Pas de soins de qualité sans une écoute neuve des questions
Bruxelles, 19 janvier 2000 (APIC) « Soins palliatifs et éthique: comment garder la tête froide? » Sous ce titre quelque peu provocant, la revue « Ethica Clinica » consacre son dernier dossier trimestriel à faire le point sur l’avancée des soins palliatifs? Leur qualité et leur pertinence méritent la plus grande vigilance, estime la revue, qui entend que les soins palliatifs continuent d’interroger la médecine contemporaine.
Le dossier proposé par la revue éditée par la Fédération des Institutions Hospitalières de Wallonie, s’ouvre sur un premier bilan des soins palliatifs, dressé par le Dr Dominique Jacquemin (Lille). Ces soins s’inscrivent dans une approche renouvelée de la fonction soignante. Depuis leur naissance officielle (la création en 1967 du Saint-Christopher’s Hospice par le Dr Cicely Saunders dans la banlieue de Londres), les soins palliatifs comportent « une dimension critique à l’égard d’un fonctionnement médical et d’une approche du patient trop technicisée ».
Une approche et ses résistances
Volonté d’une approche globale de la personne, à soigner dans l’interdisciplinarité et surtout à accompagner comme un vivant, affecté par une mort qui est une limite radicale mais « naturelle ». Il y a là toute une philosophie de la vie, un souci de la dignité humaine, une approche éthique du soin où prime la relation à un autre, à qui est reconnu un rôle prédominant de sujet… C’est sans doute cette optique exigeante qui explique, selon le Dr Jacquemin, les « résistances » que rencontrent les soins palliatifs « dans une société ou dans une certaine médecine qui nient la mort non maîtrisée ».
Les témoignages de soignants, infirmiers ou médecins, aident à comprendre la nature des résistances rencontrées. La difficulté est d’abord de vivre avec l’autre une relation de qualité et d’admettre que l’on ne sait pas ce que pourrait être pour l’autre une « bonne mort ». Chacun, en définitive, peine à reconnaître qu’il ne possède pas la toute-puissance mythique dont rêve parfois le soignant ou l’aidant: avoir prise sur autrui.
Les pratiques de soins palliatifs sont aussi questionnées. Le Dr Mallet (Haubourdin/France) se méfie d’une promotion des soins palliatifs à coup d’oppositions faciles entre la prise en charge confortable du patient et son abandon au seuil du mouroir. D’où sa mise en garde contre les slogans: on vante les soins palliatifs comme « soins continus »… qui condensent bien des ruptures. On recommande une formation… irréaliste pour plusieurs acteurs. On prône des équipes mobiles… mais fort lourdes sans un bénévolat peu généralisable. Ici encore des témoignages d’infirmières et de médecins aident à cerner ces paradoxes souvent remarqués dans le monde de la santé.
Le bienfait de la parole
Sans négliger les questions frontières soulevée par les soins palliatifs pour des patients minés, par exemple, par une sclérose latérale, « Ethica Clinica », pose le problème fondamental de l’éthique qui sous-tend les soins palliatifs. Médecins, personnel infirmier, accompagnant, proches…: tous sont affectés par des questions qui résonnent en eux et qu’ils gagnent à partager avec d’autres. Plusieurs pages sont ainsi consacrées à décrire les bénéfices des « groupes de parole » qui permettent aux accompagnants de s’exprimer sur ce qu’ils vivent dans leur relation avec les malades.
La parole échangée, remarque en psychologue G. Lemaignan (Paris), est capitale pour aider notamment les soignants à repérer en eux ce qu’ils ressentent et pour améliorer leur disponibilité à l’égard du patient et de sa famille . La parole partagée permet ainsi d’épargner la souffrance des autres comme la sienne. Est en jeu la qualité même de la relation thérapeutique: l’écoute est essentielle pour donner à l’autre, au malade en l’occurrence, toute sa place de sujet, de personne. (apic/cip/pr)
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