Cameroun: Témoignage d’Olivier Sandé, le miraculé du «Kosovo»

Les geôles desquelles peu sont sortis vivants

Douala, 20 mai 2001 (APIC) Jeune garçon dynamique, Olivier Sandé menait une existence paisible au quartier populaire de Bépanda omnisports à Douala, au Cameroun. Tout a basculé le 8 avril 2000, lorsqu’il fut arrêté par le commandement opérationnel, une unité mise sur pied pour combattre le grand banditisme, et détenu au « Kosovo », une prison sinistre d’où bien peu de détenus ressortent vivants.

Age de 27 ans, Olivier se débrouillait pour faire vivre sa petite famille. Intermédiaire, comme on les appelle à Douala, il était une courroie de transmission entre hommes d’affaires, commerçants et propriétaires de bateaux. Il exerçait ce petit métier jusqu’au 8 avril 2000, lorsqu’il a été arrête par les éléments du commandement opérationnel et amené sans explications à la prison surnommée « Kosovo ». Depuis ce moment-là, sa vie est devenue un enfer. Ceux qui l’ont côtoyé avant ont de la peine à le reconnaître.

En avril 2000, alors que la grande criminalité s’étend à Douala, le commandement opérationnel démantèle des gangs qui terrorisaient la population. Une patrouille débarque au domicile d’Olivier Sandé. Ne le trouvant pas, elle passe tout le monde à tabac y compris sa mère. Les soldats partent en annonçant qu’ils repasseraient le lendemain. Ils reviennent et embarquent son frère cadet, qui sera libéré vers une heure du matin.

Le 8 avril, trois jours après la première incursion, Olivier se rend de lui-même au « Kosovo ». Il rencontre le capitaine Onana Ambassa, chef de la patrouille qui s’est introduite chez lui, et cherche à connaître les motifs pour lesquels il est recherché. Pour toute réponse, il est jeté dans une cellule et copieusement bastonné.

Véritable boucherie humaine

Commence pour lui un long, très long séjour dans les geôles de la mort, durant lequel il sera témoin d’atrocités inqualifiables. Olivier dit avoir vu le capitaine rentrer un soir avec des individus ramassés dans la rue qu’on étalait dans la cour de la deuxième région militaire et tirer sur leurs jambes. « J’en ai eu la chair de poule. J’ai pensé tout de suite à moi .Mais je ne comprenais toujours pas pourquoi j’étais là, dans ce couloir de la mort », raconte-t-il .

Lorsque Olivier demande au capitaine les raisons de son arrestation, il reçoit une bonne claque sur le visage. Avant d’être jeté dans une cellule, où il sera témoin de choses effroyables: des personnes aux jambes tuméfiées, des cadavres gisant sur du sang coagulé. « Une véritable boucherie humaine », affirme-t-il.

Le capitaine revient plus tard et lui fait savoir que d’Olivier gardent des armes chez eux. Olivier ne sait rien de tout cela et se dit surpris. C’est alors que le fameux capitaine lui propose de payer sa liberté. « Nous sommes allés chez moi et je lui ai remis toutes mes économies soit 649’000 francs CFA. Mais à ma grande surprise, je suis retourné en prison au Kosovo ». Le capitaine avait disparu avec l’argent, remplacé par une autre personne.

Rescapé en devenant chef de cellule

Ruiné et abandonné, Olivier fait preuve de courage et s’impose dans cette cellule infeste au point d’en être nommé chef. Il établit un registre des prisonniers avec leurs motifs de détention. « Nous étions très nombreux. On passait des jours sans manger. D’autres personnes mouraient de leurs blessures. Et quand les corps commençaient a sentir, on nous demandait de les jeter dehors. Le soir, on venait faire l’appel pour amener les gens vers les lieux d’exécution. J’avais mon registre, et eux le leur. Ils ne connaissaient pas tous les prisonniers. J’étais sommé de leur montrer les personnes qu’ils appelaient, sinon on m’amenait aussi. J’ai vu des camions arriver pour prendre les gars et les amener je ne sais où », raconte Olivier.

Des hommes vêtus de noirs amenaient ces personnes vers des destinations inconnues. Lorsque les autres détenus les voyaient partir, ils savaient que tout était terminé pour eux. Olivier Sandé se considère comme un miraculé. Il a échappe a la mort au Kosovo, et s’est retrouvé a la prison centrale de Newbell à Douala.

Après un séjour de 40 jours au Kosovo, c’est dans cette nouvelle prison qu’on lui fait savoir qu’il est enfermé pour « escroquerie ». Sandé sort définitivement de prison le 10 novembre 2000. Un véritable miracle. Mais il garde encore les séquelles de cette incarcération abusive. Il ne s’exprime plus très distinctement et dit faire des cauchemars toutes les nuits sur ce qu’il a vécu au Kosovo.

Il entend porter plainte contre le capitaine Ambassa et contre l’Etat du Cameroun et monte un dossier destiné à présenter à la justice. (apic/ibc/bb/pr)

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