Non-reconnaissance « abusive » du patriarche de Jérusalem
Paris, 20 mai 2003 (Apic) Les journalistes de l’information religieuse ont rencontré le 19 mai Mgr Emmanuel, nommé depuis peu métropolite de France du patriarcat oecuménique de Constantinople et président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF). L’occasion d’évoquer la mission de l’AEOF, les crispations entre Moscou et Constantinople, la situation du patriarcat orthodoxe de Jérusalem, le dialogue entre l’islam et l’orthodoxie, ainsi que les travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe.
Initialement prévue en mai, la journée de l’orthodoxie (deuxième édition) aura lieu à Paris le 1er novembre, a annoncé Mgr Emmanuel, qui vient de succéder à Mgr Jérémie, nommé métropolite grec-orthodoxe de Suisse. L’occasion de rassembler les huit évêques membres de l’AEOF (voir encadré) et les fidèles rattachés à quatre patriarcats différents dans une liturgie commune. L’occasion aussi de conférences et débats qui permettront cette année de faire un zoom sur la construction de l’Europe et la situation des Eglises orthodoxes au Proche-Orient.
A ce propos, Mgr Emmanuel estime que la non-reconnaissance par le gouvernement israélien du patriarche de Jérusalem, Irénée Ier, est avant tout un problème politique. Il juge le motif évoqué – l’engagement pro- palestinien du patriarche- abusif car il ne prend pas en compte la forte représentation des Palestiniens parmi les fidèles qui fréquentent les églises du patriarcat orthodoxe. Il rappelle aussi que ce patriarcat est propriétaire de la moitié de Jérusalem, y compris du terrain sur lequel est bâtie la Knesset.
Pour un statu-quo de la situation des Eglises en Europe
Concernant la future constitution européenne, Mgr Emmanuel se dit satisfait de la proposition de Valéry Giscard d’Estaing, président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, de respecter l’actuel statut des Eglises des pays membres de l’Union Européenne (UE) et d’envisager d’instaurer un dialogue permanent avec elles.
La mention de l’héritage chrétien dans la constitution? Mgr Emmanuel, qui représente à Bruxelles le patriarcat oecuménique auprès des institutions européennes, considère que c’est un fait objectif et qu’il serait dommage de l’occulter. A tout le moins, la mention d’un héritage « religieux » le satisferait. Il se félicite de sa collaboration étroite avec la KEK et le COMECE et fait valoir que le patriarcat de Constantinople cherche à informer le peuple et le clergé orthodoxe des enjeux européens. L’adhésion de la Turquie à l’UE? Le nouveau président de l’AEOF souligne que Mgr Bartholomée 1er a exprimé son accord de principe. « Mais, souligne Mgr Emmanuel, la Turquie doit préparer son examen d’entrée. Elle doit notamment clarifier l’impact du pouvoir militaire sur la politique intérieure et extérieure de ce pays ainsi que sa position vis-à-vis des minorités religieuses. » Et de demander la réouverture de l’école de théologie de Kalki et l’octroi d’un vrai statut pour les bâtiments et terrains du patriarcat oecuménique, notamment à Istanbul où se trouve son siège.
Dialogue actif avec les musulmans
Qu’en est-il du dialogue entre musulmans et orthodoxes? Pour Mgr Emmanuel, ce dialogue est actif. Une rencontre internationale au royaume de Bahrein a récemment permis à 150 représentants de diverses Eglises de dialoguer avec des responsables musulmans, moyennant l’existence d’un secrétariat commun. C’était la 10ème rencontre de ce type en l’espace de 15 ans et, souligne Mgr Emmanuel, les contacts sont maintenus malgré la guerre en Irak. Le prélat évoque aussi des rencontres bilatérales avec l’Iran et souligne combien ce pays est marqué par une tradition de débat intellectuel et d’exégèse propres à faciliter les échanges islamo-chrétiens.
Qu’en est-il du soutien des orthodoxes russes à la répression contre les Tchétchènes? Mgr Emmanuel répond en substance que ce soutien n’engage pas toute l’orthodoxie et il rappelle les efforts pou reprendre le dialogue entre les deux patriarcats (de Constantinople et de Moscou), nonobstant des annonces intempestives comme celle, par le patriarche Alexis II, de rassembler tous les Russes de la diaspora sous sa seule juridiction. Une annonce qui ne sera pas suivie d’effet, juge Mgr Emmanuel. Et de préciser que les discussions bilatérales entre Moscou et Constantinople portent notamment sur l’existence en Estonie de deux patriarches « concurrents » ainsi que sur la possibilité pour l’Ukraine d’accéder au statut d’Eglise autocéphale. Un dossier qui paraît bloqué à ce jour. JCN.
Encadré:
Oeuvrer pour l’unité de l’Eglise orthodoxe en France
L’AEOF a été créée en 1997, dans le prolongement du Comité inter-épiscopal orthodoxe. Elle regroupe tous les évêques orthodoxes canoniques en France mais ne constitue pas pour autant une instance canonique au sens où l’entend l’Eglise orthodoxe. En attendant les décisions qui seront prises par le futur « saint et grand concile pan-orthodoxe » pour organiser la diaspora, l’AEOF a pour objet de « manifester l’unité de l’Eglise orthodoxe en France et de maintenir, préserver et développer les intérêts des communautés relevant des diocèses orthodoxes canoniques de ce pays « . Les 8 évêques membres, outre Mgr Emmanuel, le président, sont Mgr Gabriel de Vilder et Mgr Michel, du patriarcat oecuménique, paroisses russes, Mgr Innocent, du patriarcat de Moscou, Mgr Gabriel, du patriarcat d’Antioche, Mgr Joseph et Mgr Silouane, du patriarcat de Roumanie, ainsi que Mgr Luca, du patriarcat de Serbie. Autre l’Assemblée des évêques elle-même, qui se réunit régulièrement, l’AEOF compte cinq commissions d’experts composées de clercs et de laïcs (théologie, liturgie, dialogue inter-confessionnel, médias et information, administration et finances).
(apic/jcn/bb)
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