Apic – Interview:
Il existe encore trop de grossièretés politiques dans notre pays
Josef Bossart / traduction Bernard Bovigny
Zurich, 10 octobre 2003 (Apic) Combattre les préjugés racistes par la provocation. Tel est le but de la campagne d’affichage lancée début octobre en Suisse allemande et qui devrait atteindre sous peu la Romandie. Cet humour au deuxième degré, peu apprécié par certains milieux concernés, vise en premier « ceux qui ne racontent pas des blagues xénophobes, mais ne se gênent pas pour en rire », soutient Sigi Feigel, un des principaux initiateurs de cette campagne.
Lui-même juif, âgé de 82 ans, Sigi Feigel préside depuis 25 ans la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme, auteur de cette campagne controversée. Il a répondu le 8 octobre aux questions de l’Apic.
Apic: D’abord faire rire les destinataires avant de provoquer la réflexion. Pourquoi avoir choisi un style si provoquant pour cette campagne contre le racisme et l’antisémitisme?
Sigi Feigel: Que faire d’autre? Nous avons déjà organisé des conférences, produit du matériel pédagogique, travaillé avec les Eglises. Malgré tout cela, nous connaissons encore trop de grossièretés politiques dans notre pays, et il est nécessaire de prendre une fois la parole contre elles. Autrement dit: il faut se montrer grossier avec qui est grossier.
Cette fois, nous ne lançons pas une campagne bon-enfant, et nous disons: « C’est ainsi que des ragots stupides sont véhiculés en Suisse sur les étrangers ou les noirs, et c’est ainsi qu’il en est en réalité ». Mais trouver les bons sujets est naturellement difficile. On peut effectivement discuter pour savoir si cette campagne est réussie ou non.
Apic: Lorsque vous évoquez des « grossièretés politiques », vous pensez peut- être à des campagnes de l’Union Démocratique du Centre (UDC) qui s’en prennent de préférence aux étrangers .
S.F: Non, je pense à des grossièretés en général, véhiculées dans le monde politique. Nous sommes des membres responsables d’un Etat démocratique. Si nous voulons transmettre cette valeur aux générations futures, nous devons apprendre à réfléchir par nous-mêmes, à porter un jugement sur les comportements, mais en aucun cas à utiliser des préjugés!
Apic: Beaucoup craignent que la campagne ne provoque un autogoal, à savoir qu’elle renforce les préjugés chez certains .
S.F: Cela est tout à fait possible. Mais c’est un risque à prendre. Ce que nous voulons, c’est amener la discussion et susciter l’attention sur cette problématique. Et nous voulons montrer que notre pays ne présente pas que des affiches avec des agresseurs au couteau, et qu’il faut compter avec d’autres forces (NDR: L’UDC avait publié en 1993 une annonce montrant un homme agressant une femme avec un couteau. Le dessin était accompagné de ce texte: « Ca, nous le devons aux gauchistes et aux « gentils »: davantage de criminalité, de drogue et de peur »)
Apic: La Suisse vit actuellement un campagne électorale, marquée le 19 octobre par les élections au parlement fédéral. Avez-vous délibérément choisi ce moment pour lancer votre campagne?
S.F: Non, c’est une pure coïncidence. Mais nous avons de la chance. Nous travaillons depuis longtemps sur cette campagne, car nous sommes une fondation et non des spécialistes de la communication. L’agence publicitaire Wirz à Zurich, qui a conçu la campagne, a travaillé gratuitement pour nous. Cela est très heureux, car nous n’aurions jamais pu nous permettre une telle dépense.
Apic: Et pourtant la Confédération finance votre campagne à hauteur 200’000 francs, notamment à travers le Service de lutte contre le racisme.
S.F: C’est vrai, mais notre fondation a dû débourser le double.
Indication: D’autres informations sur cette campagne sont disponibles sur le site www.gra.ch
(apic/job/bb)
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