Introduction de la messe dans une cathédrale protestante

Lausanne: La cathédrale s’ouvre aux autres Eglises chrétiennes du canton

Lausanne, 8 avril 2004 (Apic) Coup de tonnerre en milieu réformé. La cathédrale s’ouvre à l’Eglise catholique et aux autres Eglises chrétiennes du canton. Suite à la proposition d’un député libéral, un groupe de travail de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) a fait des propositions à l’Eglise catholique vaudoise.

Ravie du cadeau et, d’autant qu’elle n’avait rien demandé du tout, l’Eglise catholique a accueilli ce « miracle », comme l’a expliqué Mgr Pierre Bürcher, évêque auxiliaire. Le miracle s’arrêtera toutefois à ce don, forcément sans réciprocité, puisque l’Eglise catholique ne peut en aucun cas déroger au principe de l’Eucharistie, refusée aux non catholiques.

L’ouverture de la cathédrale aux autres Eglises chrétiennes du canton comprend une prière oecuménique quotidienne, une célébration mensuelle de la Parole, et une messe, « lors de circonstances particulières », avec eucharistie. Le projet a été présenté à la presse le 7 avril en présence du pasteur Etienne Roulet, représentant le Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV), de Mgr Pierre Bürcher, évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne Genève, Fribourg et Neuchâtel. Ce dernier a remis au pasteur Roulet, en guise de reconnaissance, une channe de baptême en étain. Ainsi que du pasteur Shafique Keshavjee, pour le Conseil des Eglises chrétiennes du canton, d’Eric Golaz, chef du Service de justice, de l’intérieur et des cultes, de Jacques-André Haury, député libéral au Grand Conseil vaudois et initiateur du projet.

Dans une chronique parue dans le journal 24 Heures, le député Jacques-André Haury, craignant la désertification de la cathédrale, « confinée à un rôle d’accueil de manifestations culturelles », proposait d’ouvrir l’édifice aux autres Eglises chrétiennes du canton de Vaud. Un groupe de travail des instances réformées (paroisse Chailly-la cathédrale, région Lausanne, Conseil synodal) a réfléchi à la question et fait des propositions à l’Eglise catholique qui, dans un premier temps, s’est peu exprimée, n’étant pas demandeuse. Les deux Eglises se sont mises d’accord sur un projet en trois volets, qui s’inscrit dans le cadre global de la Déclaration de collaboration oecuménique signée entre les Conseils des Eglises réformée et catholique du canton de Vaud le 20 janvier 1999.

La cathédrale est propriété de l’Etat de Vaud

Sans mettre en cause le fait que la Cathédrale de Lausanne, propriété de l’Etat de Vaud, « demeure un lieu dévolu au culte réformé, ces propositions visent à approfondir la vie oecuménique », pour l’EERV. L’ouverture de la cathédrale aux Eglises non protestantes se compose de trois volets : la prière oecuménique quotidienne, qui existe déjà, deux fois par jour, et qui sera prise en main par une équipe oecuménique; la célébration mensuelle de la Parole, mais sans la Cène ou l’Eucharistie, pour les croyants de toutes confessions, organisée avec le Conseil des Eglises chrétiennes, et la célébration catholique, avec Eucharistie.

Prenant la parole pour le Conseil des Eglises chrétiennes du canton, le pasteur Shafique Keshavjee a précisé que les Eglises réunies dans le Conseil pourront utiliser cette possibilité. Créé en 2003, cette instance comprend toutes les tendances des Eglises réformées, l’Eglise catholique chrétienne, l’Eglise anglicane, l’Eglise écossaise, l’Eglise méthodiste, l’Eglise adventiste, les Eglises luthériennes, les Eglises orthodoxes et orientales.

Pour sa part, le représentant le département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud (DIRE) salue par cette ouverture de la cathédrale aux autres Eglises la mise en oeuvre des articles de la nouvelle Constitution vaudoise, approuvée par le peuple, concernant les trois Eglises reconnues, protestantes et catholiques ainsi que la communauté israélite, et les autres communautés religieuses ».

Pas d’Eucharistie pour les non catholiques

Reste la question épineuse de la non réciprocité de l’hospitalité eucharistique, de la part des catholiques. Le député Haury a demandé à Mgr Genoud si pour une messe célébrée dans un édifice protestant, il pourrait être accordé cette hospitalité eucharistique aux protestants. »Mgr Genoud a répondu clairement que ce n’était pas envisageable » a précisé le député vaudois.

« Le fait que l’Eglise catholique n’accorde pas cette hospitalité alors que les protestants l’accordent signifie que la sainte Cène et l’Eucharistie n’ont pas exactement la même signification dans les deux tradition », a conclu le député. « Lorsque l’on fait un don, on n’attend pas la réciprocité », a déclaré pour sa part le pasteur Etienne Roulet.

Quant à Mgr Bürcher, il a rappelé que la messe ne pouvait être une célébration oecuménique, mais a promis que seraient intégrés des « signes » à l’intérieur de la messe. Quels seraient ces signes? D’abord « en intégrant l’accueil officiel de la part de l’EERV et ensuite au cours de la cérémonie, la possibilité donnée à des acteurs d’autres confessions de proclamer une lecture de la Bible, de participer aux intentions de prière ».

Rappelons que selon l’Eglise catholique romaine, les Eglises de la Réforme ne sont pas des Eglises au sens plein du terme, car elles n’ont pas conservé la pleine tradition apostolique. Difficulté qui se traduit notamment pour l’Eglise catholique et orthodoxe par l’impossibilité actuelle d’ouvrir l’Eucharistie aux autres confessions.

Pour les communautés étrangères

La première célébration mensuelle de la Parole aura lieu le 5 septembre. Elle sera préparée par l’EERV. Côté catholique, la première messe à la cathédrale aura lieu le 13 novembre, à l’occasion de la Journée des peuples. A ce propos, Mgr Bürcher s’est félicité d’accueillir cette Journée, réunissant les communautés linguistiques catholiques étrangères présentes en pays de Vaud. Il y voit une continuation de l’esprit de la nouvelle Constitution vaudoise, qui a donné le droit de vote communal aux étrangers.

La deuxième messe catholique est d’ores et déjà prévue le 21 mai 2005 pour le sacrement de la confirmation, regroupant plusieurs paroisses catholiques.

Il n’y a pas eu consultation préalable des principaux intéressés, les fidèles protestants. Les hiérarchies mutuelles ayant mené le projet à son aboutissement, comme le confirme le pasteur Roulet. « On ne veut pas faire un vote pour tout acte d’ouverture », s’est-il exclamé. Il y aura sans doute des réactions de mécontents, qu’on escompte faibles. « Certains se plaindront que l’Eglise réformée cède du terrain ou d’autres que les catholiques sont gagnants », a ajouté le pasteur Roulet.

L’histoire en quelques chiffres

Construite au 12è siècle dans le style roman, continuée dans le style gothique, la cathédrale a été consacrée par le pape Grégoire X en présence de l’Empereur Rodolphe de Habsbourg. Avec la Réforme, en 1536, le culte catholique fut interdit à Lausanne, les églises détruites par les armées bernoises, sauf l’Eglise Saint-François et la cathédrale. Cet état de fait a duré jusqu’au début de la Révolution française, où sous la République helvétique mise en place par Napoléon, plusieurs membres du Gouvernement helvétique demandèrent au « Canton du Léman » la possibilité de célébrer la messe, en s’appuyant sur un précédent à la Cathédrale de Berne, en 1800. Pour la première fois depuis la Réforme, une messe a donc été célébrée en 1802, par le curé de la paroisse d’Assens. La prochaine messe catholique du 13 novembre 2004 à la Cathédrale sera la deuxième depuis la Réforme. (apic/vb)

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