Bilan du cardinal Mayer un an après le schisme d’Ecône (290689)

APIC – Interview

« Travailler en faveur de l’unité de l’Eglise »

Rome, 29juin(APIC) Un an après le schisme d’Ecône, le fossé entre le Vatican et les fidèles de Mgr Lefebvre – dont l’un des évêques, Mgr Tissier

de Mallerais, a ordonné jeudi 29 juin à Ecône huit nouveaux séminaristes

étrangers – ne fait que s’agrandir, estime le cardinal Augustin Mayer, 78

ans, dans une interview accordée à l’agence APIC. Président de la Commissions pontificale Ecclesia Dei chargée de l’accueil des traditionalistes

qui ont quitté Mgr Lefebvre, le cardinal Mayer dresse le bilan un an après

l’institution de cette Commission et l’excommunication de Mgr Lefebvre.

« Notre Commission rencontre pas mal de difficultés », reconnaît le cardinal Mayer. Une collaboratrice, qui travaillait déjà auparavant dans les locaux aujourd’hui occupés par la Commission lui a fait un jour la réflexion:

« Avant, on avait des roses. Maintenant, on n’a que des épines ».

Selon le cardinal Mayer, une vingtaine de prêtres et sans doute autant

de séminaristes ont quitté la Fraternité St-Pie X fondée par Mgr Lefebvre.

En outre, quelques communautés qui étaient proches du mouvement schismatique s’en sont séparées. La réintégration la plus spectaculaire a été celle

de la cinquantaine de moines bénédictins traditionalistes du monastère

Sainte-Madeleine du Barroux (Vaucluse, France). Avec la nouvelle abbaye du

Barroux, une autre communauté contemplative, du Barroux également, s’est

ralliée : Notre Dame de l’Annonciation, qui compte 34 religieuses. En automne dernier, la Fraternité de Saint-Vincent Ferrier, d’inspiration dominicaine, dirigée par le P. Louis Marie de Blignières, avait déjà été érigée

en Institut de vie consacrée de droit pontifical. Le 2 décembre dernier,

cinq de ses membres ont été ordonnés prêtres.

Les communautés qui sont plus ou moins en voie de régularisation sont en

France: les Dominicaines de Saint-Esprit, dans le diocèse de Vannes et la

communauté « La Sainte Croix de Riaumont », dans le diocèse d’Arras. D’autres

groupes plus incertains pourraient également faire le pas, comme les « Servants of the Holy Family » ou les « Missionary Sisters of Our Lady of the

Prairies » aux Etats-Unis.

« Pas assez d’informations aux évêques »

En Allemagne, à Wigratzbad, où l’on accueille des anciens lefebvristes

repentis, il y a actuellement 32 séminaristes. Mais, ajoute le cardinal

Mayer, « il y a de nombreuses autres demandes, surtout en provenance

d’Amérique du Nord ». Et le président de la Commission Ecclesia Dei de poursuivre: « Bien sûr, il y a encore à travers le monde de nombreux autres

prêtres et mouvements traditionalistes et des groupes de différentes espèces dont les contours ne sont pas toujours clairs. C’est une source de difficultés dans les rapports entre la Commission et les évêques locaux. Nous

avons sans doute commis des erreurs, au début, en ne demandant pas assez

d’informations aux évêques ».

« Celebret » ou non?

Depuis sa création, c’est la Commission Ecclesia Dei qui accorde aux

prêtres traditionalistes l’autorisation de célébrer la messe selon l’ancien

missel d’avant le Concile Vatican II, missel dont la dernière édition date

de 1962. Cette autorisation s’appelle, au Vatican, un « celebret ». « Nous

avons reçu de nombreuses demandes de « celebret », dit le cardinal Mayer, y

compris de la part de jeunes prêtres. Moyennant cette autorisation, la messe peut être célébrée selon le rite d’avant la réforme liturgique. Mais si

la célébration est publique, il faut obtenir l’accord de l’évêque du diocèse concerné.

« En fait, souligne le cardinal Mayer, la Commission préférerait que ce

soient les évêques eux-mêmes qui donnent les autorisations, les « celebret ».

Nous n’aimons pas les donner nous-même, puis en informer les évêques après

coup. Ce qui provoque toujours des difficultés. Bien que nous n’y soyons

pas obligés, nous préférons donc, désormais, nous adresser directement à

l’évêque. D’autre part, il faut aussi suivre la volonté du pape, exprimée

dans un document (« motu proprio ») du 2 juillet 1988. Les Eglises locales, y

dit-on, donc les diocèses, sont tenus d’offrir aux fidèles comme aux

prêtres la possibilité d’avoir des messes célébrées selon le rite d’avant

le Concile Vatican II. Or, beaucoup de prêtres se plaignent de n’avoir pas

reçu l’autorisation nécessaire. Ils disent même que le fait de la demander

les rend suspects ».

« Il faut donc distinguer selon les situations. Certains n’ont vraiment

rien contre le Concile Vatican II et, parmi eux, plusieurs n’ont jamais eu

de contacts avec Mgr Lefebvre. Ils désirent vivre, travailler et prier en

communion avec l’évêque de leur diocèse et avec le pape. Mais ils se sentent, pour diverses raisons, liés à une forme particulière de la tradition

liturgique latine. Dans ce cas, le « celebret » est accordé. Tout autres sont

les cas de ceux qui ont des conceptions fanatiques, des attitudes floues et

qui critiquent leur propre évêque ».

Stratégie oblige

Le 16 mai dernier, les présidents des Conférences des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles, de Suisse, de France et d’Allemagne fédérale,

ont rencontré le pape à propos des attitudes à adopter face aux traditionalistes. Les quatre présidents avait alors estimé que la Commission Ecclesia

Dei ne tenait pas assez compte des évêques locaux et qu’on courait le risque de favoriser la création d’une Eglise parallèle. « Je le reconnais une

fois encore, déclare à ce propos le cardinal Mayer. Nous n’avons pas suffisamment pris la peine, au début, de consulter les évêques. Aujourd’hui,

nous le faisons volontiers ».

« Mais, d’autre part, il ne serait pas juste de refuser à priori toute

autorisation. On ne ferait qu’alimenter la propagande de Mgr Lefebvre qui

reproche tantôt à Rome de n’avoir pas agi de manière sérieuse, tantôt aux

évêques de n’avoir pas suivi Rome ».

D’ailleurs, précise le cardinal Mayer, « en se fondant sur divers

témoignages, là où un évêque accorde l’autorisation nécessaire aux traditionalistes fidèles qui le demandent, la propagande de Mgr Lefebvre n’a

pratiquement pas de succès. Mais nous recevons aussi des plaintes de personnes à qui l’on a refusé les autorisations. Nous attendons encore un peu,

disent ces personnes. Elles ajoutent: « Nous commençons à nous demander si

nous avons bien fait de couper les ponts avec Mgr Lefebvre! ».

« Nous sommes donc ouverts, poursuit le cardinal Mayer, quoiqu’en disent

les critiques qui montent en épingle tel ou tel cas comme s’il s’agissait

de la règle générale. Nous comptons aussi sur des positions judicieuses des

évêques, pour ne pas créer de confusion chez les fidèles. En fait, il y a

deux options possibles. Dans tel diocèse, l’évêque désigne un lieu de culte

particulier qui est réservé à la célébration selon l’ancien missel. Dans un

autre diocèse, l’évêque choisit un lieu de culte, où la messe est habituellement célébrée selon la réforme liturgique, mais y prévoit une plage horaire pour une messe selon le rite préconciliaire. Ce qui montre bien qu’il

n’y a pas deux Eglises parallèles ».

« Travailler en faveur de l’unité n’est pas malhonnête

Du côté de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre et dirigée aujourd’hui

par l’abbé Franz Schmidberger, le travail de la Commission Ecclesia Dei est

très mal vu. « Pour nous diviser, le Vatican fait un travail malhonnête! »,

dit-on. A quoi le cardinal Mayer répond: « Il ne me semble pas malhonnête de

travailler en faveur de l’unité de l’Eglise. D’ailleurs, ajoute-t-il, tout

notre travail se fait au grand jour. Et notre action n’est dirigée contre

personne ».

Il n’empêche que le fossé entre le Vatican et Mgr Lefebvre s’élargit de

mois en mois. « Les positions de Lefebvre n’ont cessé de se durcir, explique

encore le cardinal Mayer. Je l’ai rencontré deux fois en tant que secrétaire de la Congrégation du Vatican pour les religieux. Un jour, il m’a dit

qu’il acceptait le Concile Vatican II à 90%. Aujourd’hui, il est entièrement contre le Concile. Son opposition ne porte pas seulement sur la réforme de la liturgie, mais aussi sur des positions plus profondes, qui concernent la conception même de l’Eglise et de la tradition. Ce qui rend la

réconcilation beaucoup plus problématique. (apic/cip/jt/pr)

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