A Bâle, les migrants constituent une chance, et non un problème
B Bovigny, de l’agence APIC
Berne, 24 mai 2001 (APIC) « Migratio » (anciennement SKAF), la Commission de la Conférence des évêques suisses pour les migrants basée à Lucerne, a tenu son assemblée annuelle le 23 mai au Centre Alfa à Berne. Les participants se sont mis à l’écoute du modèle d’intégration des étrangers présenté par Thomas Kessler, délégué de Bâle-Ville pour les questions de migration. Ils ont également pris connaissance des nouvelles migrations en Europe, décrites par Rosita Fibbi, de l’Université de Lausanne.
Avant d’analyser les questions relatives à l’intégration des migrants, Thomas Kessler a décrit la situation du canton de Bâle-Ville, qui couvre le centre de la cité rhénane. Sa situation frontalière (avec la France et l’Allemagne), font de Bâle une ville de passage. Alors qu’elle compte à peine 200’000 habitants, elle procure 200’000 places de travail. Chaque jour, 100’000 résidants extérieur au canton y viennent pour des motifs professionnels. Près de 53’000 étrangers, issus de plus de 150 nationalités et représentant 27 % de la population, résident à Bâle-Ville.
En appliquant encore récemment la politique d’immigration des années 90, basée uniquement sur l’effort d’intégration, le canton s’est heurté très vite à de grandes difficultés. Thomas Kessler a notamment cité la non-reconnaissance des diplômes étrangers, qui a pour effet de faire travailler les migrants en-dessous de leur niveau de qualification. Par ailleurs, les mesures d’accueil, peu efficaces et coûteuses, ont fréquemment été la cause de tensions politiques. L’échecs des efforts d’intégration se lisait dans les symptômes négatifs développés chez bon nombre d’étrangers: délinquance, chômage, aide sociale, maladie, etc.
Soigner l’accueil et la formation
Le canton de Bâle-Ville a alors consacré une vaste analyse aux problèmes des étrangers et a fondamentalement modifié sa politique d’intégration. Il a d’abord mis en place une formation destinée à optimaliser le potentiel des migrants en leur offrant des cours de langue et en soignant leur accueil, à travers des réseaux de visiteurs. Il a ensuite adopté des mesures sociales correspondant aux besoins dictés par leur situation ou leur culture (jardins d’enfants, structures d’accompagnement, …). Le canton a également mis l’accent sur le respect des différences culturelles.
« Chaque franc investi dans ces mesures est récupéré quatre fois dans les économies réalisées », a lancé Thomas Kessler, en soulignant qu’un migrant au travail rapporte des impôts, alors qu’il coûte à la société s’il est au chômage. Par ailleurs, le projet constitue une prévention contre la délinquance et la criminalité, qui sont très onéreuses pour la société. « J’insiste sur le fait que ces mesures profitent à l’ensemble de la population, et non seulement aux des migrants eux-mêmes », a précisé le conférencier.
Souligner les aspects positifs de l’immigration
Thomas Kessler a souligné que jusqu’à récemment, la politique pour les migrants était surtout centrée sur les problèmes à résoudre. Avec son nouveau concept, Bâle-Ville cherche d’une part à souligner les aspects positifs de l’immigration, par exemple l’intégration de forces jeunes dans la vie économique du pays, et d’autre part à optimaliser le potentiel en renforçant les atouts des arrivants de nationalité étrangère.
Au terme de la conférence, le président de Migratio, l’ancien conseiller national tessinois Fulvio Caccia, a souligné que le migrant possède un atout supplémentaire par rapport à la population locale. Moins conditionné qu’elle, il peut faire preuve de davantage d’audace en prenant des responsabilités et en lançant des initiatives. Au Tessin, beaucoup d’entreprises sont actuellement dirigées par des migrants qui ont su trouver leur place, a affirmé le président de Migratio. Ajoutant cependant que ce même esprit d’audace, lié au fait de ne pas appartenir à la tradition du pays, peut également pousser le migrant vers la délinquance ou la criminalité.
Politique suisse des quotas
Pour sa part, la sociologue et chercheuse à l’Université de Lausanne Rosita Fibbi a décrit le tableau des nouvelles migrations en Europe. En Suisse d’abord, le laisser-faire des années 60 a fait place à la politique restrictive mise en place des les années 70 sous la forme de quotas. Ce principe, qui se poursuit encore aujourd’hui, est confronté aux pressions du marché économique, marqué par une admission plus large, et aux pressions des milieux xénophobes. Or, la politique des années 90 tente de concilier les pressions internes au pays avec les mutations provoquées les flux migratoires internationaux. « Les politiques migratoires, qui s’inscrivaient traditionnellement dans un cadre et une perspective exclusivement nationale, sont de plus en plus inscrites tout en haut des agendas politiques internationaux », a souligné Rosita Fibbi.
En décrivant les modifications observées récemment, la sociologue fait remonter l’origine des nouvelles migrations à 1989, année qui correspond à l’effondrement de la division entre Est et Ouest. « Celui-ci a provoqué, selon des estimations, la migration d’environ 4 millions de personnes », soutient Rosita Fibbi. En même, l’pparition de guerres ethniques a jeté sur la route environ 5 millions de réfugiés d’ex-Yougoslavie, et également de Russie.
Pays d’immigration et d’émigration
Autre phénomène récemment observé par la sociologue de Lausanne: l’apparition de nouveaux pays d’immigration, comme l’Italie, la Grèce et l’Espagne, qui étaient traditionnellement des pays d’émigration. « Au point qu’on ne peut plus clairement distinguer pays d’immigration et d’émigration à l’intérieur de l’Europe », a lancé Rosita Fibbi. Par ailleurs, on assiste également à une augmentation de migrations brèves, « allant de personnes hautement qualifiées en passant par les demandeurs d’asile jusqu’aux clandestins ».
Les débats enflammés autour du contrôle des flux, qui conduisent souvent à une politique restrictive, ont accru la vulnérabilité des migrants tombant dans l’illégalité, qui sont notamment privés de l’assistance publique et constituent une proie pour l’exploitation de la main-d’œuvre, prévient la conférencière. Mais les migrants ne sont pas des objets passifs et développent des résistances par l’établissement de réseaux transnationaux. C’est ainsi que Rosita Fibbi explique le phénomène des diasporas.
Diminution des missions italiennes
Par ailleurs, lors de partie statutaire de l’assemblée annuelle, le directeur national de Migratio Urs Köppel a souligné qu’il y avait de moins en moins de migrants catholiques, mais toujours davantage d’étrangers de 2e ou 3e génération qui s’intègrent davantage dans les paroisses territoriales que dans les missions linguistiques. Ainsi, le rapport annuel signale une diminution des Missions catholiques italiennes, qui passent de 85 en 1999 à 69 l’an dernier, alors que 6 postes y ont été supprimés. Les autres missions linguistiques catholiques sont demeurées en nombre stable. On compte ainsi 135 Missions en Suisse, dirigées par 139 aumôniers à plein-.temps et 15 à temps partiel. (apic/bb)
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