Rome: Un document veut corriger les «abus liturgiques»

Un texte très controversé avant même sa publication

Rome/Washington, 30 mars 2004 (Apic) Le pape Jean Paul II a signé un texte visant à corriger les abus liturgiques. Ce document officiel, attendu depuis longtemps, devrait être publié après Pâques. Il fait d’ores et déjà des vagues, avant même sa publication. Et suscite « étonnement, inquiétude et souci » de la part de l’Association des professeurs de liturgie, qui s’en sont ouverts au pape, rapporte l’agence de presse catholique CNS à Washington.

Le texte, fruit de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium », promulguée par le pape Paul VI, est actuellement traduit du latin dans différentes langues, a déclaré fin mars le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Selon d’autres sources, le document sera probablement prêt à être publié vers la fin avril 2004.

Le document est sujet à controverses depuis l’été dernier. En effet, des détails ont fait l’objet de fuites provenant d’une version du texte. Celui- ci dénonçait une longue suite d’erreurs liturgiques et appelait les évêques à les corriger.

Parmi les points épineux, d’après des sources non officielles, le texte insistait sur la limitation du rôle des laïcs, interdisait la danse liturgique, mettait en garde contre l’utilisation de textes non approuvés, et également contre les rites pseudo-liturgiques de la part des femmes et à l’intention des femmes, et déclarait que le rite de la communion, sous la forme du pain et du vin, n’est pas toujours adéquat. Le texte encourageait aussi les laïcs à dénoncer à leurs évêques les abus liturgiques, et si nécessaire, directement au Vatican.

Le contenu, comme le ton, alarment les liturgistes

Selon des sources proches du Vatican, le document a été modifié, après avoir été revu par des membres de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, responsable de la publication du texte, préparé en collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la foi.

Autant que le contenu, le ton du document a alarmé quelques liturgistes à Rome même, y compris certains qui travaillent avec le Vatican sur les liturgies papales. La crainte et la suspicion vis-à-vis du document, qui va être publié incessamment, se sont faites jour une première fois à l’occasion d’un Symposium commémorant le 40ème anniversaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium » en décembre 2003. Cette Constitution conciliaire, promulguée par le pape Paul VI, était, selon lui, le premier fruit du Concile Vatican II, qui portait les prémices du renouveau liturgique.

Parmi les participants au colloque de décembre 2003, qui ont discuté des éléments contenus dans le document, se trouvaient le Cardinal Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, ainsi que Mgr Domenico Sorrentino, secrétaire de ladite Congrégation.

A la fin du symposium, le Père Silvano Maggiani, religieux servite, président de l’Association des professeurs de liturgie, a lu un message exprimant la peur des liturgistes que le mouvement de réforme liturgique, ouvert par Vatican II, se referme.

Les liturgistes, inquiets, se sont adressés directement au pape

Le Père Silvano Maggiani a déclaré à l’agence de presse américaine CNS que l’Association des liturgistes avait envoyé des lettres personnelles à Jean Paul II et à d’autres hauts dignitaires du Vatican, exprimant leur « étonnement, malaise, peur et souci » devant l’apparente direction que prend le document sur les abus liturgiques.

Le Père Silvano Maggiani, qui est aussi consultant pour le Bureau du Vatican pour la préparation des liturgies papales, affirme qu’il « n’est pas juste de définir comme abus ce qui ne l’est pas ». Tout abus réel devrait être corrigé, non pas dans un esprit répressif, mais à travers la formation, a-t-il encore confié à CNS. Il a ajouté que « cela irait à l’encontre de Vatican II et équivaudrait à retourner à une séparation entre fidèles laïcs et prêtres ordonnés ».

Des sources proches du Vatican disent que le document était prêt depuis un certain temps, mais qu’il a été retenu pendant quelques semaines par le Secrétariat d’Etat du Vatican, qui l’a revu. Ce qui aurait conduit à des changements significatifs. « Je pense que certaines parties ont disparu et que le document dans l’ensemble a été fortement simplifié », selon l’une des sources de CNS.

Quelle que soit la forme finale, le document prend pour cible les abus liturgiques et a été rédigé à la requête expresse du pape. Lorsque ce dernier a demandé que soit préparé un texte sur la liturgie sacrée, il y a environ un an, il a déclaré vouloir y inclure « des prescriptions de nature juridique » concernant les règles de l’Eglise pour la célébration de la messe et l’adoration de l’Eucharistie.

Le rôle des laïcs durant les liturgies remis en cause

Une partie des préoccupations au sujet de ce document se concentre surtout sur le rôle des laïcs durant les liturgies. Selon ces mêmes sources, le Vatican ne veut pas que des laïcs donnent des sermons, prononcent des prières eucharistiques, rompent le pain ou distribuent la communion, à moins qu’il n’y ait une « urgente » nécessité. La raison en est que cela diminuerait le rôle des prêtres ordonnés.

D’autres domaines d’inquiétude liturgiques et sacramentels sont également soulevés dans le document:

– La pratique d’inviter des non catholiques à partager la communion

– La permission donnée à des prêtres réduits à l’état laïc d’administrer les sacrements

– La substitution de textes non bibliques à des lectures bibliques, durant la messe

– L’introduction d’éléments non chrétiens dans la liturgie catholique et la célébration de la messe dans des lieux de culte non chrétiens.

– La permission à des ministres non catholiques de porter des vêtements liturgiques catholiques

– L’adoration de l’Eucharistie dans des conditions inadéquates

– Le fait de donner la première communion en dehors de la messe et avant la première confession

– L’utilisation de métaux non nobles, de verre et de céramique pour les récipients sacrés, y compris le calice.

– Rompre l’hostie à la consécration plutôt que juste avant la communion (apic/cns/vb)

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