Combien… cinq, sept, neuf fois sur dix? Machinalement posée, la question figure parmi les plus éloignées d’un véritable désir de prendre – recevoir conviendrait mieux – des nouvelles d’un être parmi sept milliards. Sans intervention de l’intelligence, d’où l’adverbe machinalement, sans établir une véritable relation, «Comment allez-vous?» parfois voire souvent tombe des lèvres avec une tonalité indéfinissable. Ou tout le contraire: sonore, propulsée de façon à manifester un vif intérêt et… la grande attention portée par soi-même en personne à un être humain, unique parmi les uniques, rencontré ici, là.
Parfois, souvent chez d’aucuns, un sincère «Comment allez-vous?» prend forme dans l’esprit lorsque se manifeste une disposition naturelle à dépasser un simple signe de rencontre. Chez d’autres, la question universelle se formule vivement, faisant comprendre que le temps est précieux, les tâches pressantes et que… ma fois vous comprenez nous avons tous beaucoup à faire; alors à bientôt j’espère!».
Le «Comment allez-vous» doté d’un point d’interrogation et d’un point d’exclamation déroute autrui suffisamment pour qu’il en perde la parole. Formulée nébuleusement, la question a pour effet de séparer le plus rapidement possible les deux personnes.
Les tactiques ne manquent pas dans l’art moderne de la rencontre. Autrefois, «l’esprit ailleurs» était avancé pour excuser l’inattention, une préoccupation, quelque souci. De nos jours, chez un nombre grandissant d’êtres, les yeux ne rencontrent plus les yeux d’en face, les oreilles sont occupées en permanence à recevoir des messages, la parole quitte le nid et alentour pour gagner l’espace magique de sphères plus fascinantes que le vu, le dit, l’entendu, le touché, le goûté, l’humé au moyen de ce dont l’humain dispose à sa naissance, finalement le su.
Le sens d’autrui se construit-il, s’établit-il durablement par le goût, l’odorat, l’ouïe, le toucher, la vue? En partie, oui. L’éducation, la culture, la spiritualité, l’histoire de l’humanité, mais encore telle ou telle invitation dont celle d’un petit homme, Jean Trémolières, un tout grand de la nutrition humaine. Telles autres, de prêtres et auteurs également. Parmi eux: Clément Renirkens, avec «L’amour aux yeux ouverts» notamment; Maurice Zundel et la totalité de ses ouvrages.
Des invitations à vivre pleinement en véritable humain contribuent à «faire l’homme bien et dûment» que Jean Trémolières appelait de ses vœux autant sur la place publique qu’à l’Uni, l’hôpital, dans les enceintes des grands de la politique et des affaires, celles des consommateurs, partout où il rappelait que nourrir l’être humain s’opère par le corps, le cœur, l’esprit, l’âme. Le partage des nourritures, comme il y invitait!
Comment allez-vous? La question réunit en un tout plusieurs choses et personnes.
Elle est immense.
PhilGo
Portail catholique suisse