Rome, 10 juin 2001 (APIC) Au lendemain de la condamnation par un tribunal belge de 4 Rwandais – dont deux religeuses bénédictines – accusés d’avoir participé au génocide de 1994, le porte-parole du Vatican Joaquin Navarro-Valls, rejette les amalgames. L’Eglise n’est pas responsable du génocide rwandais, même si certains de ses membres y ont participé, a-t-il tenu à souligner samedi.
Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège a réagi samedi 9 juin à la sentence de la Cour d’Assises de Bruxelles condamnant deux religieuses bénédictines rwandaises pour graves responsabilités dans le génocide de 1994. Il se dit toutefois « surpris » qu’aussi peu de personnes soient mises en cause dans un conflit aussi important.
La « grande confusion des événements très violents » de 1994
Rappelant le message du pape au peuple rwandais, le 14 mai 1996, Navarro-Valls a cité Jean Paul II: « L’Eglise ne peut être retenue responsable des fautes de ses membres qui ont agi contre la loi évangélique. Eux-mêmes seront appelés à rendre compte de leurs propres actions. Tous les membres de l’Eglise qui ont péché durant le génocide doivent avoir le courage d’assumer les conséquences des fautes qu’ils ont commises contre Dieu et contre leur prochain ».
« On espère toutefois que les personnes inculpées ont pu faire valoir leur propre version des faits », a ajouté le porte-parole du pape, soulignant « la grande confusion des événements très violents » de 1994. Joaquin Navarro-Valls s’est encore dit « surpris de voir rejetée sur si peu de personnes les graves responsabilités de nombreuses personnes et groupes, également impliqués dans le terrible génocide ».
Les quatre Rwandais reconnus coupables par un jury populaire de Cour d’Assises de Bruxelles, le 8 juin 2001, risquaient la prison à vie. Des peines allant de douze à vingt ans de réclusion ont été infligées aux quatre Rwandais de Butare, reconnus coupables de graves responsabilités dans le génocide. Les deux religieuses bénédictines rwandaises auraient livré aux milices hutues en avril 1994 des milliers de tutsis réfugiés au couvent de Sovu, dans la diocèse de Butare. Ils furent ensuite massacrés.
Vincent Ntezimana, 39 ans, professeur d’Université, a été condamné à 12 ans de prison, Alphonse Higaniro, 51 ans, homme d’affaires et ancien ministre, à 20 ans, Sœur Gertrude (Consolata Mukangango) 42 ans, religieuse bénédictine, a été condamnée à 15 ans de réclusion, et Sœur Kizito (Julienne Mukabutera), 36 ans, également bénédictine, a été condamnée à 12 années de prison. 170 témoins, dont Emmanuel Rekeraho, principal responsable des massacres de Sovu, condamné à mort au Rwanda, ont déposé contre les deux religieuses. Emmanuel Rekeraho est aujourd’hui le grand accusateur des religieuses. Ces dernières se sont toujours proclamées innocentes.
Scepticisme dans les milieux missionnaires
Le procès, ouvert en vertu de la législation belge sur les crimes de guerre, a duré près de deux mois. Le rythme trop rapide de l’audition des témoignages, aussi bien de la part des avocats de la défense que de la partie civile représentant les victimes des massacres, ont été vivement critiqués. L’arrêt rendu par le tribunal belge n’a pas dissipé toutes les perplexités parmi les missionnaires et les religieux, rapporte l’association « Vidimus Dominum », un site internet des jeunes religieux catholiques.
Des sources des Congrégations religieuses qui, en Belgique, suivent depuis toujours les événements au Rwanda et au Burundi, étant donné leur lien avec l’ancienne colonie, ont commenté négativement l’arrêt. Dans une déclaration remise à « Vidimus Dominum », ils ont souligné deux faiblesses importantes de ce procès. La première concerne le grand bruit fait au niveau de l’opinion publique, rendant ainsi coupables les accusées avant même qu’ils n’entrent dans la salle du tribunal. La seconde concerne la capacité des jurés populaires qui vivent en Belgique de pouvoir juger des faits et des situations survenus dans un contexte si éloigné et même diamétralement opposé à la mentalité européenne courante.
L’Eglise a aussi ses responsabilités
Des sources missionnaires italiennes ont confirmé à « Vidimus Dominum » qui « s’il y a des responsabilités individuelles, il est juste qu’elles soient mises au clair, et il faut reconnaître les fautes et les erreurs, s’il y en a ». De toute façon, dans la situation conflictuelle du Rwanda, « même l’Eglise a ses responsabilités » pour tout ce qui s’est passé, étant donné qu’elle vit elle aussi au sein de la société et qu’elle peut avoir les mêmes contradictions ou problèmes en son propre sein. (apic/imedia/vd/be)
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