Une percée moderniste sous la chape du Coran

Lausanne: Présentation du Code marocain de la famille

Lausanne, 8 mars 2004 (Apic) Le nouveau code de la famille marocain fait une percée moderniste par rapport à l’ancienne « moudawana ». Même si l’égalité entre hommes et femmes n’est pas encore acquise, on salue dans les milieux progressistes cette avancée, présentée par l’ambassadeur du Roi du Maroc en Suisse, Mohammed Guedira.

C’est dans le cadre de la Journée mondiale de la femme, le 8 mars, que l’ambassadeur du Roi du Maroc en Suisse, Mohammed Guedira, a présenté à Lausanne les grandes lignes du nouveau Code de la famille, entré officiellement en vigueur en février 2004. En voici les points principaux:

La clause de « l’obéissance de la femme » à son mari est annulée. Les conjoints sont co-responsables de la famille.

En matière de divorce, on assiste à un renforcement du droit de la femme. Le divorce s’exerce sous le contrôle du juge. Mais il reste soumis à des règles différentes, selon que le demandeur est le mari ou l’épouse. Toutefois, la femme peut demander le divorce pour préjudice subi (femme battue, délaissée, abandonnée, sans moyens de subsistance, etc.) ou manquement à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage. La femme peut dorénavant conserver, sous certaines conditions, la garde de son enfant, même après son remariage. Le mari doit lui garantir un habitat décent et une pension. En outre, le divorce par consentement mutuel est introduit.

La répudiation verbale plus valable

La répudiation verbale par le mari n’est plus valable. Elle doit avoir l’aval du juge et est soumise à une procédure judiciaire.

La femme peut conclure son contrat de mariage elle-même: l’imposition d’un tuteur (père, frère) pour la signature du contrat est remplacée par le libre choix par la femme dudit tuteur, qui peut être aussi l’un de ses proches.

L’âge du mariage pour la femme est fixé à 18 ans (auparavant 15 ans).

La polygamie est rendue presque impossible, de fait. Entre autres, la femme peut s’opposer dans le contrat de mariage à ce que le mari prenne une deuxième épouse. C’est une cause de divorce s’il le fait. Et même si l’opposition de la femme n’a pas été stipulée au départ.

La reconnaissance du mariage civil, qui n’existe pas au Maroc, est désormais acquise, indirectement, par biais de la reconnaissance du mariage civil célébré à l’étranger, en présence de deux témoins musulmans.

Le père d’un enfant né hors mariage a l’obligation de le reconnaître.

Au moment du mariage, les époux peuvent établir un contrat stipulant le partage des biens acquis (auparavant tous les biens acquis, durant le mariage revenaient au mari)

Entre le droit de la foi et le droit de la loi

L’ambassadeur du Maroc, en présentant ces nouvelles dispositions devant une assemblée, essentiellement féminine, de la communauté marocaine à Lausanne et devant la presse, a salué le nouveau code de la famille, qui donne un contenu concret au rôle de la femme dans la société marocaine d’aujourd’hui ».

« Proposer des réformes n’est pas une mince affaire dans un pays musulman », a déclaré Mohammed Guedira, ajoutant, pragmatique: « Nous ne sommes pas la Suède! » Entre « le droit de la loi et le droit de la foi », les avancées ne se font que pas à pas.

Ainsi, concernant la polygamie, inscrite dans la loi islamique, donc qui ne peut être abolie, »elle a beaucoup baissé au Maroc », a-t-il précisé ». La loi la rend presque impraticable. Le nouveau code est « un compromis qui reflète la volonté d’aller le plus loin qu’il est envisageable dans l’émancipation de la femme ».

La mise en oeuvre de séminaires de formation des juges et la création des « Tribunaux de la famille » sont des mesures qui permettront, a déclaré l’ambassadeur, de faire respecter le nouveau droit, également dans les campagnes où sévit un analphabétisme important. « Nous voulons aussi qu’il y ait un maximum de femmes possible qui statuent dans ces tribunaux ».

Un code qui subira encore des évolutions dans le futur

D’autres améliorations du statut de la femme seront encore nécessaires dans le futur. « Le roi Mohammed VI est déterminé à aller de l’avant « , a ajouté l’ambassadeur. La réforme du code de la famille a été un long processus dans lequel se sont impliquées des associations de défense de la femme et des droits humains. Un premier projet, avorté, suivi d’un remaniement ministériel, a servi de base à un nouveau projet qu’a empoigné une Commission ministérielle, qui a planché 30 mois dessus.

En juin dernier, la Secrétaire d’Etat marocaine chargée de la famille, la solidarité et l’action sociale, Yasmina Badou, affirmait que « Le code de la famille et le statut de la femme marocaine ne remplissent pas leur devoir premier qui est la protection de la famille ». Yasmina Badou déplorait le « parcours du combattant imposé, même aux femmes violentées dans leurs foyers, pour obtenir le divorce ». Elle dénonçait le fait que lorsqu’elles se remarient, les femmes marocaines divorcées perdent la garde de leurs enfants. « Ce qui n’est pas le cas pour leurs maris ». Le nouveau Code de la famille, qui était alors en chantier, rend désormais caduques ces revendications.

Enfin, en septembre 2003, le projet aboutissait et était présenté par le souverain marocain à l’ouverture de la session du parlement, le 10 octobre 2003, qui en donnait les grandes lignes et demandait au parlement d’accepter les recommandations de la Commission ministérielle et d’établir un texte de loi. Le 16 janvier 2003 le législatif acceptait le texte, avec de légers amendements. .

Le Code de la famille est donc un compromis, que certains ne jugent pas suffisamment audacieux, mais que d’autres considèrent franchement comme révolutionnaire, dans un pays islamique. De grands progrès restent encore à faire sur la voie de l’égalité hommes/femmes, en particulier dans le domaine de l’héritage où à part quelques modestes aménagements (lorsque des petites filles héritent d’un grand-père), la situation est très inéquitable pour les femmes, ainsi que pour les enfants non musulmans. (apic/vb)

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