Suisse: Près de 40% des médailles Bene Merenti sont décernées à des Suisses

APIC – enquête

Fribourg et Sion, capitales mondiales des médailles Bene Merenti

Bernard Bovigny, de l’APIC

Fribourg, 22 mai 2002 (APIC) Créée par le pape Pie VII au début du 19e siècle pour récompenser la bravoure de ses policiers et soldats, la médaille pontificale du « Bon mérite » orne aujourd’hui les poitrines des chanteurs dévoués à l’Eglise depuis une quarantaine d’années. Mais la tradition n’est pas universelle. Sur les quelque 400 médailles Bene Merenti envoyées chaque année dans le monde par le Vatican, 140 arrivent en Suisse. Le diocèse de Sion et le canton de Fribourg, avec respectivement 54 et 46 remises par an, sont indéniablement les capitales mondiales des médailles « Bene Merenti ».

Henri Biland chante depuis 54 ans au choeur mixte paroissial de Marly, près de Fribourg. Il évoque volontiers ce jour de mai 1993 où il a reçu la médaille en même temps que son confrère Paul Genoud. « Cela représente pour moi une reconnaissance pour les bons services rendus à l’Eglise. Je garde de cette cérémonie un souvenir lumineux », confie-t-il. Actuellement, une douzaine de chanteurs, pour la seule paroisse de Marly, ont reçu cette distinction. Et ils sont 700 dans le canton de Fribourg, dont 175 dames, à faire actuellement partie de la Confrérie des médaillés Bene Merenti.

« J’ai commencé au choeur mixte à l’âge de 16 ans. L’instituteur, qui en était le directeur, m’y a entraîné. Mon père chantait, deux beaux-frères aussi. C’était pour moi tout naturel d’en faire partie », affirme Henri Biland pour expliquer le choix de cet engagement. A l’époque, et bien longtemps après, ceux qui voulaient s’engager au service de l’Eglise n’avaient pas beaucoup d’autres choix que de chanter à la messe. Ce qui explique pourquoi la grande majorité des médaillés se trouvent dans les rangs des choeurs d’église.

Près de 95% des médaillés sont des chantres

Selon Fernand Bussard, archiviste à l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg depuis 1976, la proportion des chantres parmi les médaillés approche les 95%. « Les autres sont à chercher parmi les sacristains et autres fidèles serviteurs de l’Eglise », affirme-t-il. Le règlement d’attribution du diocèse précise d’ailleurs que les médailles Bene Merenti ne sont pas données pour les ministères de catéchiste et de lecteur. « Ni pour les assistants pastoraux, car ils entrent dans l’institution ».

Depuis quand remontent les remises de médailles en Suisse? Fernand Bussard, qui collectionne les documents comme d’autres les timbres-poste ou les couvercles de pots à crème, avec minutie et passion, a retrouvé une lettre de 1933 dans laquelle Mgr Besson « humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté », demandait au pape « d’accorder à un fidèle serviteur la médaille BENE MERENTI ». Le serviteur en question était un « brave homme » de Torny-le-Grand qui « remplit depuis 69 ans les fonctions de chantre d’église ». C’est la première trace d’une remise de médaille dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg.

Une tradition qui s’est développée avec le Concile

La tradition s’est fortement développée dès les années 60, avec le Concile de Vatican II. « C’est à ce moment-là que les choeurs d’église se sont structurés et regroupés en association. Voilà la raison principale de cette popularisation des médailles dans les cantons catholiques marqués par la tradition du chant d’église », pense Gérald Kaeser, directeur de la Chanson du Moulin à Neyruz et auteur d’un mémoire sur « La musique au service de la liturgie ». Jean-Claude Crivelli, directeur du Centre romand de liturgie à Bex, souligne que « les années 60 correspondent aux regroupements des paroisses en décanats et secteurs. Les chorales ont suivi le mouvement en organisant les fêtes céciliennes dans les décanats. On a vu à cette époque l’apparition de la Fédération des chorales du Valais romand ».

Selon les chiffres énoncés par Mgr Ettore De Marinis, de la Secrétairie d’Etat du Vatican, 9’500 médailles Bene Merenti ont été distribuées dans le monde depuis le début du pontificat de Jean Paul II, en 1978. En près de 24 ans, cela représente environ 400 médailles par année. « Elles arrivent en grande majorité en Europe et en Amérique du Nord », souligne Mgr De Marinis. En fait, les diocèses suisses reçoivent la part du lion: plus de 140 par an, soit une proportion de 40%.

Un quart des médailles sur Fribourg et le Valais

Le Valais et Fribourg, parties romande et alémanique confondues, connaissent la plus forte tradition de remises de ces médailles. Dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, les statistiques tenues par Fernand Bussard permettent de constater que depuis 1989, le canton de Fribourg a reçu entre 7 et 74 médailles par année, avec une moyenne de 46. Cela représente 11,5% des médailles au niveau mondial, et 85% de celles du diocèse. Autant dire que les autres cantons se partagent les miettes: 5 par an sur Vaud (la plupart dans le district catholique d’Echallens), 2 sur Genève et une en moyenne sur Neuchâtel.

Les chiffres énoncés par le diocèse de Sion révèlent que 592 médailles ont été remises à des Valaisans ces 11 dernières années. Ce qui représente une moyenne de 54 par an, soit 13,5% au niveau mondial. Au total, le quart des médailles envoyées par le Vatican arrivent en Valais et dans le canton de Fribourg.

Dans les autres régions de Suisse, la tradition est beaucoup moins courante. L’immense diocèse de Bâle, qui comprend 9 cantons, remet chaque année près de 30 médailles, dont une bonne moitié dans le Jura pastoral, région francophone et traditionnellement catholique. Le diocèse de Coire en reçoit environ 20, et celui de Lugano à peine deux. « Elles sont rarement remises à des chanteurs, plutôt à des personnes qui ont accompli des loyaux services, comme des sacristains. Et le nombre d’années n’est pas déterminant », précise-t-on à l’évêché de Lugano.

Cette concentration de médailles Bene Merenti dans les cantons catholiques romands s’explique notamment par la tradition d’art choral qui s’y est développé. Par ailleurs, les diocèses alémaniques, tout comme la France, ont pris l’option de favoriser la distinction épiscopale, qui intervient en général après 25 ans d’activité. De façon, pour les paroisses, de simplifier les démarches administratives et d’éviter des frais supplémentaires? (bb)

Récompenser la bravoure militaire et policière

L’Annuaire pontifical de 1902 fait remonter à Pie VII, en 1814, l’initiative d’accorder des récompenses sous forme de médailles. Lorsque le pape rentra, en 1814, dans ses Etats qui venaient d’être incorporés durant 6 ans à l’empire napoléonien, il y rencontra un brigandage important. Pour stimuler sa police dans le combat de ce fléau, il institua une médaille ou décoration spéciale, portant la tiare pontificale, pour les agents les plus méritants. Pie VII institua également une médaille pour la valeur militaire. Ces décorations sont à l’origine des médailles Bene Merenti.

C’est au pape Grégoire XVI que revient la restauration des médailles à accorder « pour la récompense du courage civil et militaire ». Nommées « médailles du mérite », elles ont été instituées en 1832. Celles destinées à la valeur militaire représentaient d’un côté le Souverain pontife et de l’autre un ange portant un parchemin où il est écrit « BENEMERENTI ». Elles étaient surmontées d’une tiare et des clés du Saint-Père. Les médailles réservées aux mérites civils portaient au centre le mot « BENEMERENTI » entouré d’une couronne de chêne. Elles étaient suspendues à un ruban aux couleurs pontificales jaune et blanc. Ces médailles civiles ont été largement distribuées aux Romains qui ont combattu l’épidémie de grand choléra en 1836.

Une récompense aux troupes françaises et pontificales

Pie IX a fait frapper la médaille dite de Mentana pour récompenser les troupes françaises et pontificales qui avaient combattu à Ferrera, Bologne et Vicenza en 1848, ainsi que pour les soldats qui lui sont restés fidèles en 1849. Puis Léon XIII institua en 1888 une nouvelle décoration pour récompenser le dévouement des fidèles durant l’exposition vaticane, où étaient présentés les objets donnés au pape à l’occasion de ses 50 ans de sacerdoce. La médaille, portant effigie du pape, était d’or, d’argent ou de bronze. Sur son côté face était inscrit la mention « PRO ECCLESIA ET PONTIFICE » entourant les insignes du Vatican. Elle sera par la suite remise à d’autres catholiques méritants, pour les services rendus à la cause pontificale.

C’est en 1901, toujours sous le pontificat de Pie IX, qu’apparaissent les premiers noms de bénéficiaires: Paul Feron-Vrau, directeur de « La Croix », l’abbé Masquelier, rédacteur du même journal et Eugène Veuillot, directeur de « L’Univers ». Puis le custode de Terre sainte, le Père Frediano Gianni, a reçu en 1901 un décret du pape le chargeant de conférer une décoration spéciale aux pèlerins de Terre sainte.

Pie X a créé en 1910 une médaille Benemerenti spécialement destinée aux militaires, et Pie XI institua en 1925 deux médailles spéciales pour ceux qui avaient oeuvré à l’Exposition missionnaire et à la célébration de l’Année sainte.

Depuis les années 30, des évêques, en majorité européens et nord- américains, ont requis auprès du Vatican des médailles pontificales à l’intention de fidèles méritants de leur diocèse.

Dans le cadre de la curie romaine, la médaille « Bene Merenti » est remise aux religieux ayant passé plus de 5 ans au service de Saint-Siège et qui ne peuvent pas recevoir le titre de « Monseigneur » contrairement aux prêtres séculiers. Par ailleurs, une trace de l’origine militaire subsiste au Vatican: les membres de la Garde suisse pontificale reçoivent la médaille « Bene Merenti » après trois ans de bons et loyaux services. BB

Encadré

Depuis 1978 avec une représentation du Christ

La médaille a actuellement la forme d’une croix crénelée en losange. Elle est ornée dans sa verticale d’un Christ bénissant. A sa gauche sont gravées les armes et la devise de Jean Paul II, et à sa droite les clefs croisées, armes du Saint-Siège, surmontées de la tiare de Paul VI. La médaille mesure 5 cm en hauteur et en largeur. Elle est suspendue à un ruban jaune et blanc, couleurs officielles du Saint-Siège.

C’est en 1978, « l’année des trois papes », que la figure du pape en fonction a été remplacée par une représentation du Christ. Afin d’éviter de trop nombreux changements?

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