Echec de la campagne « Shared Values »: C. Beers prend la porte
Washington, 10 mars 2003 (Apic) La suspicion généralisée dont sont victimes les musulmans depuis les attentats du 11 septembre ne peut être effacée à coups de millions de dollars. Les 15 millions de la campagne gouvernementale américaine « Shared Values » (valeurs communes) n’ont servi à rien. La propagande visant à donner une image idyllique de la situation des 7 à 8 millions de musulmans vivant aux Etats-Unis a fait long feu. Et le cerveau de l’opération, Charlotte Beers, prend la porte.
Les clips vidéo produits par Charlotte Beers, nommée sous-secrétaire d’Etat chargée de la diplomatie publique après les attentats du 11 septembre, ont suscité des réactions hostiles au sein des populations ciblées. Plusieurs pays arabes ont même refusé de diffuser les spots de propagande sur leurs chaînes publiques.
Bataille pour la conquête des esprits dans le monde arabo-musulman
L’un des fleurons de la campagne, le site internet « opendialogue.org », est édité en anglais, en arabe et en français, mais également en plusieurs autres langues parlées dans les pays musulmans. Son contenu est « fourni et garanti » par le CAMU (Council of American Muslims for Understanding
, une organisation fondée en mai 2002) et le Département d’Etat américain (Ministère des Affaires étrangères). L’objectif de communication d’ »opendialogue.org » est de montrer la vie quotidienne de « véritables citoyens américains membres de la communauté musulmane », peut-on lire sur le site internet du Département d’Etat. Il s’agit de « tenter de combler le manque de compréhension entre les Etats-Unis et le monde musulman ».
Depuis plusieurs mois, le site semble « mort »: les dernières actualités datent de la fin du ramadan. Pourtant, la diplomatie publique de Charlotte Beers, ancienne patronne de deux des plus grandes agences mondiales de publicité – J. Walter Thompson et Ogilvy & Mather -, aurait dû aider à gagner la bataille pour la conquête des esprits dans le monde arabo- musulman. L’opinion de la rue y est très hostile aux plans d’attaque américano-britanniques contre l’Irak.
Charlotte Beers se vantait encore en décembre dernier devant le Club national de la presse à Washington d’avoir l’appui du président Bush et d’autres hauts responsables de l’administration américaine. Son but: mieux informer le monde musulman sur les Etats-Unis et leurs valeurs et faire comprendre aux musulmans que les Américains partagent les mêmes valeurs qu’eux notamment la croyance en Dieu et la famille.
La sous-secrétaire d’Etat, âgée de 67 ans, quitte son poste avant la fin du mois – pour « raisons de santé » selon le secrétaire d’Etat Colin Powell -, mais CNN affirme qu’elle part en raison des difficultés rencontrées dans son job. Pas facile en effet de gagner les coeurs du monde musulman, qui dénonce le « double standard » américain au Moyen-Orient, notamment l’acharnement contre l’Irak et le soutien à la répression et à l’occupation des territoires palestiniens par Israël. Charlotte Beers a également été attaquée dans les medias, par divers groupes d’influence et des membres du Congrès pour n’avoir pas compris qu’elle s’adressait à un public hostile à l’égard de la politique des Etats-Unis dans le monde.
La campagne « Shared Values » – des annonces publicitaires pour les télévision décrivant les musulmans américains dans leur vie quotidienne – a été considérée comme naïve, les observateurs notant que la réalité de la politique américaine sur le terrain parlait davantage que des spots de propagande. Selon CNN, un responsable américain a relevé que la Maison Blanche, qui a mis sur pied un Bureau des communications globales (Office of Global Communications) pour diffuser la propagande américaine en vue de la guerre contre l’Irak, a pris dès le départ ses distances avec Charlotte Beers. Des spots publicitaires produits avec l’aide du Département d’Etat visaient à présenter une image idyllique des Etats-Unis dans le monde arabe, en montrant un pays multiculturel dans lequel les musulmans peuvent s’épanouir et exercer leur culte librement.
Forte présence musulmane aux Etats-Unis
L’islam est une des religions qui connaît la croissance la plus rapide actuellement aux Etats-Unis et la population musulmane la plus importante vit en Californie, dans l’Etat de New York, l’Illinois, le New Jersey, l’Indiana, le Michigan, la Virginie, le Texas, l’Ohio et le Maryland. Selon le CAMU, il y a 1’209 mosquées dans le pays, dont plus de 60% ont été construites au cours des deux dernières décennies. Aujourd’hui, les musulmans aux Etats-Unis sont plus nombreux notamment que les épiscopaliens (anglicans), les luthériens, les presbytériens ou les membres de l’Eglise unie du Christ. (apic/camu/cnn/be)
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