« On ne peut pas aider l’Irak sous le drapeau américain »
Rome, 29 avril 2004 (Apic) « On ne pouvait pas aider l’Irak sous le drapeau américain, comme c’est le cas aujourd’hui où les forces d’autres pays donnent l’impression d’être des forces collatérales de celles des Américains », a déclaré jeudi le cardinal italien Pio Laghi. Le cardinal Pio Laghi, ancien nonce apostolique aux Etats-Unis, se montre particulièrement incisif face à la politique du président Bush. En octobre dernier, il s’en était déjà pris en des termes sévères à l’administration Bush, pour condamner cette « guerre illégale ».
Dans une interview accordée à la revue économique catholique « Consulting Re », le haut prélat, envoyé début mars 2003 par le pape à Washington pour tenter de conjurer le conflit irakien, a critiqué très sévèrement l’administration Bush.
Il a souligné que « pour contribuer à rétablir un minimum d’ordre en Irak, le drapeau coiffant ces forces devrait être de nombreuses couleurs, aussi nombreuses que possible ». « Il faut arriver le plus tôt et le mieux possible à une reconstruction en concernant le nombre les plus important possible de pays ». « Aujourd’hui, au contraire, on a l’impression que les forces d’autres pays présentes en Irak sont des forces collatérales des celles des Américains qui ont voulu et mené l’intervention militaire ».
Pour le cardinal Laghi, « les Etats-Unis doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas se servir des Nations Unies quand cela les arrange et les écarter quand cela ne leur convient pas ».
L’envoyé du pape auprès de Bush peu avant le début de la guerre américano-britannique a révélé qu’il avait il y a un an mis en garde le président George W. Bush contre « les actes illégaux que le gouvernement des Etats-Unis était en train d’entreprendre, étant commis en dehors du cadre des Nations Unies et tels qu’ils ne pouvaient pas être justifiés ».
« J’ai lui ai dit, rapporte le cardinal Laghi, que l’Eglise essaye autant que possible de construire des ponts avec l’Islam » et que « je n’arrivais pas à comprendre comment les Etats-Unis et l’Angleterre, considérés comme des pays chrétiens, pouvaient déclarer une guerre à un pays musulman dans le contexte d’un monde arabe déjà aussi difficile à comprendre en lui-même ».
« Au lieu de construire des ponts, vous les détruisez »
« Au lieu de construire des ponts vous les détruisez, je lui ai dit en lui demandant s’il n’avait pas pensé aux victimes, aux désastres incalculables causés par les armes et aux temps très longs de la reconstruction ».
Sept mois après avoir tenté de convaincre le président George W. Bush de ne pas attaquer l’Irak, le cardinal Pio Laghi commentait en termes vifs en octobre dernier sa rencontre avec Bush.
L’ancien ambassadeur du Saint-Siège aux Etats-Unis, déclarait alors ne pas avoir le sentiment que Bush et son équipe aient donné beaucoup de poids aux arguments du pape. « J’avais l’impression qu’ils avaient déjà pris leur décision », a-t-il souligné.
Le cardinal Laghi avait encore révélé que lorsqu’il s’est assis pour parler avec Bush le 5 mars 2003, le président a commencé par exposer de long en large les raisons en faveur de la guerre, jusqu’à ce que l’envoyé du pape l’interrompe en lui disant: « Je ne suis pas venu ici seulement pour écouter, mais aussi pour vous demander d’écouter ».
Le président américain a certes prêté attention au cardinal Laghi, mais il a élevé des objections contre les arguments moraux du Vatican, opposé à l’usage de la force. Il n’a pas tenu compte de son rejet de la soi- disant « guerre préventive » et de ses avertissements sur les conséquences concrètes de la guerre pour les Irakiens et les autres peuples. (apic/ag/imedia/pr)
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