul II a demandé «humblement pardon» dimanche pour les péchés que l’Eglise à commis dans son histoire et même pour les responsabilités d’aujourd’hui, au cours de ces deux millénaires, dans un mea culpa sans précédent. Et jugé historique en cette Année du Jubilé. Au cours d’une cérémonie spécialement conçue pour cet événement, le pape a présidé a une liturgie du pardon, en compagnie de sept cardinaux et archevêques de la curie.

Jean Paul II a également demandé pardon et pardonné les fautes commises par les autres à l’égard des chrétiens. Le pardon concerne les fautes commises lors des croisades et l’inquisition, ainsi qu’à l’égard des juifs, les fautes commises au nom de la foi par des conversions forcées, les fautes faites au nom de la religion dans des guerres, la traite des esclaves noirs… La veille, samedi, les communautés juives en Italie et en Allemagne avaient estimé que le pape n’allait pas assez loin dans la reconnaissance des fautes de l’Eglise envers les juifs.

Si pour certains, l’Eglise ne va pas assez loin, il est d’autres voix pour s’étonner de cette demande de pardon. Et des voix discordantes ses ont même faites entendre au sein de l’Eglise catholique. «Le mea culpa vivement souhaité par le pape est en train de susciter des réactions contraires également à l’intérieur de l’Eglise», rappelait récemment encore dans le quotidien «il Giornale» Andrea Tornielli. Sous la présidence de Mgr Walter Brandmüller, des historiens ont écrit un ouvrage dans ce sens. Le livre a été remis à la Congrégation pour la doctrine de la foi, et il exprime «une grande perplexité quant à la relecture de l’histoire soumise à la requête de pardon».

La confession de sept catégories de péchés commis par les chrétiens tout au long de l’histoire de l’Eglise a donc eu lieu au cours d’un rite nouveau, à la fois sobre et solennel lors de la messe de «demande de pardon» célébrée par Jean-Paul II et une trentaine de cardinaux dans la basilique Saint-Pierre. Le pape et autres concélébrants étaient revêtus des ornements liturgiques violets propres au temps du carême.

Après l’homélie du pape, c’est sous la forme d’une «prière universelle» que sept cardinaux ou archevêques de la curie romaine ont lu chacun à leur tour, devant l’autel de la basilique, une «demande de pardon» adressée à Dieu.

Dans le service de la vérité

La premièère intention, lue par le cardinal béninois Bernardin Gantin, doyen du Collège des cardinaux, concernait les «péchés en général», le cardinal invitant à prier «pour que, considérant avec humilité les fautes du passé, dans une authentique «purification de la mémoire «, nous nous engagions sur un chemin de vraie conversion «.

Le cardinal allemand Joseph Ratzinger a lu la seconde intention, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et président de la Commission théologique internationale qui a rédigé le document «Mémoire et Réconciliation: l’Eglise et les fautes du passé «. Il a expliqué le sens de cette cérémonie. Cette seconde prière concernait les «fautes commises dans le service de la vérité «. «Prions pour que chacun de nous, reconnaissant que des hommes d’Eglise, au nom de la foi et de la morale, ont parfois eu recours eux aussi à des méthodes non évangéliques en accomplissant leur devoir de défendre la vérité, sache imiter le Seigneur Jésus, doux et humble de coeur «.

Après chaqueintention, un bref moment de silence précédait une courte prière de Jean-Paul II. Le choeur entonnait alors trois fois l’imploration «Seigneur prends pitié " en grec, pendant le cardinal faisait quelques mètres pour aller s’incliner devant un grand crucifix en bois du XIVème siècle, placé traditionnellement dans la basilique Saint-Pierre pendant les années saintes. Le cardinal Ratzinger a alors allumé alors une lampe à huile placée sur un chandelier à sept branches au pied de ce crucifix.

Comportements contraire à l’amour

Lue par le cardinal français Roger Etchegaray, président du Comité du grand Jubilé de l’An 2000, la troisième intention concernait cette fois la «confession des péchés qui ont compromis l’unité du corps du Christ «, tandis que la quatrième a évoqué les fautes «commises dans les relations avec Israël «. Celle-ci avait été confiée au cardinal australien Edward Idris Cassidy, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, dont dépend la Commission pour les rapports religieux avec les juifs. «Prions pour que, dans le souvenir des souffrances endurées au cours de l’histoire par le peuple d’Israël, les chrétiens sachent reconnaître les péchés commis par nombre des leurs contre le peuple de l’alliance et des bénédictions, et ainsi purifier leur coeur «, a-t-il invité, alors que l’ambassadeur d’Israël assistait à la cérémonie. «Dieu de nos pères, a répondu Jean Paul II, «tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples. Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’alliance «.

La cinquième intention a été lue par Mgr Stephen Fumio Hamao, archevêque japonais président du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des itinérants. Elle concernait les fautes «commises par des comportements contraires à l’amour, à la paix, aux droits des peuples, au respect des cultures et des religions «. L’archevêque a donc invité à prier pour que «les chrétiens sachent se repentir des paroles et des comportements qui leur ont parfois été suggéré par l’orgueil, par la haine, par la volonté de dominer les autres, par l’inimité envers les adeptes d’autres religions et envers des groupes sociaux plus faibles, comme les immigrés et les gens du voyage «.

La sixième intention était centrée sur les «péchés qui ont blessé la dignité de la femme et l’unité du genre humain «. C’est cette fois le cardinal nigérian Francis Arinze, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qui a invité à prier «pour tous ceux qui ont été offensés dans leur dignité humaine et qui ont vu leurs droits bafoués «. «Prions pour les femmes trop souvent humiliées et marginalisées «, a-t-il souligné en particulier, «et reconnaissons que les chrétiens, par diverses formes de consentement, s’en sont eux aussi rendu coupables «.

Enfin, l’archevêque vietnamien, Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, président du Conseil pontifical Justice et Paix, a parlé des péchés «dans le domaine des droits fondamentaux de la personne «. L’archevêque a invité à prier «pour tous les êtres humains du monde, spécialement pour les mineurs victimes d’abus, pour les pauvres, les marginaux, les laissés-pour-compte, pour ceux qui sont sans défense, pour les enfants non encore nés, supprimés dans le sein maternel, ou même utilisés à des fins expérimentales par ceux qui ont abusé des possibilités offertes par la biotechnologie, dénaturant ainsi les finalités de la science «.

«Cela revient à Dieu»

A la fin de la lecture de ces intentions, Jean Paul II s’est lui-même approché du grand crucifix en bois pour embrasser ses jambes avant de lever les yeux vers son visage. Au total, ce rite a duré une vingtaine de minutes, sur les deux heures de l’ensemble de la cérémonie. La messe s’est ensuite poursuivie normalement.

A midi, le pape est ensuite revenu sur le sens de cette liturgie en s’adressant aux pèlerins rassemblés sur la place Saint-Pierre pour la prière de l’Angélus. «Il ne s’agit pas d’un jugement sur la responsabilité subjective des frères qui nous ont précédé «, a-t-il expliqué. «Cela revient à Dieu, qui, contrairement à nous, est capable de scruter les coeurs et les esprits «. «L’acte accompli aujourd’hui est une reconnaissance sincère des fautes commises par les fils de l’Eglise, dans le passé lointain et dans le passé récent «. «C’est une humble imploration du pardon de Dieu qui ne manquera pas de réveiller les consciences, en permettant aux chrétiens d’entrer dans le troisième millénaire plus ouverts à Dieu et à son dessein d’amour». (apic/imed/pr)

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