Kafka et la bible

Entre le parking de l’aéroport de Ndjili (Kinshasa, RDC) et l’avion qui me conduira à Kananga, je sais que j’entre dans un roman de Kafka. Donc d’abord trouver un quidam sympa et plus au courant que moi des méandres de ce bâtiment, puisque mes accompagnants sont refoulés dès l’entrée par un policier qui ne veut rien entendre de mes incompétences…

Je trouve un jeune dont la chemise me dit qu’il doit être soit du personnel de terre, soit un taximan. En fait il m’avoue dans les couloirs qu’il fait partie des Services de renseignement de l’Etat. En même temps qu’il me demande un chapelet pour sa fille Rufine qui a 4 ans et qui est très malade depuis plusieurs mois…

Nous arrivons ensemble devant la dame chargée du check-in, dont les 100 kg trônent 50 centimètres plus haut que moi. Je suis séparé d’elle par un vertigineux guichet et le pèse-bagages. Vu l’ambiance je suis déjà un peu inquiet, car mon bagage à main fait 14 kg au lieu de 10.

«Posez votre bagage là!» Je m’exécute.

«Il y a 4 kg de trop!» J’ai presque envie de payer aussitôt l’excédent mais mon accompagnant me dit: «Si vous avez un ordinateur, sortez-le». Ce que je fais.

«Il y a encore un kg de trop». «Enlevez la bible». En fait ce n’était pas une bible mais une histoire du Congo épaisse comme une bible!

«C’est bon». Tant mieux, mais c’est la suite le meilleur:

Devant la dame qui met en ordre ma carte d’embarquement, nous remettons dans le même sac: l’ordinateur (3kg) et la «bible» (1kg) et nous partons vers un autre guichet à travers d’autres couloirs.

Conclusion pathétique : En Europe trop de rigueur administrative enlève la spontanéité de la vie réelle. En Afrique pas assez de rigueur administrative et politique à tout niveau empêche la vie réelle de s’épanouir dans la sécurité et le droit… Lorsque Guylaine voyagera en avion, combien de kilos pourra-t-elle mettre dans ses bagages?

 

Guy Luisier

Portail catholique suisse

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