Apic reportage
Et si les morts communiquaient avec les vivants?
Pierre Rottet, de l’Apic
Paris, 25 février 2004 (Apic) Un contact est-il possible avec les morts, avec l’au-delà? Le religieux français François Brune, de la Compagnie des Prêtres de St-Sulpice, en est convaincu. Conférencier, auteur de nombreux ouvrages sur la question, dont « Les morts nous parlent » et « A l’écoute de l’au-delà », ce prêtre de 73 ans passe en France pour le premier historien et révélateur de la transcommunication instrumentale (TCI). L’Apic l’a rencontré à Paris, ainsi que d’autres témoins. Reportage.
Les histoires entendues, enregistrées à partir d’un simple magnétophone, transpercent les frontières du réel. Ces voix censées venir de l’au-delà ont de quoi bouleverser un certain nombre de schémas. Surtout si l’on n’écarte pas d’emblée l’idée de possibles conversations entre des parents et leurs défunts, entre ceux restés sur terre et l’être cher disparu.
Histoires vraies, fausses, objets de manipulations, d’autosuggestions? Certaines autorités ecclésiastiques n’hésitent pas à qualifier ces contacts par TCI « d’oeuvre de Satan ». L’Apic n’a pas voulu entrer dans ce débat, préférant rapporter des témoignages sur des phénomènes peut-être bien réels, que cartésiens et rationalistes balaient d’un revers de main méprisant. Des études scientifiques n’ont cependant apporté aucune preuve, ni dans un sens ni dans un autre. Pourtant, des détails surprenants que seuls les intéressés peuvent connaître émergent. Nous retiendrons ici quelques témoignages « venus de l’au-delà », choisis entre des dizaines écoutés, difficilement audibles pour certains, clairs et bouleversants pour d’autres.
L’enfant et le père
Dans le minuscule appartement qu’il habite dans le XVe à Paris, transformé en bibliothèque, le Père Brune fait tourner sa bande magnétique. Entre deux chuintements et autres bruits, perce un « bonjour », immédiatement suivi d’un: « Ooh. salut ». Une voix d’enfant censée venir de l’au-delà s’adresse à son géniteur. « Père, avant tout, je t’aime. Mon père tu es, mon père tu resteras.Mais tu me déçois ».
Les phrases sont saccadées, avec des silences plus ou moins longs. Puis la voix reprend, débitant ses mots les uns après les autres, souvent avec un redoublement prononcé des consonnes, et des syllabes traînées à souhait. Le reproche adressé au père se fait plus précis: « Pourquoi tant de mal à ma maman? Elle ne mérite pas tout cela. elle a déjà tant souffert! » Comme pour se donner l’énergie nécessaire à la transmission, la voix cristalline de l’enfant semble faiblir un moment, s’accordant une large pause, avant d’asséner: « Parfois, je voudrais la reprendre près de moi. Mais avant, rends-la heureuse. »
Le silence s’installe à nouveau. Dans la pièce et sur le magnétophone. Plus puissante, comme une injonction, la voix reprend, vibrante, péremptoire: « Père, tu es capable de tant de choses. » « Tu oublies bien souvent de prier. Pourquoi? » Le ton de l’enfant se fait plus doux, à l’évocation de sa maman, mais plus volontaire aussi pour constater: « Je la vois souvent si malheureuse, et pourtant, tu pourrais lui donner tant de bonheur. Mon petit papa, souviens-toi comme tu étais fier quand je suis venu sur terre. Sois fier de maman. Tous, je vous aime. Et pour tous, je prie ».
La bande magnétique continue à tourner. L’enfant a encore une pensée pour son frère, ses soeurs, son parrain. Le regard du Père Brune se porte sur son interlocuteur. Sans doute amusé du frisson ressenti à l’écoute de cette voix enfantine. d’un peu plus de 12 ans. « Alors qu’il est décédé lorsqu’il avait 16 mois ». Et le Père Brune d’asséner: « Dans sa nouvelle dimension, l’enfant s’est développé, a grandi. »
Durant plusieurs heures, des témoignages vont défiler, tous surprenants, un peu fous, irréels, et jusqu’à un choeur qui s’élève.depuis l’au-delà, assure-t-on. Tout y passe pour ébranler et déranger les certitudes. A commencer par des interférence captées sur des lignes téléphoniques, en passant par des images TV. Des images pour le moins surprenantes par leur netteté pour certaines, avec des visages dont nous ne citerons pas les noms, à l’exception de Constantin Raudive, pionnier, avec Friedrich Jürgenson, de l’enregistrement « de la voix des morts », et jusqu’à l’utilisation des techniques modernes de communication.
Le fils retrouvé
Le 7 juin 1988, le « Jaguar », adapté aux vols à basse altitude, enregistre un problème technique. Aux commandes de l’engin, le capitaine Pascal Riotte n’a que 2 ou 3 secondes pour faire un choix: s’éjecter de l’appareil au moyen de son siège, avec pour conséquence de voir l’avion tomber sur des maisons de la ville de Puiseaux, dans le Loiret, ou renoncer. Et s’écraser dans le champ le plus proche, loin des habitations. Un choix qui lui vaudra les honneurs d’une rue à Puiseaux, pour les vies épargnées. Il laissait une femme, un bébé d’un mois et ses parents.
Au premier étage de son pavillon, sis à Asnières, dans la proche banlieue parisienne, Jean Riotte, avocat à la retraite, 75 ans, raconte son histoire transcrite dans un récent livre, sous le regard de son fils unique. Un simple magnétophone a trouvé place sur son bureau. Minutieux et méticuleux dans le récit, en bon avocat, il parle de la découverte des premiers bouquins consacrés aux phénomènes paranormaux, de sa rencontre avec le Père Brune. Après plusieurs expériences en compagnie d’un médium, lui et son épouse Eliane tentent « leur premier contact » le 28 octobre 1990. Il y en aura plus de 500 depuis. Le dernier date d’il y a quinze jours. « Est-ce que tu seras là pour nous accueillir, lorsque notre tour viendra? » « Oui, je pense bien », leur sera-t-il répondu, presque joyeusement, aussi joyeusement que cette réponse qui fuse pour savoir s’il est heureux: « Très heureux ».
Dans l’enregistreur qui débite maintenant sa bande, les questions s’enchaînent aux réponses, encore une fois censées venir de l’au-delà. L’une d’elles, parmi tant d’autres, retient l’attention, stupéfiante. Elle concerne le fils du défunt, aujourd’hui âgé de 16 ans. Le grand-père demande si, de là-haut, Pascal veille sur son enfant. Trois réponses se font entendre, à chaque fois entrecoupées par de longs silences: « C’est mon travail »; C’est notre histoire »; « C’est notre Dieu ».
Romance dans l’au-delà?
Le dernier témoignage, l’Apic est allé le recueillir près de L’Aigle, dans une campagne de Basse Normandie, à quelque 50 km de Lisieux. Monique et Jacques Blanc-Garin, la soixantaine tous les deux, ont fondé en 1992 l’Association « Infinitude », qui a entre autres pour objectif d’aider les personnes dans le deuil. Leur histoire n’est pas banale, marquée pour Jacques par le décès de son épouse Annick, en 1988, et par le message de « l’au-delà » laissé un jour à Monique: » Je suis venue te dire que je m’élevais. Je te confie Jacques. Aime-le comme je l’ai aimé. Vous vous marierez et je serai toujours là quand il le faudra ». D’autres messages viendront s’ajouter, y compris celui du père de Monique, mort en 1971.
Cette dernière l’avait « appelé » en 1995, à l’heure de l’imminence du décès de sa mère, pour se voir répondre: « Maintenant, je prends le relais ». Quelques mois plus tard, Monique entrait en communication avec sa maman, dans l’espoir de savoir si elle était heureuse. Sur le magnétophone se grave alors ce stupéfiant aveu: « Ton père est toujours aussi charmant ». Une romance prolongée dans l’au-delà? PR
La prudence de l’Eglise
L’Eglise catholique est toujours demeurée prudente face à ce phénomène, pour ne pas dire critique. Contacté pour solliciter un rendez-vous, afin d’obtenir un commentaire sur l’engagement du Père Brune dans le paranormal, l’archevêché de Paris a fait parvenir une courte lettre à l’Apic, signée de Mgr Michel Pollien, évêque auxiliaire: « Nous savons que François Brune est toujours membre de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice.
Depuis plusieurs années, le Père Brune n’enseigne plus dans les séminaires et n’exerce plus aucun ministère reconnu par la Compagnie ou par un diocèse ». Et Mgr Pollien de souligner: « C’est en total désaccord avec ses supérieurs qu’il écrit, fait des conférences ou publie, en particulier en ce qui concerne la communication avec les morts ».
« C’est vrai, reconnaît le religieux: Je suis ce qu’il est convenu de nommer un électron libre ». Quand à sa Compagnie, elle n’interfère pas trop dans son travail. « Cela dit, avoue encore François Brune, je ne suis pas très bien vu, simplement toléré. Mes livres, je les publie sans autorisation, sinon ils passeraient à la moulinette ». Mais Rome, assure-t- il, n’a jamais mis son veto à ses recherches, car c’est bien de cela dont s’occupe le religieux.
Pour le théologien qu’il est, après des études en philosophie, de langues anciennes et des grands mystiques occidentaux, la vie est remplie de phénomènes paranormaux. « Presque tous les saints ont eu des apparitions de ceux qui les ont précédés, pour leur communiquer des paroles intérieures, les guider spirituellement, opérer des guérisons. Seraient-ils des hallucinés, alors qu’ils ont été créateurs d’ordres religieux, de congrégations? ».
Vision inacceptable?
Et de rappeler sainte Thérèse de Lisieux: « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie », puis « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre », ainsi que saint Dominique: « Croyez-moi, quand je serai mort, je serai plus utile pour vous que maintenant ». Or, constate le religieux français, une fois de plus, les théologiens reculent devant le rationalisme. « On en arrive ainsi à placer l’action de Dieu après le « Big Bang », parce que là, au moins, les scientifiques n’y mettront pas leur nez ». Et pour en arriver à quoi? s’interroge-t-il: « Avoir une vision qui est celle des rationalistes athées, où Dieu, apparemment, a pris sa retraite, est allé en vacances ou faire du tourisme. Cette vision est absolument inacceptable ».
Interrogé par le quotidien catholique italien « Avvenire » sur les modes de communications avec l’au-delà, le prêtre et théologien américain John Richard Neuhaus relevait: « Les contacts avec les personnes disparues ne sont pas impossibles. L’important est de ne pas nier à priori les phénomènes de ce genre mais aussi de ne pas les susciter frauduleusement ». François Brune, qui rappelle la théologie de la communion des saints, se souvient d’une anecdote au Vatican, que lui a personnellement rapportée le Père Gemelli, alors président de l’Académie pontificale des sciences.
Le 15 septembre 1952, le Père Gemelli et son collègue Ernetti, physicien et philosophe, travaillaient à l’enregistrement de chants grégoriens. Le fil du magnétophone n’arrête pas de se casser, et Gemelli, exaspéré appelle à l’aide son père défunt.
Stupéfaction: sur la bande, distinctement, l’un et l’autre entendent alors: « Bien sûr, Zuccone, je vais t’aider. Je suis toujours avec toi ». Zuccone, littéralement citrouille, que l’on pourrait traduire par « tête de mule », était le surnom que son père donnait à Gemelli enfant. Les deux ecclésiastiques s’en ouvriront au pape Pie XII, qui les rassura, en relevant, toujours selon les dires du Père Gemelli rapportés à François Brune, qu’il ne s’agit pas là de spiritisme. Pie XII aurait alors ajouté: donnez cela aux scientifiques et leurs conclusions permettront peut-être de fortifier la croyance dans la vie dans l’au-delà. PR
Encadré
Ces portes sur l’inconnu
Toute communication avec l’au-delà peut ouvrir une porte sur l’inconnu, mettent en garde nos interlocuteurs. « On a même vu des gens devenir accros du magnétophone, et se promener avec leur appareil sous le bras ». Et François Brune de renchérir: « On ne sait pas à l’avance qui va entrer et même quelquefois qui va s’engouffrer. Et lorsque l’on veut la refermer, cette porte, il est parfois trop tard ». Pour le Père Brune, la prière aide à ne pas être en danger. L’Eglise, dit-il, a raison, il ne faut pas jouer avec cela. Selon lui, il est possible, depuis la terre, de se servir des communications avec l’au-delà avec de mauvaises intentions. Mais l’inverse est bien réel à partir de l’au-delà. « Les âmes en peine existent, même si, assure-t-il, ces « communications » sont rares ».
D’après le religieux, deux sortes d’esprit cherchent à communiquer avec nous « à n’importe quel prix »: des esprits souvent peu développés spirituellement, parfois dangereux, trompeurs en tous cas; et ceux qui, au contraire, se soumettent à la volonté de Dieu et qui, à ce moment là, ne communiquent avec nous que si ils ont une autorisation. Ils ne disent que ce qui est permis de révéler. Ceci transparaît du reste dans de nombreuses « communications reçues de l’au-delà »: « Réponse interdite », « Cherche toi- même ».
Un jour, raconte François Brune, une famille questionnait son enfant décédé dans un accident, dans des circonstances jamais élucidées. La « réponse du fils dans l’au-delà » est arrivée sans trop tarder: « Moi je poursuis ma route. La justice se fera toute. ». Dans un autre cas, la transcommunication a permis à des parents d’avoir la certitude que leur enfant ne s’était nullement suicidé, mais avait trouvé la mort accidentellement. Ce témoignage enfin, de la femme de ce musulman, décédé, et avec lequel la communication s’est établie. « Des témoignages rapportés aux frontières de la mort montrent qu’ils sont les mêmes pour tous, catholiques, protestants, musulmans, bouddhistes, orthodoxes, athées ou agnostiques. Pour l’essentiel, c’est pareil », assure François Brune. (apic/pr)
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