France: l’Eglise catholique se penche sur le suicide des adolescents
Paris, 29 novembre 2001 (APIC) Chaque année mille jeunes se suicident en France. En nette augmentation depuis quelques années, le suicide des jeunes est lié à la dégradation des conditions familiales et sociales, estime le Comité épiscopal français dans son rapport publié mi-novembre. Le suicide représente la deuxième cause de mortalité. Le Comité épiscopal français pour la santé, a organisé un atelier avec des experts: médecins, psychiatres, psychologues et théologiens ont été invités à apporter leur éclairage sur ce problème inquiétant et tabou jusqu’à récemment.
Avec environ mille cas par an, le suicide des jeunes en France représente, après les décès par accident, la deuxième cause de mortalité des jeunes entre quinze et vingt ans. Chez ces jeunes, le nombre de tentatives qui ne cesse d’augmenter est dix fois supérieur à celui des suicides. D’après le Comité épiscopal français qui a enquêté, les garçons qui ont recours à des moyens plus violents, sont deux fois plus nombreux à mettre fin à leurs jours alors que ces dernières, font plus de tentatives de suicide.
Réalité intolérable
Chez les adultes, les causes de suicide sont difficiles à cerner. Dans la plupart des cas, elles sont souvent liées à un projet longuement élaboré. Chez les adolescents par contre, la tentative de suicide est liée à un cri de désespoir, à un appel pour trouver sa ligne de vie. L’acte suicidaire reste ambivalent, puisque le geste qui peut conduire à la mort procède d’une attente excessive de la vie.
Jusqu’à récemment, le suicide des jeunes était un sujet tabou estime le Comité épiscopal français. Ces dernières années, de nombreux efforts ont été réalisés auprès d’adolescents et de jeunes pour développer la prévention aussi bien dans le milieu éducatif que par des actions de santé publique. Depuis 1997, une Journée nationale de prévention du suicide est organisée par l’Eglise catholique.
Des points d’attention pour la prévention
Le danger serait grand de ne pas prendre au sérieux les comportements à risques, les conduites ou tentatives suicidaires des jeunes sous prétexte qu’elles ne se produisent qu’au moment de l’adolescence et de croire que cela va passer avec l’âge poursuit le Comité épiscopal français dans son rapport. Particulièrement vulnérables, les adolescents vivent de profondes ruptures avec les sécurités de l’enfance qu’ils viennent de quitter et connaissent de grandes frustrations.
Le suicide des jeunes est lié à la dégradation des conditions familiales et sociales, révèlent encore le rapport. « Les familles sont marquées par les divorces, les violences et l’inceste. Les problèmes sociaux rejaillissent sur les jeunes (angoisse de l’avenir, concurrence scolaire, peurs et exclusions) et sur la famille. Certains signes doivent inciter à la vigilance parce qu’ils peuvent révéler chez un adolescent un état de fragilité accrue. Ils sont de différents ordres: la persistance de difficultés scolaires ou de problèmes relationnels, l’agressivité et la violence, l’apparition de signes pathologiques fonctionnels tels que céphalées, douleurs abdominales, troubles du sommeil ou du comportement alimentaire, prise régulière de psychotropes ».
Pour le Comité épiscopal en charge de ce dossier, cet état de fragilité peut également s’exprimer par la consommation d’alcool, de drogue, la violence physique ou l’agression sexuelle (dont le jeune a été souvent victime), et la fugue qui doit être considérée comme l’équivalent d’un premier passage à l’acte. « Tous ces signes sont des messages de détresse adressés à l’entourage familial. En l’absence d’une prise en charge thérapeutique, le Comité épiscopal français estime que 30 % des jeunes suicidaires qui fuguent, récidivent dans l’année ».
Rôle des grands-parents et du milieu éducatif
Les enseignants et les éducateurs ont un rôle important à jouer dans le travail de prévention, souligne le rapport du Comité épiscopal français. Ils doivent détecter les signes de détresse et encourager les jeunes à se forger une identité. Ils doivent aussi aider les adolescents à retrouver l’estime d’eux-mêmes en valorisant leurs compétences pour donner un sens à leur existence. Pour aider ce temps de l’adolescence, « tous les moyens sont bons »: insistance sur le rôle des amis, des frères et s?urs, des grands- parents, parfois mieux acceptés au moment de l’adolescence que celui – pourtant irremplaçable des parents, multiplication des lieux où les jeunes pourront s’investir (clubs sportifs, orchestres, scoutisme…), valorisation de tout ce qui contribue à une véritable convivialité entre jeunes, mais aussi des jeunes avec les autres générations. Il est important que le temps des adolescents puisse rencontrer le temps des adultes. Mais, les parents doivent rester à l’écoute de leurs enfants et accepter de devenir « des alliés thérapeutiques » dans cette tâche d’éducation à la vie » en évitant de les étouffer.
Des chemins pour la foi
Face à cette situation, les chrétiens s’interrogent pour savoir comment contribuer aux efforts collectifs de prévention. Sur le plan spirituel, dit le rapport, « une éducation rappelant que la vie telle qu’elle nous est donnée est à recevoir avec reconnaissance, permet de développer une véritable attitude de responsabilité personnelle. Nul ne choisit son pays, sa famille, son sexe, ou son époque. Il faut accepter son existence malgré sa fragilité, mais en y découvrant le trésor qu’elle représente ».
Lorsqu’une personne s’est donné la mort, il est nécessaire, estime le Comité épiscopal, de réfléchir aux paroles et aux rites développés dans les célébrations religieuses. « Ces dernières années, l’attitude de l’Eglise a beaucoup changé. Elle tend à valoriser l’accueil des familles, des proches et des camarades tout en veillant à ce que la mort qui fascine trop souvent les jeunes, ne prenne pas une place excessive. Le suicide peut en effet devenir chez les jeunes un mal contagieux ».
. Quelques semaines avant sa mort, l’archevêque de Bordeaux Pierre Eyt rappelait que « chacun de nous vit quelque chose de difficile, qui conduit à la pensée de la mort ou de l’absence d’avenir. La bonne nouvelle intervient dans cette tentation du découragement. Elle nous permet de la dépasser, non sans une peine qui est à reprendre chaque jour ». Des paroles de cette nature sont nécessaires pour les jeunes. « Elles désignent en même temps un travail intérieur, porteur d’espérance. Dans leur effort de prévention, les croyants ne doivent pas craindre d’aller jusqu’à ce niveau de profondeur existentielle qui rejoint le risque de la foi, soulgien le Comité épiscopal.
Encadré
Suicide des jeunes en Suisse
En Suisse, s’il est difficile d’avoir des statistiques, on estime que pour une personne qui s’est suicidée, il y a dix tentatives. Elles sont plus nombreuses chez les jeunes, mais les méthodes utilisées sont moins violentes chez les femmes que chez les hommes. Tout comme en France, le suicide des jeunes représente la deuxième cause de mortalité après les accidents et les morts violentes.
Depuis 1997, la Fondation Charlotte Olivier stimule les échanges entre les différents partenaires de la santé. Pour améliorer la communication entre le grand public et le monde scientifique, politique et économique, cette Fondation installée à l’Université de Fribourg anime depuis le 24 mai 2000 un forum interactif sur Internet: « Médecine et société » sur le site www.unifr.ch/fco. Ce forum aborde comme premier thème les « Suicides chez les jeunes ». Quand un adolescent est confronté à ce problème et qu’il déprime, quand le désespoir s’installe, que peut-on attendre du monde médical, mais aussi des enseignants, des parents, des copains, etc ?
La Fondation Charlotte Olivier a interrogé des personnes de tous horizons qui, pour des raisons professionnelles ou personnelles ont trouvé des réponses concrètes à cette question. Le site en construction présente ces réponses. Il sera alimenté progressivement par les commentaires, questions et témoignages des surfeurs. La Fondation entend ainsi proposer un débat de qualité, large et pluraliste sur ce sujet inquiétant. (apic/sp/at)
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