Belgique: Gustavo Gutierrez pour les 575 ans de l’Université catholique de Louvain
Louvain-la-Neuve, 27 mai 2001 (APIC) La théologie de la libération est aussi actuelle que la pauvreté, estime Gustavo Gutierrez, père de cette théologie née de Concile Vatican II. Le théologien péruvien s’exprimait à Louvain-la-Neuve, la semaine dernière, pour les 575 ans de l’Université catholique de Louvain (UCL).
« Ce qui m’intéresse, ce sont les défis lancés à la réflexion théologique par la souffrance des pauvres » a lancé Gustavo Gutierrez au terme de deux journées d’échanges du colloque organisé par le Secrétariat de la Coopération internationale, des professeurs, des chercheurs et des étudiants ont dégagé les perspectives « coopération universitaire dans un monde globalisé. »
Il y a trente ans, le prêtre péruvien, formé à Louvain puis à Lyon, publiait à Lima « Une théologie de la libération ». L’ouvrage, signé par Gustavo Gutierrez, était neuf par son option de base et par sa méthode. Le théologien proposait une réflexion liée aux pratiques de solidarité avec les plus pauvres. Deux ans plus tôt, ce théologien né en 1928 avait publié en espagnol à Montevideo, et peu après en français à Bruxelles, un premier essai « Pour une théologie de la libération ». Gustavo Gutierrez présent à Louvain-la-Neuve a pu dire les défis que posait le troisième millénaire à la théologie de la libération dont il est le père.
Les pauvres au centre de l’Evangile
En ouverture de la réflexion au sein de la Faculté de Théologie de l’UCL, le professeur Maurice Cheza a relevé que l’Eglise latino-américaine avait pris le concile Vatican II (1962-1965) « très au sérieux ». Trois ans après le concile, en effet, les évêques latino-américains ont tenu une grande assemblée à Medellín en Colombie. Afin de traduire les grandes orientations du concile sur le continent sud-amércain. Les pasteurs prophètes du continent ont permis à l’Eglise universelle de redécouvrir que les pauvres occupaient le centre de l’Evangile et que, par conséquent, la théologie est au service de l’amour de Dieu envers les pauvres. « Enfin, a relevé le professeur Cheza, l’Amérique latine a montré à l’Eglise universelle l’intérêt d’une méthode théologique réaliste et pédagogique.
Il y a trois décennies, Gustavo Gutierrez définissait la théologie de la libération comme un « essai de réflexion, à partir de l’Evangile et de l’expérience d’hommes et de femmes engagées dans le processus de libération, en ce sous-continent de l’oppression et du pillage qu’est l’Amérique Latine ».
Analyse radicale du fonctionnement social
Historiquement, la théologie de la libération a connu une première période d’expansion, marquée par une grande créativité. Puis le courant s’est trouvé confronté à des difficultés diverses. Il a aussi dû se laisser interroger par des questions jaillissant de la vie, dont celles qui touchent la rencontre des cultures, des religions, de l’œcuménisme…. De nouvelles théologies sont aussi apparues: approche féministe, théologie noire ou indigène, sens de l’écologie…. Toutes ces théologies, a précisé Agenor Brighenti, prêtre brésilien, professeur de théologie à Florianopolis et à Mexico, « font écho à des questions cruciales et « subvertissent » la manière traditionnelle de voir l’unité de l’Eglise. Le problème est désormais de construire une communauté ecclésiale à partir des situations particulières ».
Même s’il en refuse la paternité unique, Gustavo Gutierrez a été un des principaux initiateurs de la théologie de la libération. Aujourd’hui, il ne la croit pas révolue, tout simplement « parce que la pauvreté et l’engagement des chrétiens pour la combattre sont toujours actuels »:
La complexité du monde de l’insignifiance
Gustavo Gutierrez invite à approfondir « la complexité du monde de l’insignifiance, de l’exclusion et de la pauvreté ». Il ne s’agit pas seulement d’une question d’argent, dit-il. Le problème a d’autres aspects, depuis la couleur de la peau jusqu’à la méconnaissance de la langue dominante, de la condition féminine et de tant d’autres situations de dépendance.
En deuxième lieu, « devant l’immensité des souffrances, il faut réaffirmer la possibilité de changer le cours des choses. On ne peut accepter le monde tel qu’il est », insiste Gustavo Gutierrez. « Or, si vous êtes engagé avec les victimes, ajoute-t-il, vous devez tenir compte des conflits. Il y a des gens qui croient que si vous parlez des conflits, c’est que vous les provoquez. Si Jésus avait refusé de soulever des problèmes délicats, il n’aurait pas été crucifié. » Gustavo Gutierrez plaide aussi pour la spiritualité. « Ce n’est pas une dimension secondaire du travail théologique, dit-il. Le théologien est d’abord quelqu’un qui s’efforce de suivre Jésus. » Parmi les expériences privilégiées, le prêtre de Lima cite celles « vécues par un peuple qui cherche à se libérer, en particulier l’expérience des martyrs ». (apic/cip/mjp)
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