« C’était un bon moment, cela nous motive pour un nouveau départ »
Jacques Berset, agence Apic
Berne, 5 juin 2004 (Apic) Le pape nous a dit: « lève-toi », en nous invitant à nous lever, à nous mettre en marche. On a passé un bon moment, cela nous motive pour un nouveau départ. Mais on ne sait pas ci cela va durer !, commentent tour à tour Grégoire, Damien, Jérôme, Bastien, Marina, Nathalie, Magalie, Patrick et David, rejoints plus tard par Christopher. Ils ont fait samedi le déplacement de Berne pour voir Jean Paul II.
Confirmands de la paroisse de Courtion, une petite communauté rurale située entre Morat et Fribourg, ces étudiants et apprentis de 16-17 ans ont de la peine à trouver les mots pour décrire ce qu’ils viennent de vivre dans la BernArena, qui vibre d’habitude aux exploits des hockeyeurs du SC Bern, l’équipe fanion de la capitale fédérale qui vient de fêter son onzième titre de champion suisse.
Des allures de rencontre sportive
Certes, l’événement avait des allures de rencontre sportive à voir la marée de fanions polonais vibrionnants d’un groupe compact placé juste devant la scène où se trouvait le pape, les grandes bannières à l’aigle à deux têtes de la communauté albanaise du Kosovo, les damiers croates, les drapeaux slovaques, allemands, italiens ou portugais noyant les quelques rares croix blanches helvétiques. L’impression était encore renforcée par les « olas » d’un public bariolé scandant en rythme « Giovanni Paolo, Giovanni Paolo! ».
A l’applaudimètre, constate un journaliste allemand qui suit depuis bientôt deux décennies les visites du pape, la rencontre de Berne sortira sûrement gagnante. « Et nous qui pensions que les Suisses allaient accueillir le pape plutôt froidement! ». Il oubliait peut-être qu’un tiers des jeunes catholiques de Suisse sont d’origine étrangère, et qu’ils étaient assez bien représentés samedi à la BernArena.
Le pape: il a aussi eu un jour vingt ans
Le discours du pape ? Ils en retiendront quelques bribes, des passages en français qu’ils ont pu difficilement capter bien que la foule, très respectueuse, ait à chaque fois fait silence quand Jean Paul II lisait son texte avec peine. « C’était souvent trop difficile à comprendre. On a entendu qu’il a aussi eu un jour vingt ans, qu’il aimait faire du sport, du ski, du théâtre. », retiennent nos interlocuteurs.
Ils soulignent qu’il est courageux, malgré son âge, d’être venu nous rendre visite. Ils ont entendu que le pape leur a dit de ne pas avoir peur de suivre Jésus. Lui qui a dit « Lève-toi ! » au jeune de Naïm qui gisait mort dans son cercueil. Ils savent désormais que ce n’est pas le moment de rougir de l’Evangile, dans un monde trop souvent dépourvu de nobles idéaux, « afin de faire naître une civilisation de justice authentique et d’amour sans discrimination ».
« Moi, j’étais étonnée de voir comment la foule acclamait le pape, cette solidarité entre les gens, cette complicité, il y a quelque chose qui passait », lâche Nathalie. « Un ’je ne sais quoi’ est passé », confirme Magalie. Tandis que Baptiste se dit assez impressionné par le personnage: « Il est vieux, on voit qu’il a de la peine à communiquer, mais on a vite vu que c’est lui qui décidait, qui commandait! » Tous ont vu le geste d’autorité de Jean Paul II, quand son secrétaire a voulu lui prendre des mains les feuilles de son discours. Les oreilles et les yeux encore pleins du spectacle qu’ils viennent de vivre, nos confirmands échangent déjà des souvenirs.
Si leur parcours de confirmands – qui dure un an et demi, de septembre 2003 à février 2005, à raison d’une rencontre par mois et de trois sorties, comprenant notamment une excursion au Grand-Saint-Bernard et une autre à Taizé – n’avait pas mis la rencontre de Berne au programme, ils ne seraient pas venus spontanément, avouent-ils. Mais finalement, relève Grégoire, « si Jean Paul II vient à Berne, si près de chez nous, c’est l’occasion de voir le pape qui le chef de l’Eglise catholique, et aussi de partager un bon moment, de faire la fête ». Pas question alors de trop leur en conter, à ces jeunes.. Quand, à la sortie de la gare de Berne, des membres de la secte de Raël distribuant des tracts ont demandé aux jeunes confirmands de Courtion se faire débaptiser et de signer un « acte d’apostasie », Marina a tout simplement rétorqué: « Si je prépare ma confirmation, ce n’est pas pour renoncer aujourd’hui à mon baptême! ». JB
Encadré
Abbé Pierre-Yves Maillard: plus qu’un feu de paille
On en attendait 10’000, et ils étaient quelque 14’000 samedi soir 5 juin pour faire un véritable triomphe au pape Jean Paul II. Responsable du Comité pastoral de la 1ère Rencontre des jeunes catholiques de Suisse, l’abbé Pierre-Yves Maillard – par ailleurs responsable du séminaire du diocèse de Sion à Givisiez (FR) – se déclare très heureux et surpris par l’affluence des jeunes, dont nombre sont venus à la dernière minute. Bien sûr, confie-t-il à l’Apic, le nombre n’est pas le critère le plus important. C’est surtout l’ambiance très chaleureuse et détendue qui l’a impressionné: « Lors de l’accueil du pape, c’était très festif, mais aussi très recueilli quand il parlait! »
Pierre-Yves Maillard est content que les jeunes ont vraiment joué le jeu: près d’un millier étaient déjà à l’oeuvre à la veille de la rencontre. Ces jeunes se sont impliqués depuis des mois dans la préparation de la rencontre: dans le choeur, dans les chorégraphies, les décors, etc. « Ce n’est pas seulement ce week-end, mais tout le cheminement qui est intéressant. On n’a pas affaire à un feu de paille, une partie d’entre eux s’engageront ensuite dans leur communauté ». S’il ne peut pas à ce stade confirmer la mise sur pied régulière, à l’avenir, d’une telle Rencontre nationale, l’abbé Maillard pense qu’il y aura « certainement une suite », sans pouvoir encore préciser sous quelle forme. Le jeune prêtre est toutefois conscient qu’une grande partie du succès de ce week-end est dû au charisme propre de Jean Paul II. JB
Berne: Les jeunes se sont dispersés après la rencontre avec le pape
Rencontre avec les évêques au bistrot
Bernard Bovigny, de l’Apic
Berne, 5 juin 2004 (Apic) Des stands et des ateliers se sont ouverts après la rencontre du pape avec les jeunes, samedi soir, dans plusieurs bâtiments de la Grosse Allmend à Berne. Les milliers de participants ont envahi les lieux de façon désordonnée, passant d’un emplacement à l’autre ou improvisant une animation en plein air.
Un peu après 20h, la musique résonne encore dans la patinoire que vient de quitter le pape, alors que des évêques s’affairent dans leur « bistrot » adjacent ou préparent leurs interventions. C’est dans un brouhaha général, hérité de l’agitation que vient de connaître la foule acclamant Jean Paul II, que les ateliers, dont l’espace de rencontre entre évêques et participants, se mettent en place.
La plupart des jeunes se trouvent déjà à l’extérieur, assis devant une assiette de riz ou cherchant à rejoindre leurs camarades semés dans la foule, dans les stands du bâtiment voisin ou encore à l’intérieur de la patinoire pour bénéficier des dernières notes de musiques de la fête.
Groupe de discussion dans le brouhaha de la fête
Mgr Pierre Bürcher, évêque auxiliaire à Lausanne, se lance courageusement devant une dizaine de participants dans un commentaire sur la force de la faiblesse en compagnie d’Alexandre Jollien, philosophe et infirme moteur cérébral. Les exclamations provenant de la patinoire et des tables voisines couvrent pratiquement les paroles du jeune handicapé, malgré ses efforts de prononciation. Tout comme avec le pape juste auparavant, des bribes de phrases, des mots d’encouragement ou d’espérance parviennent aux oreilles des personnes présentes. Mgr Bürcher, répondant aux questions des participants, se dit impressionné par la communion qu’il a perçue entre les jeunes eux-mêmes, et surtout entre le pape et les jeunes. « Au-delà de la faiblesse de quelqu’un de souffrant, un message essentiel peut passer », souligne-t-il.
La ferveur de ces rassemblements de masse contraste sensiblement avec l’éloignement de nombreux jeunes de leur vie paroissiale, fait remarquer un participant. Pour l’évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, il est clair que depuis longtemps, la paroisse n’a plus l’exclusivité de l’annonce de l’évangile. « Il y a eu l’action catholique, qui existe et qui fleurit encore aujourd’hui, et il y a surtout les nouveaux mouvements ecclésiaux, comme Sant’Egidio, les Focolaris, les groupes charismatiques. Les jeunes trouvent auprès d’eux quelque chose qui les touche davantage », affirme Mgr Bürcher.
Flot ininterrompu de jeunes dans les stands
Du côté des stands voisins, les animateurs ne savent plus où donner de la tête. En sortant de la patinoire, les participants étaient pratiquement obligés de passer par le bâtiment qui les abrite pour rejoindre leurs campements. Il en a résulté un flot ininterrompu de plusieurs milliers de participants tentant de trouver un passage entre les tables et autres installations depuis la fin de la rencontre avec le pape jusque tard dans la soirée.
Le stand tenu par la Garde suisse pontificale, situé pourtant tout au fond de la salle, est pris d’assaut. Par des simples curieux? « Oh non. Beaucoup de jeunes ont manifesté un intérêt réel pour ce service. Certains ont même assuré qu’ils viendraient à Rome pour un stage d’observation d’une semaine, proposition que nous avons lancée il y a quelques mois », assure un animateur de ce stand.
D’autres jeunes n’en ont cure des activités organisées à leur intention. Spontanément, des groupes se mettent en place, se font et se défont pour improviser des chants, des rondes de danses ou des discussions en plein air.
Les évêques réunis au bistrot
Déambuler dans le « bistrot des évêques » permet de rencontrer dans un espace décontracté quelques-uns de ces chefs de l’Eglise catholique en Suisse. Certains, comme Mgr Kurt Koch, évêque de Bâle, et Mgr Amédée Grab, président de la Conférence épiscopale suisse, sont pris d’assaut par les journalistes ou par des participants désirant partager leur réflexion avec eux. Quant à lui, Mgr Denis Theurillat, dit « l’évêque des jeunes » ne se lasse pas d’être photographié en compagnie de groupes de participants. Enfin, entre deux sollicitations, Mgr Martin Werlen, Père Abbé d’Einsiedeln, et qui jouit d’une bonne presse auprès de la jeunesse alémanique en raison de ses pèlerinages « décoiffants », se laisse brièvement accrocher pour une interview.
Apic: En 1984 déjà, la venue du pape en Suisse avait soulevé des mouvements de protestation .
Père Martin Werlen: Et je trouve bien que la visite du pape provoque. Le mot « provocation », d’ailleurs, signifie « pour la vocation ». C’est justement ce à quoi est appelé le pape.
Apic: Contrairement à l’époque, la visite d’aujourd’hui ne suscite pas beaucoup d’opposition contre le pape lui-même, mais sur des thèmes récurrents comme l’appel à sa démission, le célibat obligatoire des prêtres, .
M.W: Pour moi, cela vient du fait que le pape a un message très convaincant, par exemple lorsqu’il dénonce la guerre menée par les Etats- Unis en Irak. Je trouve par contre beaucoup moins convaincants les arguments développés par les 41 signataires de la « lettre de Bâle », qui appellent le pape à démissionner à 75 ans.
Apic: Des groupes d’opposition à l’Eglise, et même des sectes, ont profité de la fête pour distribuer des tracts aux jeunes se rendant à la BernArena. Cela vous contrarie-t-il?
M.W: Non, pas du tout. On ne peut pas le leur interdire. Et de toute façon, les jeunes participants ont suffisamment de capacité de discernement pour ne pas entrer dans ce jeu.
Apic: Comment expliquez-vous que le pape, âgé et handicapé, avec un message pratiquement inaudible, parvienne à soulever un tel enthousiasme parmi les jeunes?
M.W: Cela me rappelle Saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars. A la fin de sa vie, personne ne le comprenait plus, mais sa prédication, c’était sa présence. Pour le pape aussi, son message est tellement connu et tellement clair que sa présence suffit. BB
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