13 ans de détention sous le régime communiste vietnamien

Rome: Décès du cardinal Nguyên Van Thuân, président du Conseil pontifical Justice et Paix

Rome, 17 septembre 2002 (APIC) Le cardinal vietnamien François-Xavier Nguyên Van Thuân, président du Conseil pontifical « Justice et Paix » et ancien archevêque de Saigon, est décédé à Rome dans la soirée du 16 septembre 2002. Le prélat, âgé de 74 ans, avait passé 13 ans de détention sous le régime communiste vietnamien. Il a succombé des suites d’une tumeur qui le faisait souffrir depuis longtemps.

Connu pour sa simplicité et sa proximité avec Jean Paul II – la rumeur en faisait même un « papabile » – le prélat vietnamien a particulièrement marqué son entourage à la curie romaine. Le cardinal Nguyên Van Thuân est décédé à la clinique Pie XI où il avait été amené à la suite d’une grave opération à l’estomac. Originaire du Vietnam, il était en fonction à Rome depuis le mois de septembre 1991, date à laquelle le gouvernement de Hanoi lui avait fait savoir que sa présence dans son pays n’était plus désirable.

Arrestation lors de la prise de Saigon par les forces communistes

Né le 17 avril 1928 à Phu Cam, une très vieille paroisse de l’ancienne ville impériale de Huê, au Vietnam, le cardinal Van Thuân a passé treize années dans les prisons communistes vietnamiennes, de 1975 à 1988. Le cardinal était l’aîné d’une famille de huit enfants et le neveu du premier président de la République du Sud-Vietnam, Ngo Dinh Diem.

Après des études au petit puis au grand séminaire de sa ville d’origine, il fut ordonné prêtre en juin 1953. Il poursuivit des études de droit canon à Rome où il se forma à un certain nombre de courants spirituels et apostoliques qui se faisaient jour en Europe à cette époque. A son retour dans son diocèse, il y travailla un temps à la formation des prêtres, puis, le 24 juin 1967, fut nommé évêque du diocèse de Nha Trang.

Lorsqu’il fut arrêté ­ sans aucune accusation spécifique et sans procès -, le 15 août 1975, il était évêque depuis huit ans, réputé pour son zèle apostolique, et venait de quitter son premier diocèse de Nha Trang pour devenir évêque coadjuteur de Saigon. Cette nomination fut refusée par le nouveau pouvoir qui venait de conquérir Saigon, bientôt rebaptisée Hô Chi Minh-Ville. Une semaine avant que Saigon ne tombe entre les mains des forces communistes, il avait été nommé par le Saint-Siège archevêque coadjuteur de l’ancienne capitale du Vietnam du Sud.

Persona non grata, il prend le chemin de l’exil

Convoqué au palais de l’Indépendance par les nouvelles autorités, il est ramené manu militari dans son diocèse où il est placé en résidence surveillée dans la petite paroisse de Cây Vong. Ce fut le début d’un long internement qui dura treize ans, au cours duquel il a connu, en 1976, le cachot de la prison de Phu Khanh, puis le camps de rééducation de Vinh Phu au Nord-Vietnam, la résidence surveillée dans la petite communauté chrétienne de Giang Xa, et enfin les locaux de la Sûreté de Hanoi. Lorsque son internement prend fin le 21 novembre 1988, il n’a pas le droit de rejoindre son poste d’archevêque coadjuteur à Hô Chi Minh-Ville et est assigné à résidence dans les bâtiments de l’archevêché de Hanoi.

Lors d’un séjour à Rome en septembre 1991, il apprend que le gouvernement ne souhaite pas son retour au pays. Il reste donc à Rome, où il est nommé en 1994 vice-président du Conseil pontifical « Justice et Paix ». Le Saint-Siège renonçait ainsi à maintenir Mgr Thuân à son poste de coadjuteur de Hô Chi Minh-Ville. Il succède en juin 1998 au cardinal français Roger Etchegaray comme président du même Conseil.

A ce poste, c’est lui qui est chargé de superviser les travaux du Saint-Siège sur la question de la dette internationale des pays pauvres, et de préparer la future édition d’un « catéchisme de la doctrine sociale de l’Eglise catholique », dont la sortie est prévue avant la fin de l’année 2002.

En mars 2000 par ailleurs, le prélat est chargé de prêcher la retraite de carême de la curie romaine, en présence du pape. Ses prédications, rassemblées ensuite dans un livre intitulé « Témoins de l’espérance », racontent sous la forme de témoignages, quelques moments de ses années d’emprisonnement, et les difficultés qu’il connaissait alors quotidiennement pour la pratique de sa foi.

Un esprit libre

Un an plus tard, il est créé cardinal par Jean Paul II, lors du consistoire de février 2001. Interrogé par la correspondante d’APIC le jour même de sa création, il confie que pour lui, « être nommé cardinal est l’occasion d’avoir plus d’initiative et de courage au service de l’Eglise ». « Etre fidèle au pape ne veut pas forcément dire se contenter de l’approuver. Cela peut être au contraire, savoir lui dire, personnellement et avec liberté, son avis sur tel ou tel point ».

A l’époque, le prélat est déjà malade. Atteint d’une tumeur, il doit être opéré quelques mois plus tard à Boston aux Etats-Unis, puis une nouvelle fois en mai dernier. A chaque fois, avant son départ pour l’hôpital, il demandait à ses collaborateurs de prier particulièrement pour lui. Il était proche d’eux et laisse derrière lui le souvenir d’un homme de prière, de simplicité et de courage.

En mars 2000 par ailleurs, Mgr Van Thuân est chargé de prêcher la retraite de carême de la curie romaine, en présence du pape. La raison de ce choix est soulignée par le pape dans une lettre de remerciement où il révèle qu’il a souhaité qu’au cours du grand Jubilé une place particulière soit donnée au témoignage « des personnes qui ont souffert en raison de leur foi… ». Ses prédications, rassemblées ensuite dans un livre intitulé « Témoins de l’espérance », racontent sous la forme de témoignages, quelques moments de ses années d’emprisonnement, et les difficultés qu’il connaissait alors quotidiennement pour la pratique de sa foi.

Résistance spirituelle héroïque: la croix camouflée dans un morceau de savon

Pendant ses treize années de prison, Mgr Van Thuân écrit ses pensées spirituelles sur des feuilles qu’il fait passer clandestinement aux fidèles de son diocèse, et qu’un enfant recopie sur un cahier d’écolier. Elles ont été rassemblées plus tard dans un livre traduit en plusieurs langues, et diffusées dans le monde entier sous le titre « Sur le chemin de l’espérance ». Autre symbole de ces années de souffrance, il portait sur sa poitrine une croix en bois recouverte d’un peu de métal, qu’il avait autrefois fabriquée de ses mains en prison, en cachette de ses geôliers, puis dissimulée dans un bloc de savon.

Avec la mort du cardinal vietnamien, le collège cardinalice ne compte plus que 116 cardinaux électeurs, susceptibles d’être élus pape en cas de conclave. Par ailleurs, le Vietnam ne compte plus qu’un seul cardinal, le cardinal Paul Joseph Pham Dinh Tung, aujourd’hui âgé de 83 ans. Mgr François Xavier Nguyên Van Thuân était le quatrième cardinal, par ordre chronologique, de l’histoire de l’Eglise du Vietnam.

(apic/imedia/eda/be)

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