APIC reportage

Cameroun: Les « miracles » de la prophétesse Mallah exaspèrent les autorités catholiques

Mallah ou l’Eglise catholique, il faut choisir

Martin Luther Mbita, pour l’agence APIC

Douala, 25 février 2001 (APIC) Prophétesse pour les uns, sorcière pour les autres, Yagaka Julienne, plus connue sur le nom de Mallah, est devenue la curiosité de la ville de Douala, et même de tout le pays. Mallah qui signifie en Bamiléké (une ethnie de l’ouest Cameroun), « la maman de tous », rassemble autour d’elle depuis deux ans plus de 10’000 adeptes, catholiques, protestants et musulmans, prêts à suivre ses conseils. Vu l’ampleur du phénomène, l’archevêque de Douala a récemment dénoncé l’attitude de cette femme qui « égare les enfants de Dieu ». Quiconque fréquente Mallah ne peut plus être admis aux sacrements, a-t-il dit. Il a d’ores et déjà décrété l’excommunion contre elle et certains de ses adeptes. Sans grande influence.

Les gens se rendent du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest pour assister à ses séances de prières durant lesquelles les possédés se sentent délivrés, les malades recouvrent la santé et celles qui n’avaient jamais conçu tombent enceintes. Cette femme suscite pour le moins la controverse à Douala. Mallah donne à ses fidèles des enseignements tirés du Décalogue (les dix commandements), qui accompagnent les prières chrétiennes traditionnelles comme le « Notre Père » ou « Je vous salue Marie.

Ses partisans sont convaincus qu’elle est une prophétesse. C’est le cas de cette jeune femme qui affirme: « Si on suit bien les conseils de Mallah, on reçoit la bénédiction de Dieu ». Elise, une autre adepte rencontrée à l’issue d’une séance, déclare pour sa part: « Moi, j’ai eu toute ma richesse chez Mallah. Je n’avais pas de mari et d’enfants, mais grâce à elle, j’ai eu un mari et un beau bébé. Je suis comblée ».

Mallah reçoit une majorité de femmes lors de ses séances Elle leur donne des enseignements basés sur des préceptes bibliques et leur demandent soumission à leur mari. Aux hommes, elle recommande d’aimer leurs épouses comme Jésus a aimé son Eglise. Elle n’hésite pas à invectiver les responsables de l’Eglise – évêques, prêtres – les accusant de traîner dans « la luxure et les plaisirs de la chair ».

Vive réaction de l’archevêque de Douala

Furieux de l’attitude de cette femme qui « égare les enfants de Dieu », le cardinal Tumi, archevêque de Douala est monté au créneau pour dénoncer les agissements de Mallah et mettre les fidèles catholiques en garde. Dans un message qu’il vient d’adresser à toutes les paroisses de Douala, Mgr Tumi déclare: « Entre le Seigneur ressuscité et les faux ’messies’, le choix est clair. Quiconque fréquente Mallah ne peut plus faire baptiser son enfant dans l’Eglise catholique, ni être sollicité comme parrain ou marraine. Et s’il fait partie du conseil paroissial, il doit démissionner. Il ne doit plus être admis aux sacrements. »

Mallah a balayé toutes les menaces de l’archevêque de Douala d’un revers de la main. Ses partisans vont même plus loin en déclarant que « le cardinal Tumi passera mais la parole de Dieu restera ». Face à la désobéissance de la « prophétesse » à l’encontre de son évêque, le cardinal Tumi a appliqué la sanction de l’excommunion. Mallah a été interdite de mettre les pieds dans toutes les paroisses de Douala. Quelques uns de ses partisans ont également subi le même sort.

Un acharnement incompréhensible pour les adeptes

L’attachement des adeptes à leur prophétesse est si fort que même les menaces du Cardinal Tumi ne leur font plus peur. Pour eux, Mallah a été envoyée par le Seigneur pour leur montrer le bon chemin. Ils ne comprennent pas pourquoi on s’acharne tant sur cette femme qui ne fait pourtant, aux dires de ses adeptes, de mal à personne. « Pourquoi la Vierge Marie, qui est apparue à des petits paysans à Fatima au Portugal et s’est confiée à une jeune Française à Lourdes ne pourrait-elle pas le faire à une Camerounaise? » A ceux qui ne voient en elle qu’une fausse prophétesse de plus – et ils sont de plus en plus nombreux dans le pays – un missionnaire européen vivant au Cameroun considère le phénomène Mallah comme « une spiritualité typiquement camerounaise ». Il espère que le clergé finira par l’observer avec plus de tolérance.

En dépit de toute cette incompréhension et de l’hostilité des prélats, Mallah n’entend pas créer une église à elle… Même des musulmans vont vers Mallah car pour elle, « Dieu est un et le même pour toutes créatures ». (apic/mbt/bb/pr)

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