« J’ai accepté de venir à Rome pour obéir au pape et au Christ »
Rome, 21 février 2001 (APIC) « Missionnaire sous le signe de l’universalité de l’Eglise, le cardinal Bernardin Gantin, âgé de 78 ans, est né à Cotonou au Bénin (alors, le Dahomey). Il a été le premier évêque africain, élu en 1956, et le premier cardinal d’Afrique noire à la tête d’un dicastère du Vatican. « Pour la première fois où le pape s’adressait à un Africain pour devenir lui aussi missionnaire à Rome, pouvait-on lui refuser? Non, j’ai accepté pour rendre service, et pour obéir au pape et au Christ », a-t-il déclaré dans une interview à l’agence Fides.
Après le Siège de Cotonou, Bernardin Gantin a eu des charges importantes à la Curie romaine: Secrétaire de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, Président des Conseils Pontificaux « Cor Unum » et « Justice et Paix », Préfet de la Congrégation pour les Evêques. Depuis 1993, il est Doyen du Collège des Cardinaux. Au mois de janvier dernier, il a présidé, comme envoyé Spécial du Pape, les cérémonies du Centenaire de l’évangélisation au Burkina Faso.
Fides: Qu’est-ce qu’un Cardinal, quels sont ses pouvoirs ? Comment avez-vous été appelé d’Afrique à Rome ?
B. Gantin: L’une des choses pratiques et sages qui a aidé le Concile Vatican II à s’établir, a été l’abolition du culte de la personnalité, pour ne mettre en relief que la personne de Jésus-Christ. C’est ce service auquel nous sommes où que nous soyons ; et le sens de notre vocation, le sens de notre mission, c’est Jésus-Christ. Moi, je ne suis rien du tout. J’ai été appelé à Rome il y a 30 ans. Quand le pape parle, c’est le Christ qui parle. Et puis, les missionnaires, qui sont chez moi depuis plus de cent ans, ont dit « oui » en venant de plusieurs pays, de différentes Eglises, en disant « oui » au Christ et au pape pour nous évangéliser.
Voilà pourquoi je suis là. Pour la première fois où le pape s’adressait à un Africain pour devenir lui aussi missionnaire à Rome, pouvait-on lui refuser? Non, j’ai accepté pour rendre service, et pour obéir au pape et au Christ. J’ai dit « oui » à l’image des premiers missionnaires qui ont accepté de venir nous évangéliser. Je ne suis pas cardinal pour me pavaner, pour un pays! Nous sommes rentrés dans l’universalité, dans la catholicité de l’Eglise : c’est plus important que le reste.
Fides: De Rome, quel regard posez-vous sur l’Eglise en Afrique?
B. Gantin: Quand on voit le panorama général, géographique, social, économique, politique, culturel de l’Afrique, ce dont l’Eglise en Afrique et l’Afrique elle-même ont besoin aujourd’hui, c’est d’abord la paix.
Sans la paix, rien ne peut se faire, rien ne peut naître, rien ne peut se développer. C’est pour cela que, à la naissance de Jésus, les anges ont dit: « Paix aux hommes de bonne volonté ». Si nous ne sommes pas des hommes de bonne volonté, c’est-à-dire des hommes qui ont au moins un minimum de foi dans la souveraineté de Dieu, dans la bonté de Dieu, nos affaires ne marcheront pas.
Ensuite, il faut l’unité. Nous nous réclamons de Jésus-Christ. Mais, en fait, sommes-nous unis? On parle en Europe surtout des protestants, des orthodoxes, des baptistes et des sectes qui parlent de Jésus-Christ. Quel Jésus-Christ? C’est une grande souffrance. Il nous faut aujourd’hui nous retrouver dans le Christ Jésus pour déposer toutes les choses secondaires qui nous séparent, et qui nous empêchent de nous rallier aux valeurs fondamentales, sur notre identité, sur notre vocation et sur notre avenir.
Si nous nous rabattions sur les vieilles choses, comme l’héritage ambigu de la colonisation, sur les choses qui n’ont pas porté de fruit, ce serait dommage. L’Africain est religieux. C’est cette disponibilité fondamentale à croire qui nous fait reconnaître un Etre transcendant auquel nous pouvons nous référer pour être nous-mêmes.
Vient ensuite le service. Nous sommes tous au service les uns des autres, et nous sommes tous au service de Dieu. Nous devons faire en sorte que le dessein de Dieu s’applique dans notre histoire . Aujourd’hui, les gens nous regardent, les autres cultures nous regardent. Par la foi en Jésus-Christ que nous professons, nous devons être un par Lui, et annoncer aux autres les valeurs que Jésus-Christ a apportées dans son Evangile.
Fides: Quelle place les laïcs occupent-ils dans l’Eglise ?
B. Gantin: Saint Augustin, qui est l’évêque africain le plus grand de tous, a eu ces paroles: « Nous sommes chrétiens pour être dans la société, dans la famille, un élément important. Cependant, nous sommes prêtres et évêques pour les autres. On n’est pas prêtre pour sa propre satisfaction ». C’est parce qu’il y a un peuple, une famille, une communauté, que le prêtre existe. Nous sommes au service du peuple de Dieu. S’il n’y avait pas de communauté, il n’y aurait pas d’évêques.
Ce peuple de Dieu, c’est le peuple des fidèles. C’est un nom qui est un honneur, car, être fidèle, c’est le nom que l’on vous donne quand vous avez la foi. Les fidèles, ce sont les laïcs. S’il n’y avait pas un père et une mère laïcs, si l’on n’avait pas des frères et des sœurs laïcs, on ne serait pas prêtre. C’est de cet ensemble que naît la vocation sacerdotale, qui est une vocation gratuite. Cela ne vient pas en raison du mérite de quelqu’un. Les laïcs ne doivent pas avoir de complexes, et ne doivent surtout pas chercher à faire ce qui est réservé au prêtre, en raison de sa vocation spéciale. Chacun doit rester à sa place dans la « partition », et doit avoir conscience qu’il a des responsabilités spécifiques, différentes, mais complémentaires. (apic/fides/bb)
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