La provocation déclenche la colère des milieux concernés

Suisse: Une campagne d’affichage reprend les clichés racistes pour les combattre

Zurich, 10 octobre 2003 (Apic) La Fondation suisse contre le racisme et l’antisémitisme vient de lancer une campagne d’affichage s’inspirant des blagues sur les Kosovars, les Turques, les Thaïlandaises, les noirs ou encore les juifs. Les milieux concernés, tout comme d’autres organisations engagées pour l’intégration des étrangers, n’apprécient guère cet humour au deuxième degré.

Cette campagne, destinée à « secouer les esprits », met le doigt sur « divers clichés antisémites et préjugés racistes », annoncent les initiateurs sur leur site internet. Elle devrait couvrir la Suisse Romande après les élections du 19 octobre.

Une affiche demande en grosses lettres : »D’où les Kosovars ont-ils leurs autoradios? » La réponse, imprimée en plus petits caractères, est des plus banales: « Ils les achètent, comme tout le monde en Suisse. » Une autre s’interroge: « Que font les Thaïlandaises la nuit venue? » Là également, les amateurs de blagues racistes resteront sur leur faim: « Elles allument la lumière comme tout le monde ». Trois autres affiches reprennent le même thème de la blague raciste avec les préjugés et les clichés sur les noirs, les Turques ou encore les juifs. Ces messages font partie de la campagne « Ensemble contre le racisme et l’antisémitisme ». Selon ses initiateurs, « ils s’adressent à tous ceux qui, certes, ne racontent pas de blagues xénophobes, mais ne se gênent pas pour en rire. En bref: la majorité silencieuse ».

« Nous voulons sensibiliser la population à ces thèmes et inciter chacun à réfléchir à son propre comportement », explique Sigi Feigel, président depuis 25 ans de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme et membre de la communauté juive. Cette campagne a été orchestrée par un grand nom de la publicité à Zurich, la firme Wirz Werbung AG. Elle a été financée à hauteur de 200’000 francs par la Confédération, à travers le Service de la lutte contre le racisme du Département fédéral de l’intérieur.

Colère et incompréhension

Dans les milieux concernés, et parmi d’autres organisations engagées aux côtés des étrangers, ces affiches suscitent la colère ou l’incompréhension, comme le relève le quotidien fribourgeois « La Liberté » dans ses éditions du 9 et du 10 octobre. « Cette campagne est choquante et parfaitement irresponsable », affirme l’avocat genevois Philippe Grumbach, président de la CIDAD (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation). Ajoutant: « Elle part d’un bon sentiment, mais ces affiches nous rappellent de tristes souvenirs. La lutte contre le racisme est trop sérieuse pour plaisanter avec les préjugés ».

Même son de cloche chez André Klopmann, délégué adjoint à l’intégration auprès de l’Etat de Genève. « Une nouvelle fois les groupes ethniques sont montrés du doigt. (.) Utiliser les clichés ne fait que les renforcer », soutient-il. Le style des affiches inquiète Boël Sambuc, vice- présidente de la Commission fédérale contre le racisme. « Cette campagne a donc choisi la provocation, et j’ai peur qu’elle cimente encore plus les préjugés », affirme-t-elle, tout en se réjouissant de voir le sujet des clichés racistes abordé. « L’UDC occupe seul le terrain, les autres partis et les pouvoirs publics brillent par leur absence », estime Boël Sambuc dans un article de « La Liberté » signé de Patrice Favre.

Des réactions négatives prévisibles

Le quotidien fribourgeois relève le 10 octobre que la présentation de cette campagne dans l’édition de la veille lui a valu un téléphone incendiaire d’un Fribourgeois d’origine turque, qui s’est fâché rouge en découvrant l’affiche demandant: « Que font les Turques avec un sac- poubelle? », et répondant: « Elles y mettent leurs ordures comme tout le monde ». Le conseiller national Ueli Leuenberger, fondateur de l’Université populaire albanaise à Genève, prévoit également des réactions négatives de certains groupes ethniques: « C’est de la pub au deuxième degré, mais les Kosovars prennent tout ce qu’on dit sur eux au premier degré ».

Le bureau de l’intégration du canton de Genève a réagi le 9 octobre par un communiqué dénonçant les « stéréotypes discriminatoires et blessants » de cette campagne qui « renforce, au motif de les combattre, des clichés d’un autre âge ». A son avis, cette campagne va contre la loi genevoise sur l’intégration. (apic/lib/bb)

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