Inquiétudes pour les titres fragiles
De notre correspondant Jean-Claude Noyé
Paris, 5 septembre 2002 (APIC) Le rachat de 30 % des actions du groupe des Publications de la Vie catholique (PVC) par le groupe « Le Monde » intervient peu de temps après la vente par « Vivendi Universal » à la « Socpresse » (groupe Hersant) du groupe « L’Express-L’Expansion ». Le personnel des PVC s’est prononcé en faveur de cette prise de participation. Non sans inquiétudes sur la stratégie du groupe « Le Monde » envers les titres les plus fragiles comme l’hebdomadaire « La Vie ».
Le conseil de surveillance du groupe des Publications de la Vie catholique a approuvé le 3 septembre l’entrée du groupe « Le Monde » à hauteur de 30% dans son capital. « Le Monde » est désormais le premier actionnaire de ce groupe éditeur d’une vingtaine de titres, dont les hebdomadaires « La Vie » et « Télérama ». La presse est le coeur du métier de PVC. Ce groupe est également présent dans l’édition via les libraires « La Procure » et la maison d’édition « Desclée de Brouwer ». Il a par ailleurs développé une importante activité dans le domaine des services, avec notamment la filiale « Presse Informatique », première sur le marché français de la gestion informatique des abonnements.
Pour effectuer cette prise de participation, « Le Monde » a déboursé 27 millions d’euros. Le groupe PVC a donc été valorisé à hauteur de 90 millions d’euros. Un montant bien inférieur à sa valeur réelle, selon certains, car le chiffre d’affaires du groupe s’élevait en 2001 à 300 millions d’euros pour un résultat net après impôt de 2,5 millions d’euros. Le montant total de ses dettes s’élève à 8 millions d’euros alors que sa trésorerie est positive à hauteur de 30 millions d’euros. « Le Monde » met donc la main sur un groupe financièrement rentable et poursuit sa politique de diversification et d’agrandissement, après le rachat du « Courrier International », le lancement du mensuel « Le Monde » 2 et, à terme, un échange de participation capitalistique minoritaire entre le Nouvel Observateur (premier titre de la presse magazine française avec 510’000 exemplaires).
L’approbation du personnel et le respect des valeurs humanistes-chrétiennes
Les représentants des trois associations du personnel, propriétaires de 18 % des actions de PVC, ont voté pour l’entrée du « Monde » dans le capital des PVC après que les salariés s’y soient montrés favorables à une large majorité (71,57%). Le président du directoire du Monde, Jean-Marie Colombani, s’est pour sa part engagé par écrit à respecter l’indépendance du groupe des PVC, ses valeurs humanistes-chrétiennes ainsi que le maintien de son actionnariat salarié et de son unité. Ce dernier point est important car les rédactions de la filiale « Malesherbes » Publications, qui regroupe les titres confessionnels (« La Vie », « Prier », « Actualité des Religions », « Les Clés de la foi ») redoutaient que « Le Monde » soit plus intéressé par l’hebdomadaire « Télérama » – affaire très rentable avec plus de 500’000 abonnés et un chiffre d’affaires de 81 millions d’euros en 2000 – que par le magazine « La Vie ». La diffusion payée de ce dernier a en effet chuté de 42 % en 20 ans (1979 -1999) et en 2000 il enregistrait un déficit de 10 millions de francs (1,5 million d’euros) qui avait conduit ses dirigeants à procéder à une réduction des coûts via la suppression de 10 postes.
Quel avenir pour « La Vie »?
Le groupe des PVC a fait un gros effort financier pour lancer en avril 2001 une nouvelle formule de « La Vie », dans l’espoir d’élargir sa diffusion auprès d’un public plus jeune. Mais ces efforts ne sont pas encore payés en retour et l’incertitude pèse sur l’avenir de ce titre auquel les actionnaires vendeurs restent très attachés. A commencer par les héritiers du fondateur de « La Vie », Georges Hourdin, actionnaires majoritaires jusqu’à la prise de participation du Monde.
Selon les accords signés, le groupe « Le Monde » ne peut pas posséder plus de 30 % du capital des PVC pendant trois ans. Il devrait ensuite devenir majoritaire. Quelle sera alors sa conduite vis-à-vis des titres déficitaires? Qu’en sera-t-il de son lourd endettement, estimé au 31 décembre 2001 à 80 milliards d’euros.
La stratégie de Jean-Marie Colombani sera-t-elle payante ? Ce dernier parie sur la construction à court terme d’un grand groupe de presse français pesant 1 milliard d’euros. Donc capable de faire face à « Socpresse » (groupe Hersant) qui vient de racheter le groupe « L’Express-L’Expansion » (15 titres de la presse magazine). Capable également de passer des alliances stratégiques avec de grands groupes de presse européens comme « El Païs » (Espagne), « The Independant » (Grande-Bretagne) ou « La Repubblica » (Italie). Anticipation visionnaire? Ou fuite en avant, comme l’estiment les détracteurs du directeur du « Monde » prompts à le comparer au « Jean-Marie Messier de la presse écrite »? Autant de questions qui agitent aujourd’hui les salariés du groupe des PVC. (apic/jcn/sh)
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