Argentine: L’Uruguayenne Sara Mendez retrouve son fils Simon
Pierre Rottet, APIC
Fribourg/Montevideo, 21 mars 2002 (APIC) 26 ans après l’enlèvement de son fils Simon par des militaires dans le cadre du « Plan Condor », l’Uruguayenne Sara Mendez a retrouvé son fils. En 1976 à Buenos Aires, dans la tourmente de la dictature militaire, les tortionnaires arrachaient Simon, un bébé de 20 jours, des bras de sa mère. Sara avait depuis consacré sa vie à chercher fils unique. Elle l’a retrouvé mardi, après un test ADN.
Dans une interview accordée à l’APIC en juin 2001, Sara Mendez avait fait part de l’espoir de pouvoir vivre un jour ce bonheur. Cet épisode de l’histoire argentine rappelle qu’aujourd’hui, des centaines de « grands- mères de la Place de Mai » poursuivent inlassablement leurs protestations, à la recherche de leurs fils, leurs neveux et autres membres de leur famille, « disparus », ou volés par des militaires.
L’épilogue – un « happy end » dans ce cas – a été rendu possible grâce aux investigations conjointes de Sara Mendez et du sénateur uruguayen Rafael Michelini. Ce dernier étant à la recherche du corps de son père assassiné par les militaires en 1976. Sur la base d’indications apportées en octobre puis en décembre 2001, le sénateur et la mère de Simon sont remontés à la clinique où avait été abandonné le bébé de 20 jours, puis dans les bureaux d’un commissariat à Buenos Aires. C’est là que 26 ans plus tôt, un policier avait demandé sa garde provisoire, transformée ensuite en adoption légale. Le jeune Simon ignorait son adoption. Il a donné son accord pour un test ADN. « Je pense que le père adoptif ne savait pas qu’il était le fils de Sara Mendez, commente aujourd’hui à l’APIC Samuel Blixen, journaliste et écrivain uruguayen, qui a suivi cette affaire. « Il soupçonnait cependant qu’il était l’enfant d’un prisonnier politique de l’époque. Et comme bien peu en réchappaient. »
Le premier entretien téléphonique entre la mère et l’enfant a eu lieu le 3 mars. Une semaine après, tous les deux se rencontraient à Buenos Aires. Lorsque Simon a appris sa filiation, il a envoyé une lettre à sa mère naturelle: « J’ai été très heureux pendant ces 26 ans et je veux t’unir à mon bonheur », lui a-t-il écrit avant de la retrouver ces jours-ci à Buenos Aires. Le retour du fils auprès de sa mère intervient quelques jours avant le triste anniversaire du 24 mars 1976, moment où les militaires argentins choisirent d’imposer la plus sanglante des dictatures de l’histoire de ce pays.
Combat symbolique
L’histoire de Sara et Simon était devenue un symbole dans l’inlassable recherche des enfants enlevés à leurs parents emprisonnés pendant les dictatures en Argentine entre 1976 et 1983 et en Uruguay entre 1973 et 1985. Plus de 300 enfants, sans doute, sont concernés. 13 bébés uruguayens, « disparurent » de la sorte en Argentine. Seuls dix d’entre eux ont été retrouvés. Sara Mendez est la seule mère uruguayenne à avoir survécu à sa détention et à l’enlèvement de son fils Simon, lors d’une opération coordonnée dans le cadre de la sinistre « Opération Condor » menée par les dictatures militaires du Cône Sud dans les années 70. Le combat de cette mère personnifie la mémoire collective des années noires instaurées par les militaires. Des militaires formés à l’ »école des assassins » du Pentagone, appelée « Ecole des Amériques », toujours en service.
Un anniversaire particulier
Le jeune Simon fêtera ses 26 ans le 22 juin prochain. Sara avait cru l’avoir retrouvé une première fois il y a quelques années en la personne d’un jeune homme adopté par une famille uruguayenne. Pendant 15 ans, les militaires la laisseront délibérément suivre cette fausse piste. Jusqu’au jour où un test ADN démentira cet espoir.
Sara Mendez avait alors intensifié ses recherches, multipliant les voyages, les entretiens avec des dirigeants en Amérique et en Europe, les actions devant la justice, ouvrant une page sur internet, avant de voir ses efforts récompensés.
La fin d’un cauchemar
Le cauchemar de Sara Mendez a débuté dans le centre de torture tristement célèbre de Buenos Aires, Automotora Orletti, où Sara et Simon avaient été emmenés en juillet 1976. Dans ce centre opéraient des militaires argentins et uruguayens, en accord avec le « Plan Condor » mis au point par les dictatures sud-américaines pour éliminer leurs opposants.
Le 23 juillet 1976, Sara disparaissait dans l’enfer d’Orletti, transférée dans ce camp d’internement pour y être torturée. D’où par miracle elle ressortira vivante. Elle ne reverra plus son fils, enlevé par un commando et abandonné dans une clinique avant d’être conduit dans le commissariat en question. « J’ai été enlevée à mon domicile de Buenos Aires le 13 juillet 1976 par une douzaine d’hommes armés de pistolets et de mitraillettes, commandés par le major uruguayen José Gavazzo. J’avais alors 32 ans et un nourrisson de trois semaines. Je ne l’ai jamais revu », témoignait Sara dans nos colonnes, il y a moins d’un an. (apic/pr)
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