Entretien avec Mgr Gérard Daucourt, évêque de Nanterre
Nanterre, 17 mars 2993 (Apic) Evêque de Nanterre, dans l’Ouest parisien, depuis juin 2002, Mgr Gérard Daucourt, originaire du Jura suisse, est réputé pour son franc-parler. Il passe du reste volontiers pour être plus pasteur que diplomate. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français « France catholique », relayée par Zenit, il scrute les problèmes liés à l’Eglise, à l’oecuménisme. Tour d’horizon et Interview.
Q.: Des figures comme Guy Gilbert ou l’abbé Pierre sont emblématiques de la solidarité de l’Eglise avec les exclus. Leur succès médiatique est paradoxalement à la hauteur du rejet de « l’institution ». Pourquoi?
Mgr Daucourt: Ces figures caritatives rendent sympathique une Eglise à l’égard de laquelle certains ressentent de la méfiance. Cela peut aider. Mais il y aura toujours un moment où il faudra prendre position vis-à-vis de l’Evangile dont ces figures de la charité témoignent. Il faudra une conversion, un « oui » pour se mettre à la suite du Christ. Un abbé Pierre, un Guy Gilbert ou une Soeur Emmanuelle peuvent aider des gens à s’orienter vers le Christ. Mais d’autres réagiront autrement en disant: « Ah, si tous les curés, si tous les chrétiens étaient comme eux! » C’est la bonne excuse pour ne pas accepter la conversion à l’Evangile.
Jean Vanier vit avec les handicapés comme en famille. D’autres laïcs chrétiens accueillent à titre personnel un jeune handicapé chez eux. Ce témoignage montre la valeur de l’homme: il veut dire que toute vie est sacrée, que tout homme est unique. Il s’inscrit en faux contre les critères exclusifs de la société actuelle, qui sont des critères de rendement, d’efficacité et de capacité intellectuelle ou de puissance. Il leur oppose les critères de l’Evangile.
Q.: D’un Evangile pas toujours simple à faire accepter.
Mgr Daucourt: Face au style de vie du XXIe siècle marqué par la rapidité et la mobilité des populations, il ne suffit plus aux catholiques d’être gentils avec tout le monde. Rendre service et aller à la messe le dimanche, cela ne suffit pas. On s’en tirait par le passé, quand il y avait une cohésion dans un village ou dans un petit quartier. Aujourd’hui, je préconise la « P.C.F.F. », la « petite communauté fraternelle de foi ». C’est un lieu où les gens se connaissent. Ils sont dix, quinze ou vingt-cinq; ils se fréquentent dans la vie quotidienne, et dans le partage de la Parole de Dieu.
Aujourd’hui, les familles catholiques sont happées par les critères matérialistes du monde moderne, et, jusque dans leur vie chrétienne, par le phénomène du départ en week-end, qui leur fait déserter leurs paroisses habituelles au moment des grandes fêtes comme Noël et Pâques. L’Eglise elle- même ne va-t-elle pas toujours dans le sens de ce qui arrange les gens? On leur fait des messes de Minuit à 20 heures, ou des messes du dimanche le samedi soir… Il ne faut pas laisser croire qu’on peut être chrétien sans aucun sacrifice.
Q.: Et avec la jeunesse?
Mgr Daucourt: L’inquiétude qui pèse sur les jeunes est celle de la parole donnée. Ils pensent qu’il est impossible de donner une parole qui dure. C’est une crise plus large, qui est celle du sens de l’engagement dans la durée. Elle touche le mariage et toute la vie sociale. Aujourd’hui rien n’est sûr. On peut imaginer le déchirement intérieur de certains jeunes. Cependant, 80% de ceux-ci estiment que le premier signe d’une vie réussie est la fondation d’un foyer qui dure. Un foyer où on est heureux et unis.
Q.: Nouvelle évangélisation et oecuménisme, n’est-ce pas deux mouvements antagonistes?
Mgr Daucourt: Il faut effectuer l’annonce et le dialogue en même temps. Il y a pourtant des passages très clairs dans l’encyclique de Jean Paul II sur la mission, « Redemptoris Missio ». Nous devons à la fois respecter les autres et leur dire notre foi. Certes, le premier témoignage évangélique, c’est la vie fraternelle, à l’image de celle du Christ, mais il y a aussi des paroles à prononcer. Taizé? Cette communauté n’a pas la vocation d’un oecuménisme officiel, mais constitue pourtant un facteur d’oecuménisme, avec ce qu’on appelle le dialogue de la charité, comme disait le patriarche Athénagoras, c’est-à-dire les relations fraternelles entre chrétiens, sans aborder les questions théologiques. Les frères de Taizé disent simplement que leur communauté est « une parabole de réconciliation ».
Q.: L’opposition du patriarcat de Moscou à Rome ne représente-t-elle pas à un échec à l’oecuménisme?
Mgr Daucourt: Actuellement, il y a toujours un certain blocage avec le patriarcat de Moscou. On est obligé de constater que lorsque Moscou exprime des griefs à l’encontre de l’Eglise catholique en matière « d’uniatisme » et de « prosélytisme », il reçoit l’appui officiel du patriarcat de Constantinople. Certes, ces difficultés existent, elles existent au niveau officiel et hiérarchique, et elles sont très largement répercutées par les journalistes. Mais en Russie, de très nombreux orthodoxes et catholiques s’estiment et travaillent souvent ensemble. Il y a aussi de fréquentes rencontres entre des diocèses russes orthodoxes et des diocèses catholiques d’autres pays européens.
Q.: On a parfois l’impression que l’influence de Jean Paul II est plus grande en dehors des frontières traditionnelles de l’Eglise que dedans. Pourquoi?
Mgr Daucourt: Ces réactions positives extérieures à l’Eglise ont également des répercussions positives dans les rangs des fidèles catholiques. Quand on examine l’événement d’Assise en 1986, l’archevêque de Cantorbéry a dit que le pape était le seul à obtenir cette rencontre interreligieuse. On lui reconnaît un leadership. Le fait qu’il soit tellement reconnu par les non- catholiques et même les non-chrétiens secoue et convertit un certain nombre de catholiques, y compris un certain nombre de prêtres, même s’il est encore de bon ton en France de se montrer critique vis-à-vis du pape… (apic/zenit/fc/pr)
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