La dernière chance pour les moines trappistes de Maria Zvijezda

Bosnie: Le pape Jean Paul II visite la Bosnie-Herzégovine le 22 juin

Sarajevo, 19 mai 2003 (Apic) Pour les moines trappistes du prestigieux couvent bosniaque de Maria Zvijezda (Etoile de Marie), près de Banja Luka, la visite en Bosnie-Herzégovine du pape Jean Paul II le 22 juin représente l’ultime chance. Dernier monastère trappiste – deux autres ont été fermés au cours du siècle passé – , Maria Zvijezda risque à son tour de fermer ses portes, faute de relève.

Dirigé depuis février 2002 par un Français, Dom Philippe Vanneste, 49 ans, ce monastère cistercien de la stricte observance (trappiste) lance un appel au secours. Fondé en 1869 sous l’empire ottoman, ayant compté jusqu’à 263 moines et frères, le couvent lutte désormais pour sa survie et n’héberge plus que trois moines. Il n’y a plus de vocations dans ce pays rendu exsangue par le récent conflit interethnique qui a déchiré les Balkans.

«Si aucun nouveau moine n’entre, Maria Zvijezda mourra avec le dernier d’entre nous», a déclaré à la presse Dom Philippe Vanneste. Dom Philippe, né en 1954 à Tourcoing, près de Lille, est entré à l’Abbaye du Mont-des-Cats en 1977, et a fait sa profession solennelle en 1983. Il a été cellérier pendant six ans avant d’aller en 1998 à Maromby, à Madagascar, pour superviser la construction de l’église. Ce projet achevé, Dom Philippe a été envoyé en renfort en Bosnie pour tenter de relever la communauté moribonde.

Dans le passé, le couvent de l’Etoile de Marie était l’une des institutions religieuses et culturelles les plus importantes de Bosnie- Herzégovine. Le monastère contribuait également de façon non négligeable au développement économique de la région de Banja Luka. Avant la Première Guerre mondiale, 263 moines et frères vivaient à Maria Zvijezda. En 1941, année de l’agression allemande contre la Yougoslavie, ils étaient encore 150. Durant l’hiver 1943/44 – la Bosnie était alors intégrée à l’Etat croate fasciste – le couvent fut le théâtre d’âpres combats entre les forces fascistes et les partisans communistes de Tito.

Le monastère de Maria Zvijezda fut alors pillé et gravement endommagé. En 1946, le régime de Tito confisqua les propriétés foncières du couvent, ses écoles, son imprimerie, sa brasserie, sa fromagerie et tous ses autres secteurs économiques. De nombreux moines furent chassés et privés de leur nationalité yougoslave parce qu’ils faisaient partie des minorités allemande ou italienne. Beaucoup de moines expulsés furent accueillis dans le couvent trappiste autrichien d’Engelszell.

Expulsions et biens confisqués sous Tito

«Jusqu’à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, l’Abbaye accueillait et nourrissait quotidiennement une centaine de pauvres dépourvus de tout moyen», rappelle Don Philippe Vanneste, «mais aujourd’hui, nous n’avons plus rien, et c’est à notre tour de vivre d’aumônes et de l’aide de monastères français». Jusqu’à l’éclatement de la guerre en Bosnie, en 1992, le monastère accueillait encore une dizaine de vieux moines, dont la plupart sont entre-temps décédés. Venant du monastère français de Sainte-Marie du Mont-des-Cats, le nouvel Abbé âgé de 49 ans est le plus jeune d’entre eux.

Maria Zvijezda a connu l’expulsion par les milices serbes des catholiques de la région de Banja Luka, capitale de la «Republika Srpska», l’entité serbe qui forme avec la Fédération croato-musulmane la République de Bosnie-Herzégovine. Seuls 2’000 des 70’000 catholiques chassés de la région de Banja Luka y sont retournés. Les moines ressentent eux aussi la disparition de la carte de la minorité catholique de la région. Auparavant, au moins 200 fidèles venaient chaque dimanche à la messe dans l’église conventuelle. Aujourd’hui, tout au plus une quarantaine de vieillards fréquentent l’office.

Il y a peu d’espoir que les moines reçoivent à nouveau des jeunes de la région comme novices pour regarnir les rangs de la communauté de Maria Zvijezda, car la jeunesse catholique a trouvé refuge en Croatie ou ailleurs. Les jeunes qui restent dans la région sont avant tout des Serbes de confession orthodoxe. Les trappistes ont demandé aux autorités de la Republika Srpska de leur restituer au moins une partie de leurs biens nationalisés sous l’ère de Tito, en particulier les champs laissés en friche depuis des décennies, parce personne ne s’en occupe. Mais les moines attendent en vain la réponse depuis deux ans. L’Abbé met tout son espoir dans la visite du pape à Banja Luka le 22 juin prochain.

Une visite à 2,5 millions d’Euros

La Bosnie prévoit que la visite du pape pour la journée du 22 juin à Banja Luka lui coûtera quelque 2,5 millions d’Euros (3,79 millions de francs suisses). D’après Dragan Covic, membre croate de la présidence bosniaque tripartite, c’est cette importante somme qui sera affectée à l’organisation de la visite de Jean Paul II, répartie entre le gouvernement central, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane.

Le pape, âgé de 83 ans, béatifiera le dimanche 22 juin le Croate Ivan Merz, un théologien croate né en 1896 à Banja Luka, capitale de l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine. Près de 150’000 fidèles de Bosnie-Herzégovine, mais également de la Croatie voisine et des pays de la région sont attendus pour la messe de béatification. Jean Paul II s’est déjà rendu en Bosnie en 1997, mais il n’avait visité que la capitale Sarajevo.

Un pays au bord de la rupture

Le pape rencontrera lors de sa prochaine visite un pays au bord de la rupture. Niko Ikic, secrétaire général de la Commission Justitia et Pax de Bosnie-Herzégovine, affirme que la construction issue de l’Accord de Dayton de septembre 1995 «ne marche pas» et doit être révisée fondamentalement. Si aucun changement n’est apporté à l’Accord, le fragile Etat va éclater à moyen terme. Selon l’universitaire de Sarajevo, les conséquences d’un tel éclatement seraient catastrophiques pour toute la région.

Niko Ikic lance un appel à la communauté internationale, avant tout à l’Union européenne, afin qu’elle s’engage davantage en faveur du processus de démocratisation en Bosnie-Herzégovine, où la situation sociale et économique se dégrade toujours davantage. A ses yeux, on ne devrait pas se limiter à administrer la Bosnie-Herzégovine à la manière d’un «semi protectorat», aujourd’hui caractérisé par une paupérisation croissante de la population, un fort taux de chômage et un retour aléatoire des réfugiés et des populations chassées dans le cadre de la politique d’»épuration ethnique» menée pendant la guerre. (apic/kna/kap/be)

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