Suisse: Les Editions Saint-Augustin publient la nouvelle encyclique de Jean Paul II
Fribourg, 17 avril 2003 (Apic) Jean Paul II a publié Jeudi Saint 17 avril une encyclique sur l’Eucharistie en lieu et place de sa traditionnelle Lettre aux prêtres. Dans sa lettre « L’Eglise vit de l’Eucharistie », le pape qualifie l’Eucharistie de « trésor de l’Eglise » et de « coeur du monde ».
En publiant cette encyclique au début du 3e millénaire, le pape place les « temps nouveaux », riches d’espoirs autant que lourds d’incertitudes, sous le signe de l’Eucharistie. Il veut aussi à cette occasion corriger des abus aussi bien dans la compréhension de l’Eucharistie que dans sa pratique. Le texte rappelle l’impossibilité, pour des chrétiens de certaines confessions, de communier ensemble, et souligne que le rapport entre l’Eglise et l’Eucharistie est essentiel.
C’est le 30 mars dernier qu’avait été annoncée la diffusion d’une nouvelle encyclique de Jean Paul II, intitulée « Ecclesia de Eucharistia ». Le pape la remet aux prêtres au lieu de la traditionnelle « Lettre du Jeudi Saint » qu’il leur adresse chaque année depuis 1980. « Dans ce texte, a-t-il affirmé mercredi lors de son audience générale hebdomadaire, je désire remettre à chaque croyant une réflexion de fond sur le sacrifice eucharistique qui contient tout le bien spirituel de l’Eglise ».
Les Editions Saint-Augustin (*), à Saint-Maurice, proposent la version officielle de cette 14e encyclique de Jean Paul II, accompagnée d’une préface du cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines- Bruxelles, ainsi que de pistes d’utilisation pastorale de l’abbé Michel Salamolard, prêtre en paroisse à Sierre (VS) et directeur éditorial et pastoral du mensuel Paroisses Vivantes.
Préface du cardinal Danneels
Cette encyclique est la quatorzième de Jean Paul II et la première du nouveau millénaire. Pour cette double raison, écrit le cardinal Danneels, elle peut être considérée à la fois comme un achèvement et comme une semence d’avenir. « Le pape, d’une part, noue la gerbe de ses grandes encycliques. Le bouquet ainsi offert par Jean Paul II à l’Eglise et au monde est remarquable aussi bien par le choix des thèmes abordés que par l’unité et la profondeur de pensée qui s’en dégage, tel un parfum puissant », peut-on lire sous la plume de l’archevêque de Malines-Bruxelles.
Comme l’indique clairement le titre, le pape ne considère pas l’Eucharistie comme un élément isolé, mais dans son lien avec l’Eglise. « Ce rapport entre l’Eglise et l’Eucharistie est essentiel. L’Eglise et l’Eucharistie ne se comprennent que l’une par l’autre », commente le cardinal belge.
Dans un premier chapitre, Jean Paul II rappelle les principales dimensions du « mystère de la foi » qu’est l’Eucharistie. Un mystère tellement riche qu’il est difficile de l’exprimer en sa totalité. Dans un deuxième chapitre, le pape montre comment l’Eucharistie édifie l’Eglise: « Chacun d’entre nous reçoit le Christ » et « le Christ reçoit chacun d’entre nous ». Ainsi se constitue « le peuple de la nouvelle Alliance » appelé aussi le Corps du Christ. Ce peuple, « loin de se refermer sur lui-même, devient ’sacrement’ pour l’humanité ».
Le lien étroit entre l’Eucharistie et l’Eglise se manifeste aussi par et dans la personne du ministre ordonné, évêque ou prêtre. « L’Eucharistie ne vient pas de nous, mais du Christ. En elle, c’est le Christ lui-même qui se donne et que nous recevons. Cela se traduit sacramentellement par la présence du prêtre agissant non seulement au nom du Christ, mais en sa personne ».
Enfin, le pape propose une méditation sur toute la vie de Marie, la mère de Dieu, anticipant dans son coeur et dans son existence la signification de l’Eucharistie. « Elle a été le ’premier tabernacle’, un tabernacle vivant, conscient, croyant, aimant. Nous voilà invités à ’prendre Marie chez nous’, comme le disciple bien-aimé, afin qu’elle nous conduise à entrer comme elle dans une vie irradiée par l’Eucharistie ». Dans sa conclusion, le pape donne son propre témoignage de foi en l’Eucharistie: « Ici, dit-il, se trouve le trésor de l’Eglise, le coeur du monde, le gage du terme auquel aspire tout homme, même inconsciemment ».
Suggestions pastorales
La dernière encyclique de Jean Paul II, sur l’Eucharistie et l’Eglise, risque de tomber dans une certaine indifférence: on n’y trouvera rien qui puisse alimenter une fringale de nouveauté. Pis, ce message pourrait susciter des regrets et même des tollés, à cause de son intention manifeste de corriger des abus ou des insuffisances aussi bien dans la compréhension de l’Eucharistie que dans sa pratique. Oui, telles sont les impressions qu’une lecture superficielle pourrait engendrer, écrit l’abbé Salamolard dans ses suggestions pastorales.
« Mais c’est un autre regard que nous proposons sur ce texte, écrit le prêtre valaisan. Tout le monde a été impressionné par une image du pèlerinage de Jean Paul II en Terre sainte: le vieil homme, en soutane blanche, seul, courbé, devant le Mur occidental du temple, à Jérusalem, glissant sa demande de pardon dans un interstice entre deux blocs de la muraille. Par cette encyclique, Jean Paul II, vieilli mais lucide, semble chercher une fente dans notre coeur et dans nos habitudes – de penser, de faire – pour y glisser un message essentiel, l’un des derniers sans doute de son pontificat. »
Les encycliques de Jean Paul II
Si on considère la liste des encycliques de ce pape, on n’y trouve que des grands thèmes :
-Trois encycliques centrées sur Dieu : le Fils rédempteur (Redemptor hominis, 1979), le Dieu riche en miséricorde (Dives in misericordia, 1980) et l’Esprit qui donne la vie (Dominum et Vivificantem, 1986).
-Trois grandes encycliques sociales : sur le travail (Laborem exercens, 1981), sur le développement (Sollicitudo Rei Socialis, 1987), sur la doctrine sociale de l’Eglise (Centesimus annus, 1991).
-Trois encycliques touchant la vie de l’Eglise : l’unité de l’Occident et de l’Orient (Slavorum apostoli, 1985), la mission (Redemptoris missio, 1990), l’unité des chrétiens (Ut unum sint, 1995).
-Une encyclique sur Marie (Redemptoris Mater, 1987), un autre sur les fondements de la morale (Veritatis splendor, 1993), une autre encore sur le respect de la vie (Evangelium vitae, 1995), une autre enfin sur les rapports de la foi et de la raison (Fides et ratio, 1998).
La tonalité eucharistique était présente partout, mais, avec Ecclesia de Eucharistia, elle devient le motif dominant.
Des réponses pastorales
Plus que toutes les autres, cette encyclique appelle une réponse pastorale, écrit Michel Salamolard : « Sa seule lecture ou son commentaire, même approfondi, resteraient en dessous de l’attente du pape. Il nous écrit, cette fois, moins pour nous instruire que pour nous convertir. Autrement dit, la fécondité de cette encyclique dépendra essentiellement de la pastorale qu’elle inspirera. C’est la responsabilité des pasteurs que de faire ’passer dans la vie’ de l’Eglise ce message du pape. Chacun peut le faire à son niveau : nation, diocèse, paroisse, groupe chrétien. L’aide de bons théologiens, liturgistes et catéchistes sera précieuse. »
Une pastorale renouvelée de l’Eucharistie
Une pastorale renouvelée de l’Eucharistie, en réponse à l’appel de Jean Paul II, pourrait se développer selon cinq axes, suggère l’abbé Salamolard: un axe catéchétique, un axe paroissial, un axe « vocations », un axe liturgique, un axe oecuménique. Sur l’axe catéchétique, on sent bien l’urgence, en lisant Jean Paul II, de renouveler notre langage sur l’Eucharistie. Certains mots que la Tradition nous a livrés ne parlent vraiment qu’aux spécialistes. Dans le langage courant, ils ont une signification qui n’est pas celle de la théologie authentique ou n’ont pas de signification du tout. « Tel est le cas, me semble-t-il, des mots sacrifice et transsubstantiation. Il ne s’agit pas de gommer ces mots, mais de conduire les fidèles à les comprendre correctement. »
La notion de sacrifice a été trop rattachée à la seule Croix, sans l’éclairage puissant de la Résurrection. Pis, elle est obscurcie par des connotations négatives qui proviennent de conceptions discutables du salut (dolorisme, expiation vicaire, etc.). L’enjeu est de trouver aujourd’hui un vocabulaire qui montre clairement le lien de l’Eucharistie avec le mystère pascal dans toute sa richesse.
Quant à la transsubstantiation, elle a le défaut supplémentaire de ne prendre sens que dans un certain cadre philosophique, qui n’est plus celui de la plupart de nos contemporains, insiste l’abbé Salamolard. Les essais de remplacer cette notion par d’autres (transfinalisation, transsignification) se sont révélés insuffisants. Résultat, la « présence réelle » du Christ dans l’Eucharistie devient difficile, voire impossible à comprendre.
Approfondir le lien entre « présence » et « nourriture » pourrait peut- être nous fournir les clés d’un nouveau langage. Qu’est-ce qu’une vraie présence ? Qu’est-ce qu’une vraie nourriture? Creuser ces questions au plan de notre expérience nous permettrait peut-être de comprendre qu’en liant sa « présence donnée » au pain et au vin, le Christ ne fait rien de bizarre, mais porte à son point culminant une expérience que nous connaissons déjà un peu.
Une recherche commune entre théologiens et catéchistes serait sans doute féconde. Les théologiens apporteraient leur connaissance de deux mille ans de christianisme s’efforçant de rendre compte de la foi. Les catéchistes apporteraient leur connaissance des enfants, des jeunes, des adultes d’aujourd’hui, de leur façon de penser et de parler.
Enrichir le dimanche
On reproche souvent aux fidèles d’être trop consommateurs, d’aller à la messe quand et où cela les arrange. De leur côté, les prêtres sont parfois obligés de passer d’une messe à l’autre, quand ce n’est pas d’un lieu à l’autre. Difficile, dans ces conditions de vivre l’Eucharistie comme le foyer de la communauté. Pour que la communauté puisse naître de l’Eucharistie, il faut sans doute se donner le temps et les moyens de la rencontre.
Dans bien des paroisses, on s’efforce de célébrer la messe dans un contexte où l’accueil est soigné, où la célébration est précédée ou suivie d’un moment de partage. Ailleurs, on élargit la palette des activités et des célébrations paroissiales : célébrations non eucharistiques, concert, conférence, catéchèse, témoignage.Faire l’inventaire de ces expériences et les évaluer au plan d’une région pourrait donner des idées.
Retrouver le contact avec les jeunes
La communauté comme l’Eucharistie dépend en grande partie de la présence d’un prêtre. Or, ceux-ci sont moins nombreux et leur moyenne d’âge augmente. Le rôle du prêtre n’est guère valorisé socialement. Qu’est-ce qui peut conduire un jeune à se lancer dans cette aventure ?
La question se pose d’autant plus que l’Eglise a largement perdu le contact avec les jeunes, relève le prêtre sierrois. Comment les rejoindre ? Comment les attirer ? Certaines « communautés nouvelles » semblent ne pas connaître ce problème. Pourquoi ? L’obligation du célibat doit-elle être à tout prix maintenue ? Faut-il repenser la formation des prêtres ? Dans quel sens ? Pour y voir un peu plus clair dans ces questions, il y aurait sans doute avantage à réfléchir avec les responsables de la pastorale des jeunes. De nouveau, une mise en commun des perceptions et des expériences pourrait se révéler féconde. Chaque paroisse, chaque conseil de communauté devrait aussi se donner les moyens d’une pastorale davantage orientée vers les jeunes.
Soigner les liturgies
Beaucoup d’efforts, souvent remarquables, ont déjà été réalisés pour rendre nos célébrations vivantes et priantes. Il faut les poursuivre. Ce qui n’est pas facile dans le contexte actuel, où les prêtres sont souvent surchargés. Lesquels ont ou prennent le temps de préparer la célébration dominicale avec une équipe liturgique ? De telles équipes existent-elles partout ? Sont-elles formées ? Le centre diocésain ou national de liturgie est-il suffisamment doté en personnel et en moyens ?
En Europe, l’Eglise catholique a énormément investi – en personnel, en formation, en moyens pédagogiques – dans la catéchèse. « C’est heureux, mais, en comparaison, l’investissement dans la liturgie paraît souvent assez maigre. Et pourtant, n’est-ce pas la liturgie qui est le lieu permanent et central de la catéchèse ?
Oui à l’oecuménisme
S’il est vrai que le temps n’est pas encore venu d’une célébration authentique de l’Eucharistie entre chrétiens encore trop séparés, en revanche il est bien temps de donner un nouvel élan au rapprochement oecuménique. Dans ce domaine aussi, des progrès formidables ont eu lieu. Mais, chaque communauté ayant suffisamment de difficultés à résoudre ses « problèmes internes », le risque existe de retirer l’oecuménisme des priorités réelles, tout en le maintenant prioritaire dans les discours.
Il est un type de dialogue qui ne peut se réaliser qu’au niveau de responsables et de théologiens. Mais ce dialogue-là dépend aussi de la fraternité qui est cultivée « à la base », insiste Michel Salamolard. Où en sont les échanges dans nos diocèses, dans nos paroisses? Tout ce qui peut être fait en commun doit être fait en commun, dit-on dans les moments d’enthousiasme oecuménique. Est-ce bien le cas dans la réalité ? Quelles activités pastorales sont-elles vraiment communes, c’est-à-dire pensées et menées ensemble ?
« Autant de questions, autant de difficultés qui peuvent nous paraître énormes, insurmontables, conclut-il. Mais si nous puisons notre inspiration et nos forces dans l’Eucharistie, l’Esprit de Jésus saura bien nous montrer les bons chemins. » JB
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