Congo démocratique: Les rebelles expulsent de Bukavu Mgr Emmanuel Kataliko
Bukavu/Bruxelles, 13 février 2000 (APIC) Les rebelles anti-Kabila qui contrôlent avec l’aide de l’armée rwandaise la région de l’Est de la République démocratique du Congo, ont expulsé samedi Mgr Emmanuel Kataliko de son diocèse. L’archevêque de Bukavu, dans le Sud Kivu, a été déclaré « persona non grata », en raison de sa lettre pastorale de Noël très critique à l’égard de la situation dans la zone occupée. En signe de protestation, toutes les activités liturgiques et sociales ont été suspendues dans les églises et dans le diocèse jusqu’au retour du prélat.
Mgr Emmanuel Kataliko a été arrêté par les militaires à l’aéroport de Goma, en provenance de Kampala, en Ouganda. L’archevêque de Bukavu se trouverait actuellement à Butembo, une localité au nord de Goma. Lors de son arrivée à Goma sur un vol de la compagnie TMK, les militaires ont intimé l’ordre au pilote de redécoller et de ramener Mgr Kataliko à Butembo, sans quoi ils tireraient sur l’appareil. Après avoir débarqué les autres passagers, l’avion est reparti avec trois passagers: l’archevêque, un père jésuite et une religieuse. Mgr Kataliko a dû descendre à Butembo avec la religieuse. L’avion est revenu à Bukavu (via Goma) avec beaucoup de retard. Une importante délégation du diocèse (prêtres, religieux, religieuses et laïcs) ont en vain attendu Mgr Kataliko.
De retour à l’évêché de Bukavu, la délégation a adopté un document de protestation. Le collège élargi des consulteurs du diocèse a déclaré la cessation des activités liturgiques dans les églises, en attendant le retour de l’archevêque. D’après les dernières nouvelles, l’évêque est interdit de « remettre les pieds sur le sol de son diocèse ».
Lettre ouverte de l’Eglise catholique de Bukavu
Dans une lettre ouverte intitulée « Remettez-nous notre pasteur, son Excellence Mgr Emmanuel Kataliko », l’Eglise catholique de Bukavu rappelle que son pasteur revenait de Kinshasa, où il avait participé à la réunion statutaire du Comité permanent de l’épiscopat du Congo. « Avec grande consternation, nous avons appris qu’à partir de Goma, il a été amené de force à Butembo. Il est déclaré « persona non grata » et empêché de fouler le sol congolais occupé par le Rwanda. L’Eglise catholique de Bukavu est donc privée de son pasteur, calomnié et diffamé en prétendant qu’il incitait la population à la haine ethnique ».
Pour justifier leur geste, les occupants ont fait référence au message de Noël 1999 de Mgr Kataliko. La lettre ouverte de l’Eglise de Bukavu rappelle qu’ »il y dénonçait les abus du pouvoir rwandais sur le peuple congolais meurtri, réclamait justice, respect de la dignité humaine, liberté et retrait de toutes les troupes étrangères ».
Une semaine de désobéissance civile contre l’occupation rwandaise
Du 31 janvier au 6 février, pendant la semaine de désobéissance civile pacifique – la grève générale de toutes les composantes de la population avait été décrétée -, le pouvoir en place a notamment accusé l’Eglise catholique d’être à la base de ce mouvement. « Dès lors, poursuit la lettre ouverte, « ce qui est une légitime protestation sociale est tourné par le Rwanda et le RCD (rebelles du Rassemblement pour le Congo démocratique, soutenus par l’Ouganda et le Rwanda, nda.) en une incitation à la haine ethnique et à la xénophobie, alors que ni le message de l’évêque ni les revendications sociales ne contenaient rien de pareil. »
Les signataires de la « Lettre ouverte de l’Eglise catholique de Bukavu » affirment que « cette confusion délibérée caractérise la stratégie habituelle du pouvoir en place pour justifier aux yeux de l’opinion internationale les exactions commises sur le peuple congolais. Ainsi, le Rwanda, par le biais du RCD, est en train d’envenimer le climat social, en vue de créer des
occasions de répressions violentes. » Pour le diocèse de l’Est du Congo démocratique, Mgr Kataliko est le bouc émissaire d’une situation dont le Rwanda et le RCD sont les seuls responsables. « Face à ce drame, s’en prendre à l’évêque, c’est s’en prendre à toute l’Eglise catholique! L’absence de notre pasteur paralyse toute la vie de notre Eglise. C’est pourquoi nous demandons avec insistance : ’Remettez-nous notre pasteur’. »
Une population prise en otage
Ainsi, tant que Mgr Kataliko ne sera pas de retour, le collège élargi des consulteurs du diocèse a déclaré faire « le deuil diocésain en observant un jeûne liturgique et sacramentel dans toutes les églises. » Il en sera de même pour toutes les activités professionnelles ou sociales du diocèse de Bukavu. Le diocèse affirme qu’il s’agit là d’un « cri de détresse de tout un peuple. Nous demandons à la communauté internationale de prendre ses responsabilités devant l’histoire et d’intervenir immédiatement pour sauver une population prise en otage ». (apic/misna/bia/be)
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